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Chapitre I. Electropolissage et finitions de surface pour les matériau

III.4. Mécanismes de l’électropolissage

La première théorie, développée par Jacquet en 1936 [38], concerne la formation d’une couche visqueuse. En effet, l’observation de la surface d’anodes en cuivre lorsqu’elles sont polarisées, met en évidence la présence d’une couche. Cette dernière est formée par l’electrolyte enrichi par les produits de dissolution qui restent présents au voisinage de l’électrode. De plus, il a observé que la couche visqueuse n’épouse pas les irrégularités du substrat : l’épaisseur de cette dernière est plus importante au niveau des vallées par rapport aux pics. Ces inégalités d’épaisseurs créent un gradient de résistance électrique induisant une vitesse de dissolution plus importante au niveau des pics du substrat que dans les vallées. Mais ce modèle ne prend pas en compte le gradient de concentration en cations métalliques. En 1940, Elmore [42,43] complète la théorie de Jacquet en ajoutant le phénomène de diffusion pour comprendre le mécanisme de l’électropolissage. En effet, d’après Elmore, la couche visqueuse est formée car les cations métalliques ne diffusent pas assez rapidement jusqu’au cœur de l’électrolyte (Figure 16 I). Cela induit un gradient de concentration à la surface de l’électrode qui est proportionnel à la densité de courant anodique. Lorsque l’électropolissage est en cours (couche visqueuse formée, pas d’autres réactions que la dissolution anodique), les cations métalliques vont diffuser vers la solution plus rapidement au niveau des pics (gradient de concentration élevé) que vers les vallées, ce qui permet un lissage de la surface. Parallèlement aux théories qui lient le mécanisme d’électropolissage à la diffusion d’espèces acceptrices, Hoar et al. développent en 1950, une théorie basée sur la formation puis la dissolution d’un film compact d’oxydes [51,72]. Le polissage est obtenu par l’intermédiaire d’un fin film d’oxydes en surface de l’anode dont l’épaisseur reste constante puisqu’il est facilement dissous par l’acide contenu dans l’électrolyte. D’après cette théorie, les cations métalliques issus de la dissolution anodique participent à la formation d’une couche d’oxydes au lieu de partir directement en solution,

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permettant ainsi le contrôle de la dissolution. Les cations métalliques entrent aléatoirement dans les sites vacants du réseau cristallin de la couche d’oxydes menant ainsi à un effet de brillantage de la surface. Le nivelage de la surface est quant à lui obtenu par l’intermédiaire de la couche visqueuse de Jacquet, cette dernière étant formée entre la couche d’oxydes et le cœur de l’électrolyte. Son épaisseur étant plus faible au niveau des pics de la surface, la dissolution est plus rapide sur ces aspérités que dans les vallées ce qui conduit à un lissage de la surface. Les travaux de Darmois et al. [73] confirment que le brillantage est obtenu grâce à une dissolution aléatoire de la pièce métallique. Un champ électrique est présent au voisinage de l’électrode et il est obtenu par l’intermédiaire des anions adsorbés à la surface en présence d’une couche anhydre. Cette théorie sera confirmée avec les travaux de Hoar et Farthing [53] en 1952 en utilisant des gouttes de mercure pour mettre en évidence la présence d’un film d’oxydes, hydroxydes ou de phosphates (dans le cas du cuivre dans l’acide phosphorique). Datta et al. [74], Alanis et al. [75], Kuo et Landolt [66], Ponto et al. [76] ont ajouté un sel métallique dans la solution d’électropolissage lors de l’étude électrochimique (pour différents couples matériau/électrolyte) afin de mettre en évidence le contrôle de la réaction par la diffusion des cations métalliques. Or ce raisonnement n’est pas suffisant puisque l’ajout de cations métalliques modifie les propriétés physico-chimiques de l’électrolyte. Cette théorie impliquant la diffusion des cations métalliques comme étape limitante est la première hypothèse.

Dans la seconde hypothèse, la réaction est limitée par la diffusion d’un accepteur de cations métalliques. En 1953, Edwards [77,78] rejette la théorie d’Elmore en poursuivant les travaux sur l’électropolissage du cuivre en milieu acide phosphorique. Pour lui, le plateau présent sur la courbe intensité-potentiel correspond à la diffusion d’une espèce « acceptrice » présente dans l’électrolyte telle que les anions (dans le cas de l’acide phosphorique : H2PO4-, HPO42-, PO43-)

ou l’eau. Cette espèce acceptrice permettrait de complexer les cations métalliques et ainsi influencer la vitesse de dissolution du métal. La dissolution homogène du substrat s’explique toujours par le fait que la couche visqueuse ainsi formée est plus fine au niveau des pics de la surface. Cette théorie sera appuyée par les travaux de Wagner [79] puis plus tard par d’autres auteurs [39,60,80–84]. Les travaux de Diard et al. [85] ont confirmé que le mécanisme de dissolution est contrôlé par le transfert de matière d’une espèce dite acceptrice consommée à l’anode par une réaction chimique. Ces espèces peuvent être les anions ou encore les molécules d’eau. Tian et al. ont exposé que lors de l’électropolissage de niobium dans un mélange d’acide fluorhydrique et d’acide sulfurique (1:9 HF/H2SO4), le mécanisme est limité par un anion

accepteur (F-) (Figure 16.II). Plus récemment, les travaux de Du et al. [86,87] en 2004, ont

montré que dans le cas du cuivre en milieu phosphorique, un film d’oxydes n’est pas formé en surface et que l’eau est l’espèce acceptrice (Figure 16.III). Récemment, avec le développement des techniques de caractérisation, d’autres auteurs soutiennent également la théorie développée par Edwards avec différents couples matériaux/électrolytes [88–90]. Les travaux de Saas [91] concernant l’électropolissage d’aciers inoxydables ont démontré que le mécanisme limitant est la diffusion de l’eau.

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Figure 16 : Représentation schématique des mécanismes pouvant être impliqués lors de l’électropolissage selon Landolt [92] ou Maq : représente les cations métalliques issus de la dissolution, A est une espèce acceptrice, et MAy est un complexe

contenant le cation métallique.

Plus récemment, d’autres théories ont été suggérées par Yuzhakov et al. [93] et Lee et al. [94] concernant la limitation du mécanisme par l’adsorption préférentielle de molécules de « masquage » notamment lors de l’utilisation d’additifs pendant l’électropolissage.

Les mécanismes donnés pour l’électropolissage diffèrent légèrement, mais dans tous les cas les observations réalisées peuvent converger et dépendre les unes des autres. En effet, dans le cas d’un mécanisme limité par la diffusion de l’eau, la couche visqueuse présente un gradient de solvatation. La résistance à l’interface métal-couche visqueuse est supérieure à celle de l’interface couche visqueuse-électrolyte : la cinétique de dissolution des pic est donc supérieure à celle des vallées. De plus si l’apport d’eau à l’interface est insuffisant pour solvater les cations, alors la limite de solubilité peut être atteinte et entraîner la précipitation d’un sel. Or ce phénomène a été utilisé pour expliquer que la réaction est limitée par la diffusion des cations métalliques. Il est donc difficile de démêler les causes des phénomènes observés lors de l’électropolissage.

Malgré le nombre important de publications portant sur ce sujet, la ou les espèces limitantes restent à ce jour mal connues (cations, anions accepteurs, eau). En effet, la nature des électrolytes (acides concentrés et visqueux) ne facilite pas les études mécanistiques et il est très difficile de modifier un paramètre sans entraîner une multitude de variations.