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3.3 Mécanismes de séparation

3.3.2 Lèvre de la fissure

On observe sur la lèvre de la fissure un mécanisme de séparation très différent de celui se produisant dans la zone de rupture à coeur. Le faciès de rupture indique dans cette zone un fort cisaillement de la matière avant séparation, comme l’illustrent les figures 3.28.b, c, d et e.

FIGURE3.28 – Observation de la lèvre de la fissure.

La lèvre de la fissure est la réponse du matériau à une sollicitation de fissuration en contrainte plane, comme le détaille [Broek 82] et résumé dans le paragraphe I.2.1. L’état de chargement dans cette zone présente une

forte composante de cisaillement dans un plan incliné à 45◦ par rapport au plan interfacial, impliquant la

séparation de la matière selon ce plan. La présence de cette lèvre ne signifie pas une différence significative de la microstructure en présence dans cette zone par rapport à celle de la zone de rupture à coeur.

L’observation in situ de la surface libre lors de la propagation de la fissure met donc en évidence le com- portement à rupture de la lèvre de la fissure, non de la zone de rupture à coeur. Les bandes de localisation de la vitesse de déformation observées dans le paragraphe 2.3.2 sont donc associées aux plans de contraintes de cisaillement maximales, comme l’illustre la figure 1.15 du paragraphe 2.1 de la revue bibliographique.

Il est de plus montré que l’état de triaxialité réduit se trouvant proche de la surface libre implique que l’étendue de la zone de déformation plastique en pointe de fissure se trouve augmentée de façon significative en comparaison avec l’étendue de cette zone pour la rupture à coeur. Le paragraphe 2.2 de la revue bibliographique détaille ce phénomène. On peut donc en conclure que le taux de dissipation d’énergie associée à la lèvre de la

fissure est plus importante que le taux de dissipation d’énergie lié à la zone de rupture à coeur. 3.3.3 Conclusion

L’interprétation des mécanismes de séparation sur les faciès de rupture permet de conclure que :

– La séparation de la matière se caractérise par deux zones distinctes : la zone de rupture à coeur et la lèvre de la fissure.

– Les mécanismes de séparation se déroulant dans la zone de rupture à coeur sont considérés comme identiques à ceux produits lors d’un essai de traction en croix, et sont attribués à une sollicitation dominée par un mode I d’ouverture de fissure.

– L’observation in situ d’une face libre implique le développement d’une lèvre de fissuration, en générant un état de contrainte plane dans cette région. Dans cette zone le cisaillement intense de la matière est identifié comme le mécanisme de séparation.

– L’exploitation brute de la courbe F− u de l’essai ne fournit que des informations limitées, en raison de

la mauvaise reproductibilité des dimensions des éprouvettes prélevées.

– Le taux de dissipation d’énergie global mesurable est significativement influencé par la présence de la lèvre de la fissure.

Ces observations expliquent la relation non linéaire observée entre l’énergie à fournir pour rompre l’ensem- ble du joint et l’aire de ce joint, comme le détaille la comparaison des essais A et B. En effet, la lèvre de la fissure occupe une portion plus importante de l’ensemble de la surface rompue dans le cas de joints de petites dimensions, comme l’éprouvette A. De la même façon, la lèvre de la fissure occupe une portion de plus en plus importante le long du front de fissure au cours de sa propagation. Ainsi la différence de résistance instantanée

rencontrée par la fissure entre les éprouvettes A et B, mesurée par la courbe Ψ− ∆a, peut être interprétée de la

façon suivante :

– Dans le cas de joints de petites dimensions, le mode de rupture local de type cisaillement devient de plus en plus prépondérant le long du front de fissure au cours de la fissuration stable. Cela entraîne une augmentation significative de la résistance rencontrée par la fissure au cours de sa propagation stable, et ainsi de la mesure de Ψ

– Dans le cas de joints de dimensions plus importantes, le mode de rupture en mode I est majoritaire le long du front de fissure au cours de la propagation stable, et ne devient minoritaire que durant l’instabilité, lorsque l’ensemble du front de fissure se trouve assez proche de la surface libre.

Selon cette interprétation, les valeurs de Ψ mesurées dans le cas de courbes Ψ− ∆a de type ’Droite’ ne

peuvent pas être comparées aux valeurs quasi-stationnaires présentées par les courbes de types ’Plateau’ ou ’Cloche’.

De plus, la lèvre de la fissure est responsable de la valeur significativement plus élevée de Rglobal et Rstable

4 Conclusion de l’étude phénoménologique de la fissuration

1. L’étude phénoménologique de la fissuration lors de l’essai d’enfoncement de coin a tout d’abord montré que les mesures de R et Ψ sont adaptées à la description de la résistance rencontrée par la fissuration, et constituent deux caractérisations indépendantes de cette dernière.

2. Dans le cas des points soudés, la mesure de Ψ est mieux à même de renseigner sur la résistance in- stantanée rencontrée par la fissure. Elle constitue une mesure simple, et il est montré que ces mesures instantanées sont un bon indicateur de l’amplitude des dissipations locales d’énergies par localisation de la déformation et endommagement. Cette mesure présente de plus une indépendance satisfaisante entre chaque instant de mesure, caractérisant donc la résistance instantanée à la fissuration.

3. La mesure de Rstable présente une incertitude indéterminée, et implique une chaîne de traitements rel-

ativement lourde en rapport à la mesure de Rglobal. Elle nécessite notamment la mesure répétée de la

rigidité du système, ce qui n’est pas le cas pour la mesure de Rglobal.

4. Rstableet Rglobal renseignent sur la résistance moyenne rencontrée au cours de la propagation.

5. L’analyse des évolutions de l’énergie dissipée au cours d’un essai permet toutefois une bonne quantifi- cation de la résistance instantanée à la fissure dans le cas d’obstacles significatifs à la fissuration. 6. Les dimensions du joint prélevé jouent un rôle déterminant dans la résistance à la fissuration mesurée.

Une éprouvette présentant des dimensions de joint suffisantes présente le comportement suivant : – Une grande avancée de la fissure peut être observée durant sa propagation stable,

– L’angle Ψ mesuré atteint une valeur plateau lors la propagation, décrivant la résistance à la fissuration associée à un mode I de séparation de la matière. Dans ce cas une valeur unique de Ψ peut être considérée par essai.

– La lèvre de la fissure ne devient prépondérante dans le mécanisme de séparation de la matière que lors

de l’instabilité, et n’influe pas significativement la mesure de Rstableou Rglobal.

Ainsi, le prélèvement d’éprouvettes de dimensions suffisantes est préconisé pour caractériser la rupture des points soudés de façon reproductible. Toutefois, ces dimensions doit être limitée afin de permettre la fissuration. Il est ainsi nécessaire dans le cas de matériaux à haute résistance de prendre en compte des mesures pour lesquelles l’influence de la lèvre de la fissure est importante.

Chapitre IV

Etude numérique de la propagation de

fissure

Les observations présentées dans le chapitre III ont montré que les méthodes expérimentales présentées dans le chapitre II sont adaptées à caractériser la résistance rencontrée pour faire propager une fissure inter- faciale dans un assemblage, et particulièrement dans le cas de points soudés. L’étude bibliographique permet d’identifier trois facteurs majeurs contrôlant cette résistance :

– la résistance intrinsèque du matériau, – l’état de chargement en pointe de fissure,

– et la géométrie du front de fissure dans le cas des points soudés par exemple.

Les observations sur les points soudés (chapitre III) montrent que la surface libre affecte fortement l’état de chargement local en pointe de fissure, et impacte la résistance mesurée au cours de l’essai. Il est de plus observé que la longueur du front de fissure diminue au cours de l’essai. L’objectif de ce chapitre est de quantifier l’influence de la résistance intrinsèque du matériau sur les mesures de la résistance à la fissuration, R et Ψ.

Pour cela, des simulations numériques basées sur des modèles cohésifs de la fissuration de l’interface d’assemblages sont mises en place. Elles sont tout d’abord dédiées à étudier la fissuration stable dans le cas de géométrie DCB afin d’identifier les tendances principales de l’impact de la décohésion locale sur les mesures de

Ret Ψ. Les simulations de l’essai appliquées aux points soudés sont ensuite présentées, dans le but de quantifier

1 Étude numérique de la fissuration lors de l’essai DCB

Les mesures expérimentales détaillées dans la partie III.1 montrent que des valeurs uniques de R et de Ψ sont mesurées lors de la propagation de la fissure pour une géométrie et un matériau homogène donnés. Il en est conclu que la résistance rencontrée par la fissure est constante dans ce cas de géométrie DCB et de matériau, ce qui n’est pas le cas lors de la majorité des géométries d’essais détaillées dans l’étude bibliographique. Ainsi, il est proposé que les trois facteurs identifiés comme contrôlant la résistance à la fissuration puissent être jugés constants au cours de la propagation pour cette géométrie d’essai car

– le matériau est homogène, et implique que sa résistance intrinsèque soit constante,

– le moment fléchissant des poutres en point de fissure est constant et l’effort tranchant négligeable, il est donc proposé que l’état de chargement est constant en pointe de fissure,

– et la géométrie du front de fissure reste inchangée lors de la propagation.

Il semble ainsi approprié dans ce cas de géométrie d’étudier le rôle du comportement intrinsèque du matériau sur les mesures de résistance à la fissuration. Les simulations numériques de l’essai permettent de modifier à volonté ce comportement, et rendent possible la prédiction des valeurs de R et Ψ qui lui est asso- ciée.

Pour cela, des simulations numériques sont mises en place en dissociant le comportement du matériau en deux mécanismes : son écrouissage et sa décohésion. Cette dissociation est jugée pertinente au regard des mécanismes de déformations observés en surface. En effet une zone dans laquelle la déformation se localise, engendrant une forte dissipation d’énergie, est observée en aval de la pointe de la fissure, tandis que le reste de l’éprouvette subit des déformations bien inférieures, et apparentées à un sollicitation de pliage. Il est à noter que ces deux mécanismes engendrent chacun une dissipation d’énergie lors de leur développement, qui sont indissociables par une mesure globale de la résistance rencontrée par la fissure. Il est choisi de simuler

la décohésion par des modèles cohésifs à paramètres constants, nommément la contrainte cohésiveσcoh et

l’énergie cohésive Γ. L’écrouissage du matériau est approché par une loi élastoplastique à pente d’écrouissage linéaire.

La mise en place du modèle de prédiction des mesures de R et de Ψ associées aux paramètres de com- portement du matériau est présentée en annexe D, détaillant la construction du modèle par éléments finis et le traitement de ses résultats. Ensuite les relations mises en évidence entre ces paramètres et ces mesures sont détaillées, présentant des pistes intéressantes afin de dissocier les phénomènes de décohésion et d’écrouissage lors de la mesure de R et Ψ. Il est enfin conclu que l’essai DCB est très adapté à la caractérisation de la rupture interfaciale d’assemblages hétérogènes, comme les assemblages soudés par apport de matière.