• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

5.2 Mécanismes d’interaction sol-plante : impact des activités racinaires

5.2.1

Modification du pH

Le prélèvement des nutriments par les racines peut affecter le pH du sol. Le sens de modification induit dépend pour partie du type de prélèvement réalisé par la plante. En effet, pour maintenir leur neutralité les plantes doivent compenser leur absorption ionique par une excrétion de charges au niveau racinaire (Romheld et al., 1984) :

 Quand elles prélèvent davantage de cations que d’anions, les racines compensent en relâchant un excès de charges positives (H+) dans la rhizosphère, ce qui entraîne alors une acidification du milieu (Lasat, 2002).

 Dans le cas contraire, la plante relâche des ions hydroxyles ou bicarbonates (Hinsinger, 2001) et induisent une augmentation de pH.

L’azote est l’élément nutritif prélevé en plus grande quantité par la plante (Marschner, 1995), et peut être prélevé sous forme d’anion nitrate (NO3

-

) ou de cation ammonium (NH4 +

), ou même sous forme neutre (N2) chez certaines plantes comme les légumineuses, en association avec des bactéries fixatrices d’azote. La nutrition azotée joue donc un rôle majeur dans le bilan de charges de la plante. Ainsi, les plantes prélevant NH4

+

ou N2 comme source d’azote ont tendance à acidifier leur rhizosphère, alors que celles qui prélèvent plutôt NO3

-

tendent à l’alcaliniser (Romheld et al., 1984 ; Hinsinger, 1998). Cependant, on peut relever quelques exceptions, comme le colza, le sarrasin ou le lupin, qui peuvent acidifier leur rhizosphère alors qu’elles ont une alimentation nitrique (Hinsinger, 1998).

Par ailleurs, la respiration racinaire augmente la pression partielle de CO2 dans la rhizosphère contribuant une fois encore à son acidification (Nye, 1986 ; Hinsinger, 1998). La contribution de ce dernier phénomène à l’acidification rhizosphérique est particulièrement importante dans les sols calcaires ou dans des sols où la diffusion du CO2 se fait mal (Nye, 1986), par contre, dans les sols

acides, l’acide carbonique n’est pas dissocié et la contribution de la respiration racinaire à l’acidification de la rhizosphère est alors négligeable.

En résumé, les plantes peuvent modifier la chimie et la biodisponibilité des éléments traces dans le sol, dont le plomb, en modifiant le pH de la rhizosphère. En effet, le pH est impliqué dans de multiples réactions se déroulant dans le sol, telles que les réactions de dissolution/précipitation ou d’adsorption/désorption, ou encore de complexation. Tous ces mécanismes peuvent donc induire la libération de certains éléments traces initialement immobilisés dans les minéraux, les changements de pH provoquant la dissolution par exemple de carbonates, d’oxydes ou de phosphates.

5.2.2

Modification des concentrations ioniques dans la rhizosphère

Le prélèvement d’eau et d’éléments nutritifs en solution entraîne une modification des concentrations en ions dans la solution du sol au niveau de la rhizosphère (Hinsinger, 2001). Cela est surtout vrai pour les macroéléments que les plantes absorbent en plus grande quantité que les oligoéléments

5.2.3

Exsudation d’acides organiques dans la rhizosphère

5.2.3.1

Définition

L’exsudation de composés organiques par les racines est un phénomène important. Le terme d’exsudats racinaires est un nom générique donné à une large gamme de substances allant des ions H+ à des molécules complexes d’un poids moléculaire élevé. Il s’agit des mucilages qui sont décrits comme étant du matériel gélatineux formé de polysaccharides, des aminoacides, des peptides et des acides organiques excrétés par les racines dans la rhizosphère (Morel, 1997). Ils constituent 30 à 40% des produits de la photosynthèse de la plante et jouent un rôle central dans les processus rhizosphériques.

Leurs natures varient selon les espèces végétales, l’association avec des microorganismes, et les conditions de croissance de la plante (Kabata-Pendias et Pendias, 1992).

5.2.3.2

Nature

Ces molécules peuvent être de faible poids moléculaire, comme les sucres, les acides organiques et phénoliques ainsi que les acides aminés (Marschner, 1995). Mais il existe également des exsudats racinaires à poids moléculaire élevé tels que les mucilages, les ectoenzymes et les protéines.

La production d’acides varie selon l’espèce végétale et le stade de développement de la plante, mais les plus complexants sont les acides citrique, malique et oxalique (Hinsinger et al., 2005), même s’il en existe de nombreux autres types.

5.2.3.3

Rôle

Ces exsudats racinaires entrent en jeu dans:

• La nutrition de la plante : ils influencent la mobilité des éléments nutritifs dans le sol

• La régulation du développement de la plante. En outre, ils favorisent les associations plantes/microorganismes du sol (par exemple les bactéries symbiotiques fixées sur les racines des légumineuses)

• La protection des zones apicales des racines grâce aux mucilages

• L’amélioration des contacts sol-plantes

• La modification des conditions physico-chimiques de la rhizosphère (force ionique, concentration en carbone organique dissous, pH et potentiel redox).

L’excrétion de ces acides peut être la conséquence d’une carence en élément essentiel (Jones, 1998) ou bien un moyen défensif contre la toxicité d’un élément. Ils ont la capacité de complexer les métaux et également d’augmenter la mobilité du fer, du manganèse, du cuivre, du plomb et du zinc (Mench, 1988 ; Marschner, 1995 ; Jones, 1998).

L’exemple des sols calcaires est souvent cité. En effet, dans ces sols, le fer et le phosphore sont peu disponibles, entraînant des carences nutritionnelles. Les plantes calcicoles s’adaptent en excrétant les acides malique et citrique qui permettent la dissolution des oxydes de fer, afin de le rendre plus disponible (Marschner, 1995 ; Jones, 1998 ; Hinsinger, 2001). Les travaux de Neuman et Romheld (1999) montrent qu’en cas de déficience en phosphore, le lupin augmente sa production d’acide citrique. D’autres travaux ont montré que le colza excrète des quantités importantes d’acides organiques afin de mobiliser le phosphore des roches phosphatées.

Un deuxième exemple intéressant est l’excrétion par les graminées déficientes en fer d’acides aminés non protéinogèniques ou phytosidérophores (acide avénique) (Kochian, 1993 ; Fan et al., 1997). Ils ont une très forte affinité pour le Fe3+ et extraient très efficacement ce fer de la rhizosphère. Le complexe Fe-phytosidérophores est ensuite réabsorbé par la racine, le fer Fe3+ réduit en Fe2+, puis libéré et utilisé par la racine (Hopkins, 2003). Leur synthèse et leur libération sont stimulées en réponse à une inhibition de la synthèse des protéines due à une carence en fer (Marschner et Romhled, 1994). Ces phytosidérophores ont, outre le fer, la capacité de complexer d’autres nutriments, en particulier les métaux traces comme le plomb.

5.3 Réaction entre les acides organiques et les métaux dans la