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L’observation des faciès de rupture par Microscope Électronique à Balayage (MEB) permet de caractériser de façon qualitative le mécanisme de séparation de la matière durant la fissuration. Deux classes de mécanismes sont identifiés : le clivage et la croissance de cavités. La déformation de la matière avant sa séparation peut être appréhendée par cette observation.

2.1.1 Clivage

Le mécanisme de clivage désigne une décohésion transgranulaire selon certains plans cristallins et est généralement associé à des faibles énergies de rupture, [Hertzberg 76]. Ce mécanisme se traduit sur l’obser- vation du faciès de rupture par des facettes de clivage. Dans les structures cubiques centrées comme la ferrite, l’indice du plan cristallographique clivé est 100. La contrainte normale théorique de clivage est déterminée à partir de l’énergie de cohésion du cristal :

σclivage= r EΓ a0 ≈ E 10 (I.1) avec Γ énergie de surface ≈ 1J/m2 E module de Young a0 paramètre de maille

Cette contrainte théorique de clivage est ainsi de l’ordre de E/10. Les mesures expérimentales des valeurs

de contraintes de clivage résultent en revanche en des valeurs beaucoup plus faibles, de l’ordre de E/500.

Ces faits contradictoires furent étudiés par Griffith [Griffith 20], et ses travaux ont marqués les débuts de la mécanique de la rupture pour les matériaux élastiques en 1920. Il a montré que la présence de défauts géométriques (cavités) ou d’inclusions entraînent des concentrations de contraintes telles que cette contrainte théorique de clivage peut être atteinte pour un niveau de contrainte macroscopique bien inférieur.

2.1.2 Croissance de cavités

Le chargement mécanique tend à former des micro-fissures, micro-pores, vides ou cavités dans le matériau. Des rupture de particules fragiles ou des interactions particule/matrice peuvent être à l’origine des ces micro- pores [Hertzberg 76]. Lorsque l’état de chargement s’accentue, ces vides grandissent et coalescent sous la forme d’un front de fissure. Lorsque la taille de ce défaut atteint une dimension critique, la rupture complète du composant se produit. Ce phénomène de croissance de cavités se déroule également lors de la rupture brutale par formation de vides et coalescence avec le front de fissure. L’observation du faciès de rupture après croissance de cavités révèle alors un relief composé de cupules, avec en général des particules en leur centre. Ces cupules sont les cavités qui ont coalescé lors de la propagation du front de fissure. La croissance et la coalescence des cavités impliquant des déformations irréversibles, l’énergie de séparation est liée à la densité de vides et à l’historique de la déformation qui a permis d’obtenir la coalescence.

FIGURE1.13 – Mécanismes de croissances de cavités dans le cas de la fissuration [Broek 82].

2.2 Déformation plastique

L’état de chargement local influe de façon importante la déformation se déroulant dans la zone plastique. L’étendue de cette zone est plus importante en contraintes planes qu’en déformations planes. Le taux de triaxi- alité limite en effet la déformation plastique en pointe de fissure [Siegmund 00]. La fissuration dans les éprou- vettes massives engendre ainsi une zone plastique plus large proche des surfaces libres qu’à coeur, comme le montre la figure 1.14.a [Broek 82].

(a) (b)

FIGURE 1.14 – (a) Taille de la zone plastique dans l’épaisseur de l’éprouvette [Broek 82]. (b) Énergie de

rupture en fonction de l’épaisseur de l’éprouvette [Turner 90].

L’énergie de rupture, par unité de surface fissurée, de composants de faibles épaisseur sera plus élevée que celle de composants de fortes épaisseurs. La figure 1.14.b illustre ce phénomène [Turner 90]. L’énergie de rupture n’est donc pas une caractéristique intrinsèque du matériau ou de l’alliage. Elle dépend fortement de la géométrie et des sollicitations mécaniques, voire de l’historique de chargement.

La géométrie macroscopique de la surface de rupture est également affectée par l’état de chargement local. Le plan de rupture en déformations planes est en général plan, s’étendant selon le front d’entaille initial (figure 1.15.b). En revanche, le plan de rupture en contraintes planes présente souvent un angle de 45 degrés avec le plan précédent. Cette inclinaison est expliquée par la direction de la contrainte de cisaillement maximale qui

dépend de la contrainte σz, illustrée par la figure 1.15.a.

FIGURE1.15 – Plans de ruptures en contraintes planes (a) et en déformations planes (b) [Broek 82].

2.3 Vocabulaire

Les termes fragile et tenace caractérisent l’énergie nécessaire à rompre le matériau dans les conditions d’utilisation spécifiques, tandis que les termes clivage et croissance de cavités caractérisent un mécanisme de séparation de matière. Les termes fragile et clivage vont souvent de pair, comme les termes tenace et croissance de cavités. En revanche, le mécanisme de séparation n’étant pas la seule source de dissipation d’énergie lors de

la propagation de fissure, les observations de faciès de rupture présentant des facettes de clivage ne signifient pas directement que le matériau est fragile. Inversement, les faciès de rupture présentant des cupules ne sont pas nécessairement associées à de hautes énergies de ruptures.

Le terme de ductilité qualifie un matériau capable de se déformer significativement de façon irréversible avant de rompre. Dans le contexte de la fissuration, il est aussi bien utilisé pour qualifier matériau tenace que pour désigner un mécanisme de séparation par croissance de cavité. Le terme de ténacité réfère dans ce document à l’aptitude qu’a un matériau à résister à la propagation d’une fissure, c’est à dire présentant une haute énergie de rupture, indépendamment de l’approche de caractérisation employée.

2.4 Effet d’échelles

Comme détaillé dans la section 2.2, l’état de contrainte impacte le développement de la déformation plas- tique en pointe de fissure. En conséquence, les caractérisations de résistance à la fissuration basées sur des considérations énergétiques sont obligatoirement dépendantes de la taille, de la géométrie et de la sollicita- tion considérées (figure 1.14.b). Le problème de la transférabilité des mesures sur éprouvettes standards est ainsi largement connu depuis les premiers essais de ruptures. La comparaison de la ténacité de deux matériaux différents requière donc encore des essais de rupture réalisés dans des conditions identiques.

Atkins décrit les lois d’échelles et les dimensions caractéristiques des différents mécanismes durant la prop-

agation de fissure [Atkins 99]. Il défini un facteur d’échelleλ comme le rapport de la dimension caractéristique

entre différents solides.

1. dans le cas élastique, la seule dissipation d’énergie est le travail de séparation, homogène à une surface.

La normalisation doit dans ce cas être fonction deλ2.

2. dans le cas plastique parfait, la dissipation d’énergie est le travail plastique, homogène à un volume. La

normalisation est dans ce cas fonction deλ3.

3. le cas élastoplastique est intermédiaire, et la normalisation doit être fonction deλxavec 2< x < 3.

Il montre alors qu’il est possible de normaliser les enregistrements d’effort et de déplacement d’essais de fissuration afin de superposer les résultats d’éprouvettes de géométries similaires et de différentes tailles. La

figure 1.16 illustre ces résultats. Dans ce cas, le déplacement est normalisé parλ , et l’effort est normalisé par

λ2σ

0.

FIGURE 1.16 – Effort normalisé en fonction du déplacement normalisé d’essais de rupture en traction de poutres en I entaillées, de géométries similaires et de différentes dimensions [Atkins 99].

2.5 Conclusion

L’étude de la phénoménologie de la fissuration de métaux identifie une énergie de séparation de la matière comme paramètre quantifiant la résistance d’un matériau à la rupture. Il est considéré que cette énergie est intrinsèque au matériau. Le mécanisme de séparation nécessitant un apport d’énergie, il est possible que le matériau dissipe de l’énergie par plastification lors de cet apport. Cette dissipation implique une résistance augmentée à la fissuration , mais ne peut être considérée comme intrinsèque au matériau car dépendant des conditions de géométrie et de chargement.

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Approches globales caractérisant l’énergie de rupture

Cette section synthétise différentes approches de caractérisation de l’énergie de rupture à partir d’essais de fissuration. Ces approches sont dites globales car se basent sur des grandeurs mesurées macroscopiquement, c’est à dire les mesures simultanées de l’effort, du déplacement et de la position de la fissure. Les approches détaillées sont :

– le taux de restitution d’énergie G, – l’intégrale J,

– le taux de dissipation d’énergie R, – le travail essentiel de rupture, – l’angle d’ouverture de fissure Ψ.

La confrontation de leurs hypothèses, et de leurs limites d’application est ensuite résumée.