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Chapitre II Le fer : transport et régulation chez les bactéries

4 Mécanismes de transport du fer à travers les membranes biologiques des bactéries

Les bactéries à Gram négatifs et à Gram positifs sont entourées par des membranes cellulaires composées de différents types de molécules dont la composition et la structure constituent des barrières plus ou moins perméables (Figure 5). Le fer, sous ses diverses formes doit franchir ces obstacles spécifiques de surface afin d’accéder au système de transport au niveau de la membrane cytoplasmique pour être ensuite transporté à l’intérieur de la bactérie.

4.1 Mécanismes de transport du fer chez les bactéries à Gram négatif

Chez les bactéries à Gram négatif, la source de fer doit traverser les deux membranes (externe et cytoplasmique) constituant la paroi cellulaire en passant par le périplasme, afin d’être utilisée par la bactérie. Dans le cas du fer ferreux, le passage à travers la membrane externe peut se faire par l’intermédiaire des porines jusqu’au périplasme. Ensuite, il est transporté dans le cytoplasme par les systèmes de transport FeoABC constitués d’une petite protéine G ayant une activité GTPasique (Hantke, 2003; Kammler et al., 1993).

Par contre, les molécules de tailles plus grandes (sidérophore-Fe3+, hémophore, hème)

ne peuvent pas traverser la membrane externe par diffusion passive par l’intermédiaire des porines. Elles sont transportées par l’intermédiaire des protéines de la membrane externe de la bactérie appelées récepteurs de type TonB-dépendant (Figure 6A). En général, le transport de fer dans le cytosol suit toujours le même processus indépendamment de la source de fer transportée. Cependant, pour un système de transport particulier, la spécificité des substrats est déterminée par les récepteurs de la membrane externe. Il existe des récepteurs spécifiques pour les différentes sources de fer (Tableau III). Ces récepteurs vont servir à transporter le fer

Tableau III - Quelques exemples de récepteurs de la membrane externe (ME) de type TonB-dépendant chez les bactéries à Gram négatif

Récepteurs ME

Substrats Famille Organisme Références

FhuE Fe 3+-coprogen Hydroxamate Escherichia coli (Andrews et al., 2003)

FhuA Fe 3+-Ferrichrome Hydroxamate Escherichia coli (Andrews et al., 2003)

FoxA Fe3+-Ferrioxamine Hydroxamate Yerisinia enterocolitica (Baumler & Hantke, 1992)

FecA Fe3+-dicitrate Citrate Escherichia coli (Andrews et al., 2003)

FepA Fe3+-enterobactine Catécholate Escherichia coli (Andrews et al., 2003)

Cir Fe3+-dihydroxybenzoyl serine Catécholate Escherichia coli (Andrews et al., 2003)

TbpA/TbpB Fe3+-Transferrine Glycoprotéine Neisseria meningitidis (Cornelissen, 2003)

LbpA/LbpB Fe3+-Lactoferrine Glycoprotéine Neisseria meningitidis (Schryvers & Stojiljkovic, 1999)

HpuA/HpuB Hémoglobine et/ou Hémoglobine-haptoglobine

Porphyrine Neisseria meningitidis (Lewis et al., 1997)

HemR Hème/Hémoglobine Porphyrine Yerisinia enterocolitica (Wandersman & Stojiljkovic, 2000)

HmbR Hémoglobine et/ou

Hémoglobine-haptoglobine

Porphyrine Haemophilus influenzae (Stojiljkovic et al., 1996; Wandersman & Stojiljkovic, 2000)

BtuB Vitamine B12 Porphyrine Escherichia coli (Ferguson & Deisenhofer, 2002)

HxuB/C HxuA-Hème et/ou

HxuA-hème-hémopexine

Hémophore Haemophilus influenzae (Cope et al., 1998) (Cope et al., 1995)

HasR HasA-Hème et/ou

HasA-hemoglobine, HasA-Hemopexine, HasA- myoglobine

Hémophore Serratia marcescens Yersinia pestis

Pseudomonas aeruginosa Pseudomonas fluorescens

(Wandersman & Delepelaire, 2004) (Wandersman & Stojiljkovic, 2000) (Letoffe et al., 1999) Perméase ATP sidérophores FeIII A MC ME Récepteur To n B ExbB ExbD ATP-ase Protéine périplasmique ADP + Pi ADP + Pi FeIII Perméase sidérophores ATP ATP-ase Protéine de liaison MC B Fe2+ Perméase ATP sidérophores FeIII A MC ME Récepteur To n B ExbB ExbD ATP-ase Protéine périplasmique ADP + Pi ADP + Pi FeIII Perméase sidérophores ATP ATP-ase Protéine de liaison MC B Fe2+

Figure 6 - Schéma de l’acquisition du fer par l’intermédiaire des sidérophores chez les bactéries à Gram négatif (A) et positif (B). D’aprés Wandersman et coll., 2004. Les mécanismes sont détaillés dans le texte.

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Fe3+,libéré de la transferrine et de la lactoferrine, les sidérophores, l’hème ou l’hémophore à travers la membrane externe jusqu’au périplasme. Bien que ces récepteurs soient différents et présentent de faible homologie, ils sont similaires au niveau de leur séquence N-terminale et leurs systèmes de transport sont dépendants du complexe TonB chez E. coli et des protéines similaires chez les autres bactéries à Gram négatif. Ce complexe est constitué de trois protéines (TonB, ExbB, ExbD) localisées dans la membrane cytoplasmique qui fournit l’énergie nécessaire à l’internalisation du fer ou de l’hème dans le milieu périplasmique. L’interaction entre ces récepteurs et le complexe TonB se fait au niveau de régions appelées « Boites TonB » composées d’un motif de cinq acides aminés très conservés.

Quand la molécule chargée en fer franchit la membrane externe, elle est reconnue et prise en charge par des protéines du périplasme qui font partie d’un système de transport à travers la membrane cytoplasmique. En général, ce sont les systèmes de type ABC (ATP- binding cassette) transporteurs. Ils sont constitués d’une ou de plusieurs protéines périplasmiques de liaison au substrat, d’une ou deux protéines perméases membranaires et d’une ou deux ATP hydrolases, associées à la membrane cytoplasmique qui fournissent de l’énergie au système (Braun, 2001; Faraldo-Gomez & Sansom, 2003).

Les récepteurs de type TonB sont également utilisés pour faire entrer des molécules comme la vitamine B12 (Ferguson & Deisenhofer, 2002).

4.2 Mécanismes généraux de transport du fer chez les bactéries à Gram positif

À l’inverse des bactéries à Gram négatif, les bactéries à Gram positif n’ont pas de membrane externe, ni de périplasme. Elles possèdent un peptidoglycane épais nettement supérieur à celui des bactéries à Gram négatif constituant 90% de la paroi bactérienne. En plus de son rôle de protection contre la lyse mécanique et osmotique, le peptidoglycane des bactéries à Gram positif sert à l’ancrage des protéines qui sont en contact direct avec le milieu extracellulaire, dans lequel se trouve la bactérie (Koster, 2005; Navarre & Schneewind, 1999). Le fer, sous sa forme ferrique, ou ferreuse, ou faisant partie d’un complexe, doit franchir le peptidoglycane en interaction ou pas avec les protéines qui lui sont associées. Le transport à travers le cytoplasme se fait généralement de la même manière indépendamment de la source de fer à transporter.

4.2.1 Mécanismes de transport des sidérophores

Les molécules de faibles tailles comme les sidérophores, peuvent diffuser à travers le peptidoglycane pour atteindre leurs récepteurs au niveau de la membrane cytoplasmique

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(Figure 6B). Le transport des sidérophores dans le cytoplasme se fait grâce aux systèmes de type ABC transporteurs. Ces systèmes sont très similaires à ceux des bactéries à Gram négatif excepté que la protéine périplasmique est remplacée par une lipoprotéine ancrée à la membrane cytoplasmique par un motif transmembranaire, qui reconnaît le substrat et le dirige vers le transporteur (Wandersman & Delepelaire, 2004).

4.2.2 Mécanismes de transport des sources de fer présentes chez l’hôte

Les protéines riches en fer de l’hôte (hémoglobine, hème, ferritine, transferrine et lactoferrine) ne peuvent pas diffuser à travers le peptidoglycane. Elles sont prises en charge par des protéines de surface qui lui sont associées. Au cours de l’évolution, les bactéries à Gram positif ont développé plusieurs stratégies d’exposition des protéines à leur surface. Le mécanisme le plus caractérisé est celui de la liaison covalente au peptidoglycane. Des protéines contenant un motif d’ancrage (ex : LPXTG ou NPQTN) du côté carboxy-terminal vont être attachées à la muréine du peptidoglycane (Koster, 2005). L’ancrage de ces protéines se fait à l’aide d’enzymes appelées sortases qui jouent le rôle de transpeptidase. Elles vont cliver la protéine au niveau de son motif d’ancrage par une réaction de transpeptidation et la transférer sur le peptidoglycane en créant des ponts amides entre la protéine et les ponts pentaglycine (Marraffini et al., 2006; Navarre & Schneewind, 1994). En effet, des protéines de surfaces à motif d’ancrage au peptidoglycane jouent le rôle de récepteurs pour l’hème, l’hémoglobine, la transferrine et la lactoferrine entraînant la formation d’un système de transport à travers la paroi (Lei et al., 2002; Mazmanian et al., 2003; Taylor & Heinrichs, 2002). La plupart de ces protéines de surface présentent un à plusieurs domaines conservés appelés NEAT (NEAr iron transporter), essentiels pour l’interaction avec les sources de fer dont principalement l’hème et les hémoprotéines (Grigg et al., 2007; Pilpa et al., 2006).

Une fois le peptidoglycane franchi, le transport du fer ou de l’hème à travers le cytoplasme se fait grâce aux systèmes de type ABC transporteurs similaires à ceux utilisés par les sidérophores.