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Discussion des mesures issues de l’essai TC

Au vu des résultats de la campagne de caractérisation, les classifications des résistances des points soudés issues des caractérisations en TC et par l’essai d’enfoncement de coin ne présentent pas de différences signi- ficatives. Les sources de mauvaise reproductibilité des mesures de R et Ψ liées au prélèvement des éprouvettes, détaillées au chapitre III, ne permettent pas d’interprétations très fines des différences de résistances mesurées. Concernant l’influence des dimensions des points soudés sur la tenue en TC, les interprétations des résultats ci dessus confirment qu’il est approprié de normaliser cette tenue en fonction des dimensions du joint. Cela per- met dans le cadre de cette étude une meilleure corrélation des mesures de résistance à la fissuration interfaciale par l’essai en coin et des tenues en TC.

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Conclusions des travaux

Problématique

Le besoin de caractérisation de la résistance à la fissuration interfaciale des points soudés a été identifié dans la revue bibliographique afin d’améliorer la compréhension de la soudabilité des aciers à Très Haute Résistance. Deux facteurs différents furent proposés pour expliquer les occurrences importantes de ruptures interfaciales de ces points soudés lors de l’essai de traction en croix :

1. le métal de base de ces tôles étant plus résistant, une sollicitation plus importante peut être transmise à la pointe de l’entaille bordant le point soudé, et engendrer de cette façon plus de ruptures interfaciales que dans le cas d’aciers de grades moins élevés.

2. le matériau de la zone fondue présente une résistance à la fissuration dégradée en comparaison des zones fondues d’aciers de grades moins élevés.

Il est proposé que la quantification du rôle du second facteur uniquement est la plus pertinente afin de comparer la soudabilité des aciers de haut et de bas grades.

Développement d’une méthodologie de caractérisation

Afin de quantifier la résistance des zones fondues indépendamment de la tenue du métal de base, la méthodologie préalablement existante de l’essai d’enfoncement de coin fut développée et a permis de provo- quer des ruptures interfaciales reproductibles pour des points soudés d’aciers de haut et de bas grades.

La revue bibliographique dédiée à la caractérisation de la résistance à la fissuration a permis d’identifier les mesures du taux de dissipation d’énergie R et de l’angle d’ouverture de la fissure Ψ comme les plus appro- priées. Ces deux mesures décrivent en effet la résistance instantanée rencontrée globalement par la fissure, et constituent donc deux descriptions indépendantes pertinentes du phénomène de fissuration.

L’observation des mécanismes de fissuration des points soudés lors de l’essai d’enfoncement de coin a révélé deux mécanismes locaux de séparation de la matière : une région d’ouverture de fissure en mode I, et une lèvre de fissure, en cisaillement (mode II). La mesure de la résistance instantanée par le taux de dissipation

d’énergie Rstableest jugée trop incertaine au vu de l’évolution du front de fissuration. Cette étude valide toute-

fois la pertinence des mesures de Rglobal et de la valeur plateau de Ψ dans le cas des points soudés, et permet

Validation numérique de la pertinence des mesures

Le fait que l’essai d’enfoncement de coin provoque un type de rupture unique pour des points soudés d’aciers de haut et de bas grades permet la mise en place d’un modèle prédictif simple de la réponse des éprouvettes. Cela n’est pas le cas de l’essai de traction en croix, pour lequel des descriptions indépendantes de plusieurs mécanismes de rupture sont requises dans un même modèle numérique.

Ainsi, l’utilisation de modèles numériques d’évaluation de la relation entre les grandeurs mesurées expéri- mentalement et les grandeurs contrôlant le mécanisme local investigué a permis de quantifier la pertinence des mesures lors de l’essai d’enfoncement de coin. Le choix de ne considérer que deux scalaires dans la descrip- tion de la rupture interfaciale de points soudés est validé. Il est de plus montré que l’originalité de l’étude de la propagation stable plutôt que de l’initiation de la fissure est sa faible dépendance au comportement du métal de base et au comportement d’écrouissage du matériau. Des pistes intéressantes sont proposées pour l’étab- lissement d’une relation entre les mesures de résistance globale à la fissuration avec des paramètres cohésifs modélisant la propagation de la fissure.

Réponse à la problématique

La possibilité de générer des ruptures interfaciales reproductibles, offerte par la méthodologie développée dans ces travaux, fournit une base indispensable à l’étude du rôle microstructural dans la résistance à la fissura- tion interfaciale des points soudés. La réponse des éprouvettes à la sollicitation étant majoritairement contrôlée par les propriétés de leur zone fondue, de plus larges campagnes de caractérisations sont capables de compléter la compréhension et le contrôle des propriétés des matériaux soudés. De plus, la mesure des variations de ré- sistance à la fissuration dans la zone fondue apparaît accessible par cette méthode, sans pour autant avoir été atteinte dans ces travaux.

Des campagnes de caractérisations de la résistance à la fissuration interfaciale de points soudés furent conduites sur des aciers de haut et de bas grades. Les deux mesures indépendante de R et Ψ fournissent sensi- blement la même classification des points soudés. Cette classification est de plus globalement similaire à celle basée sur la tenue en traction en croix, lorsque les dimensions des points soudés sont prises en considération. Pour les nuances d’aciers étudiées, les zones fondues d’aciers TRIP sont toutes moins résistantes que celles des aciers DP de grades supérieurs et inférieurs. L’étude de l’influence de la teneur en carbone et en phosphore sur quatre nuances de coulées synthétiques confirme le rôle fragilisant connu de ces éléments d’addition. Le rôle de la composition des tôles, plutôt que de leur grade, apparaît primordial au vu des résultats de ces campagnes de caractérisations.

Prédiction du comportement de points soudés sous différentes sollicitations

Les travaux de caractérisation développés dans cette étude contribuent à l’élaboration de modèles prédic- tifs du comportement à rupture des points soudés sous différentes sollicitations, au même titre que les travaux investiguant la déchirure du métal de base afin de caractériser les ruptures en déboutonnage. En effet, la quan- tification indépendante des résistances des différentes zones constituant un point soudé permet la prédiction du comportement des points soudés complets sous une sollicitation mécanique donnée. L’avancée des travaux visant à déterminer les paramètres cohésifs modélisant la fissuration à l’interface des points soudés n’a toute- fois pas abouti à une quantification absolue de ces paramètres.

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Perspectives

Méthodologie d’essai d’enfoncement de coin

Tout en étant la seule méthodologie existante qui permette la caractérisation de la fissuration stable dans l’interface de points soudés, elle reste plus adaptée aux géométries DCB. Le défaut principal de l’application plus large de cette méthodologie aux points soudés est la nécessité de prélever une portion de joint soudé suff- isamment réduite afin de permettre sa rupture interfaciale. Ce prélèvement implique une faible reproductibilité de l’influence relative de la lèvre de la fissure sur l’ensemble de la fissuration. Ses perspectives d’applications concernent ainsi plus l’étude de la résistance à la fissuration de joints soudés par apport de matière, plus à même d’être réalisée sur des éprouvettes de géométrie DCB.

La méthodologie existante peut de plus être adaptée à l’étude de joints soudés par molette ou par laser par recouvrement de tôles sans modification majeure du dispositif. Le prélèvement d’une portion des joints formés sera en revanche de la même façon nécessaire afin d’assurer une rupture interfaciale reproductible.

Caractérisation de la résistance locale à la fissuration par les mesures de résistance globale

Les perspectives de ce travail concernent principalement l’établissement d’une relation entre les mesures de résistance à la fissuration globale instantanée R et Ψ avec des modèles numériques locaux de séparation de la matière dans le cas de solides élastoplastiques. Des pistes intéressantes sont établies pour l’étude de cette relation avec des paramètres cohésifs. Il est de plus préconisé d’utiliser des essais de géométrie DCB plutôt que de types standards (C(T), M(T), SE(B), ...) afin de contrôler la sollicitation appliquée en pointe de fissure. L’étude d’une description de l’état de chargement à rupture d’un matériau élastoplastique par l’effort tranchant et le moment fléchissant des poutres en pointe de fissure apparaît comme une perspective à court terme de ces travaux.

Utilisation de l’outil numérique dans l’interprétation de l’essai de traction en croix

L’application d’études numériques paramétriques telles que présentées dans le chapitre IV à des sollici- tations mécaniques différentes peut participer à améliorer la compréhension de la réponse des points soudés sous des sollicitations différentes, sans connaissance a priori des comportements locaux à rupture des matéri- aux. La construction d’un modèle prédictif de la tenue en traction en croix pourrait par exemple se baser sur des modèles cohésifs modelisant la fissuration interfaciale ainsi que la déchirure du métal de base. L’étude paramétrique d’un tel modèle pourrait ainsi déterminer la tendance globale du rôle de la tenue du métal de base sur l’effort atteint à la rupture.

Soudabilité des aciers THR

Les résultats des caractérisations menées dans ces travaux tendent à montrer un rôle primordial de la com- position des tôles, plutôt que de leur grade, dans la résistance à la fissuration des matériaux soudés. Ainsi, les directions de recherches prises par le centre ArcelorResearch de Maizières-lès-Metz apparaissent appropriées.

Aciers THR

Cette annexe présente les principales informations relatives à l’élaboration des aciers à Très Haute Ré- sistance (THR), et en particulier les aciers DP et TRIP. Les propriétés mécaniques usuelles de ces familles d’aciers sont de plus détaillées.

Introduction

Les aciers étudiés dans le cadre de ce projet entre dans l’appellation AHSS (Advanced High Strength Steels), qui présentent aujourd’hui des combinaisons de propriétés mécaniques parmi les plus intéressantes. L’utilisation de ces aciers dans l’industrie automobile est encore récente, et constitue un moyen de réduction de la masse des véhicules : le groupe WorldAutoSteel prévoit en 2006 que son utilisation doit permettre la réduction de la masse des caisses en blanc de 25% sans surcoût de production, et en améliorant leur rigidité [AHSS3 06].

Les aciers DP et TRIP sont des aciers multiphasés. Ces aciers sont conçus suivant les principes des com- posites : la présence de phases dures et de phases ductiles permet l’obtention de meilleures caractéristiques mécaniques.

– les aciers DP (Dual Phase), pouvant être vus comme la déclinaison moderne de l’acier damassé, mais où la distinction entre la matrice de phase ductile (ferrite), et la seconde phase dure (martensite) se fait plus finement, au niveau du grain. L’augmentation de la fraction volumique de la seconde phase améliore généralement la tenue de l’acier.

– les aciers TRIP (TRansformation Induced Plasticity), ayant une microstructure de matrice ferrite con- tenant de l’austénite résiduelle. Des phases dures comme la martensite et la bainite sont présentes en quantité variable pour une fraction volumique d’austénite résiduelle de plus de 5%. Sous charge, l’austénite se transforme partiellement en martensite, et durcit le matériau en plastifiant la matrice à son voisinage.

– à titre de comparaison, les aciers HSLA (High Strength Low Alloy) sont des aciers peu alliés présentant généralement une structure ferrite + perlite, durcis par affinement de la taille de grain et par addition d’éléments d’alliage en solution solide.

Ces 3 types de nuances constituent les grandes familles de ce que l’on appelle en français les aciers THR (Très haute Résistance). La figure A.1 illustre les propriétés de tenue et d’élongation à rupture de différents aciers. Les aciers DP et TRIP présentent à la fois de hautes tenues et de hautes élongations, et sont ainsi adaptés à l’élaboration des structures fortement sollicitées d’une automobile, comme la caisse en blanc lors d’un crash.

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Aciers Dual Phase

En 1996, Llewellyn et Hillis constate que la production des aciers DP n’est pas encore largement répan- due malgré leurs excellentes propriétés. Après un recuit intercritique formant les phases (alpha + gamma), une microstructure essentiellement constituée de ferrite et d’environ 20% de martensite peut être développée pour certaines compositions d’aciers appropriées, et fournir une combinaison très intéressante de propriétés mécaniques. Par le contrôle de la composition et du traitement thermique, la structure dual phase requise peut être générée par laminage à froid, via des systèmes de recuit par fournée ou de recuit continu, et également par laminage à chaud [Llewellyn 96].

Les propriétés reconnues des aciers DP sont de hautes limites d’élasticité combinées à de grandes ductilités, un écrouissage continu, une grande formabilité, et une bonne finition de surface [Kumara 08].