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V. La dépression du post-partum vue par les médecins

5. La prise en charge de la dépression du post-partum

5.1. Par le médecin généraliste

● Prévenir et conseiller

A la lumière de son expérience personnelle, le médecin K prévenait ses patients des difficultés du post-partum et leur prodiguait des conseils.

Médecin K : « Ce que j'explique aux gens, parce qu’en fin de grossesse ils sont tout contents, ils vont avoir un beau bébé, ils vont faire des photos mais en fait non, en fait pendant 2 ans c'est un petit peu l'enfer. Donc faut les prévenir et quand on est prévenu des choses je crois que ça passe mieux. », et plus loin : « Moi je leur conseille, alors y'avait Geneviève Pernoux qui faisait un bouquin, J'attends un enfant et après, J'élève mon enfant, c'était un truc que moi j'avais vu, j'avais lu, j'avais regardé des passages (...) donc je leur disais moi de prendre le bouquin et de suivre un peu ce guide-là qui était plein de bon sens et ça pouvait leur faire un fil conducteur, après elles écoutaient tout ce qu'elles voulaient écouter mais (...) c'est pas mal d'avoir un seul chemin tracé pour un peu avoir des repères. »

● Ecouter et attendre

Le médecin K préconisait une écoute en attendant que l’épisode passe.

Médecin K : « Je crois qu'il faut être beaucoup dans l'écoute et dans l'empathie (...) on est pas des donneurs de leçons pour les patients. », et plus loin : « Mais après qu'est-ce qu'on peut y faire ? Je sais pas...Bah oui, qu'est-ce qu'on fait derrière ? Psychothérapie... mais toutes façons après faut attendre hein, y'a pas de mystère, faut juste s'assurer que l'entourage et l'enfant n’en souffrent pas trop. Moi j'étais à la fac à l'époque c'était le Pr X qui était notre patron, et il disait toutes façons, la dépression que vous fassiez rien, que vous donniez des médicaments, que vous fassiez des électrochocs, que vous fassiez ce que vous voulez, au bout de 6 mois le résultat est le même, y'en a toujours autant qui sont déprimés, autant qui sont guéris, autant qui vont rechuter, ça change rien.Alors, c'est pas trop ce qu'ils disent maintenant mais malgré

79 tout, il avait quand même une bonne expérience clinique et dans ce que je vois moi de dépressifs, aorf, je m'affole pas. »

● Informer

Médecin A : « Quand on explique que quand ça vient du fait que le bébé il pleure, elles acceptent le fait d'être prise en charge et de discuter du problème. »

Médecin O : « En général c'est d'ailleurs ce que je dis, il faut que le bébé s'habitue à la maman et vice versa, c'est une relation qui n’est pas instinctive, pas tant que ça finalement. »

La plupart du temps, le fait de mettre le doigt sur le problème suffirait.

Médecin A : « Elles sont peut-être pas toutes non plus à justifier un traitement ou une prise en charge », et plus loin : « Le fait de pointer du doigt le symptôme, des fois peut suffire largement à débloquer une situation (...) 9 fois sur 10 (...) ça permet de sortir d'un état de dépression. » et enfin : « Donc souvent y'a pas de traitement et c'est franchement... une prise en charge de médecine générale. »

● Rassurer

Beaucoup de médecins insistaient sur le fait de rassurer la patiente.

Médecin B : « Déjà les déculpabiliser, leur dire, alors vous êtes pas folle, ce qui vous arrive ça arrive à plein de gens, c'est pas parce que vous êtes une mauvaise mère (...) et c'est vrai que, dédramatiser ça, il me semble que ça les aide déjà beaucoup. »

Médecin F : « Faut surtout essayer de beaucoup parler de leurs problèmes, de les rassurer en leur disant, (...) vous êtes normale hein, elles me font toutes ça alors ce qui vous arrive, c'est pas exceptionnel, c'est à peu près pour tout le monde comme ça donc c'est tout à fait normal. Et des fois le simple fait de leur dire ça les rassure et elles se disent, bon ça va mieux. »

Médecin G : « On en parle parfois après l'accouchement, pour les rassurer, pour faire la différence entre une dépression, un baby blues, une fatigue habituelle dans les premiers mois quand même... Donc parfois ça permet de donner des petites informations sur ce qui normal, ce qui est pathologique. »

Médecin I : « Sur le plan hormonal je l'ai rassurée en lui disant que ça pouvait arriver, que c'était un moment un peu vulnérable. »

Médecin L : « Moi je leur dis aux femmes, votre enfant il peut grandir sur un tas de fumier et bouffer des vers, les enfants c'est assez adaptable... quoique vous fassiez ça va bien se passer. » Médecin M : « Il faut un peu les aider à pouvoir verbaliser ça en disant qu'on était pas une mauvaise mère si à certain moment on supportait pas son gamin, ça arrive à tout le monde. » Médecin N : « Je suis quand même prudente à la première consultation et en général assez rassurante en leur disant que toutes façons c'est normal pendant la grossesse et dans le post- partum, la fatigue aidant et puis tout, c'est normal d'être fragile. », et plus loin : « Après je fais

80 la différence entre la dépression du post-partum et le syndrome anxieux, je vois quand même beaucoup de mamans très anxieuses, mais là pour le coup je me sens apte à le gérer, du fait de mon expérience, du fait du lien, et comme on voit beaucoup de troubles anxieux autres, on commence à avoir une certaine habitude. », et plus loin : « Rassurer, rassurer, être présente quand même, pouvoir répondre aux coups de fil quand y'en a. »

Médecin O : « J'essaie de dédramatiser quand une maman est débordée. »

● Proposer de revoir la patiente

Ils étaient nombreux également à proposer de revoir la patiente pour réévaluer les choses. Médecin F : « Je leur dis, on se revoit la semaine prochaine par exemple pis si ça va pas vous revenez me voir quand vous voulez. En fait, la porte est ouverte et y'en a qui vont revenir 3 jours après, y'en a qui vont venir 1 semaine après, y'en a que je vais revoir pour le suivi du bébé et je vais leur dire alors comment ça va ? Pis elles me disent oh bah c'est fini, oh bah voilà c'est passé. »

Médecin G : « Ce que je fais (...) c'est de revoir les patientes qui ont soit une inquiétude elles- mêmes, quand elles trouvent qu'il y a des choses qui vont pas bien, soit nous pour vérifier si l'état de l'humeur se dégrade ou se stabilise ou au contraire, réaugmente spontanément comme ça. »

Médecin I : « Je l'ai vue une semaine plus tard pour le bébé, elle m'a dit que ça allait mieux, qu'elle commençait à relativiser, que effectivement la fatigue aidant... aussi, le retour de couche (...) passé d'ailleurs ce moment ça allait déjà un petit peu mieux, donc sur la deuxième consultation elle m'a semblée un peu moins vulnérable, un peu moins à risque que ce que je pouvais craindre, toutes façons je reverrai le bébé quand il aura 2 mois et je lui ai laissé la porte ouverte, je lui ai dit de m'appeler avant si elle avait besoin qu'on refasse le point. »

Médecin N : « En général je leur dis si ça va pas mieux vous revenez me voir, (...) finalement après quand je les revois, ça va mieux et donc c'est pas si fréquent que ça que j'évoque ce diagnostic-là. Mais après par contre quand je l'évoque, je l'adresse. »

Médecin O : « Souvent je demande à les revoir, qu'on parle du bébé, qu'on voit comment elles arrivent à se débrouiller. » et plus loin : « Y'a un article sur Prescrire sur les coliques du nourrisson et sur les pleurs du bébé intéressant à lire, moi souvent je l'édite pour les parents qui sont inquiets, pour leur dire beh vous savez, vous n'êtes pas les seuls. »

● Une consultation de couple

Une des solutions pouvait être de créer un espace de discussion entre les partenaires, mettant en évidence l’importance du soutien du conjoint.

Médecin A : « Avec quelques entretiens, souvent il faut qu'il y ait le conjoint, on explique que ce serait bien que le conjoint soit là, voilà, (...) chacun fait un effort de son coté, que ce soit le mari et la femme, et l'entourage des fois, et ça peut suffire. »

Médecin K : « Ça dépend aussi après de l'entourage, du couple, du mari qui accepte ça ou pas (...) bon y'a des pères, des maris qui gèrent ça et puis après ça dure pas longtemps. »

81 Médecin B, à propos d’un de ses patients qui a fait une dépression du post-partum : « Elle, elle voulait qu'il se soigne, ça faisait même parti de la condition pour laquelle ils restaient ensemble, c'était à condition qu'il accepte de se soigner. »

● La place des traitements médicamenteux

Très peu de médecins disaient prescrire des traitements médicamenteux à leur patientes déprimées.

Médecin P : « Je l'avais mis et elle est toujours sous anxiolytiques qu'elle prend de temps en temps. »

Les raisons qui revenaient étaient l’allaitement et la peur de ne pas être capable de se réveiller la nuit. Les anxiolytiques étaient alors remplacés par des compléments alimentaires ou de la phytothérapie.

Médecin F : « Des anxiolytiques ? On peut pas chez la femme qui vient d'avoir un bébé, c'est vachement dangereux, parce qu'elle peut larguer son bébé par terre, ne pas se réveiller la nuit, les femmes qui allaitent, contre-indication absolue donc après, qu'est-ce qu'on a ? L’Atarax ? Pff pas terrible... (...) j'essaye de les supplémenter en leur disant que si elles ont pas d'anémie ferriprive ou de carence, en tous les cas il faut qu'elles prennent du Gestarelle ou des compléments alimentaires comme ça, que ça leur coute pas trop cher et puis ça va pas très loin. »

Médecin N : « Alors, y'en a quand même beaucoup qui allaitent, donc toutes façons on a pas trop le choix donc après si, éventuellement un peu de phyto (...) après, celles qui n'allaitent pas, j'ai tendance à pas trop médicaliser non plus, parce qu’il faut quand même qu'elles soient réactives. »

Médecin I : « Elle voulait pas trop que je lui donne de sédatifs, pas trop d'anxiolytiques parce qu'elle voulait pouvoir se réveiller quand même si le bébé pleurait, donc je lui ai donné de l'Euphytose, je crois, quelque chose de très, de très, très, basique, de vraiment très léger. »

● Du temps pour elles

Médecin F : « Finalement ce qu'il faudrait c'est qu'elles se reposent. »

Médecin K : « Faut leur faire faire du yoga, c'est très bien ça le yoga, ça les oblige à respirer, ça les oblige à penser à elles et effectivement, à faire leur travail elles-mêmes. »

Médecin N : « Quand il dort profitez-en pour vous reposer. »