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1. Expériences de transfert cellulaire in vivo

En 1993, Breban et al. se sont intéressés aux mécanismes immunologiques à l’origine de cette maladie inflammatoire multi-systémique du rat 47. La SpAr a été induite chez des rats sains (non transgéniques ou transgéniques B27 provenant d’une lignée ne développant pas spontanément de SpAr) par des expériences de greffe de moelle osseuse contenant les cellules souches hématopoïétiques de rats HLA-B27 malades 47. Cette étude a démontré que le développement de la maladie ne nécessitait pas l’expression du transgène B27 par les cellules épithéliales de l’organe cible. Son expression était plutôt restreinte aux cellules d’origine hématopoïétiques infiltrant la muqueuse.

Les lymphocytes T (LT) jouent cependant un rôle essentiel puisque les rats transgéniques B27 athymiques (rats « nude »), dépourvus de LT thymo-dépendants, sont protégés du développement de la maladie. L’injection de LT purifiés, provenant de donneurs transgéniques ou non, s’accompagne de l’apparition des manifestations inflammatoires chez ces rats « nude » 48.

La molécule HLA-B27 étant une molécule du CMH de classe I, certaines hypothèses proposent qu’une réponse lymphocytaire pathogène médiée par des LT CD8+ pourrait expliquer la SpA. Toutefois, Breban et al. ont mis en évidence une bien plus grande efficacité des LT CD4+ par rapport aux LT CD8+ pour induire la SpAr chez des rats B27 nude 48. De plus, les LT CD8+ des rats transgéniques B27 malades n’expriment pas un phénotype de cellules activées, ne subissent pas d’expansion clonale et leur déplétion ne modifie pas l’expression de la maladie 49 50. A l’inverse, les LT CD4+ subissent une expansion clonale importante, indiquant ainsi que ces cellules seraient des cellules effectrices de la maladie. Néanmoins, ces LT ne sont pas suffisants pour induire la maladie puisque le transfert isolé de LT de rats malades B27 à des rats témoins ne permet pas son apparition 48.

Ces différents travaux démontrent ainsi le rôle joué, par des cellules d’origine hématopoïétiques exprimant un niveau élevé de HLA-B27 et par les LT CD4+, dans le développement de la SpAr. Parmi les cellules hématopoïétiques, les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) professionnelles, telles que les cellules dendritiques (DC), les lymphocytes B activés, ou les monocytes/macrophages paraissent être les meilleures candidates 47. Une interaction entre les LT CD4+ et des CPA HLA-B27+ pourrait être à l’origine de la maladie.

2. Rôle des cellules dendritiques dans la SpA ?

a) Les cellules dendritiques

Les cellules dendritiques (DC) sont des CPA dites « professionnelles » qui ont pour rôle d’apprêter les antigènes captés dans les tissus, de migrer vers des organes lymphoïdes, afin de les présenter aux LT et d’induire une réponse immune adaptative, spécifique de ces antigènes. Durant ce processus, les DC immatures acquièrent un phénotype mature, caractérisé par la forte expression de certains marqueurs de surface comme les molécules du CMH de classe I et II et les molécules de co-stimulation, leur permettant d’activer les LT.

Au sein de notre laboratoire, les travaux sur les CPA dans les SpA se sont focalisés sur la DC qui présente la propriété remarquable de pouvoir activer les LT CD4+ naïfs qui, une fois activés, semblent jouer un rôle prépondérant dans la pathologie.

b) Les DC jouent-elles un rôle dans la SpA ?

Les DC provenant de rats transgéniques HLA-B27 ont un défaut d’activation des LT CD4+ allogéniques ou syngéniques 51. Cette anomalie fonctionnelle n’est pas due à la maladie mais à l’expression du transgène HLA-B27. En effet, elle a également été observée chez les rats « nude » B27 protégés du développement de la SpAr, alors qu’elle ne l’est pas chez des rats non transgéniques ou transgéniques pour le HLA-B7. Par ailleurs, la formation d’une synapse immunologique stable entre DC B27 et LT est diminuée, impliquant un déficit d’engagement des molécules de co-stimulation tel que le couple CD86/CD28 et cela indépendamment de l’engagement du TCR. Ce phénomène ne s’avère pas être une conséquence de l’immaturité des cellules ou de la production de facteurs inhibant l’activation des LT 51–53.

Des protéines différentiellement exprimées entre les DC spléniques de rats malades et celles de rats témoins (rats HLA-B7 et non transgéniques) ont été mises en évidence par une étude protéomique 54. Elles peuvent être classées en trois groupes fonctionnels : celles impliquées dans le « processing » de l’antigène et la réponse UPR (« unfolded protein response »), dans la mobilité du cytosquelette et dans la synthèse du CMH de classe II. Par ailleurs, un défaut de mobilité des DC de rats malades, une augmentation de l’apoptose et une diminution de l’expression des molécules du CMH II ont été observés.

Ces résultats s’accordent avec l’hypothèse qu’une forte expression de B27 par les DC induirait une anomalie fonctionnelle de ces cellules conduisant à une rupture de la tolérance immunitaire médiée par les LT CD4+, entraînant ainsi une réponse immunitaire exagérée dirigée contre les bactéries du tractus intestinal 4855.

3. Inflammation et SpAr

Les sites principaux de l’inflammation et notamment la muqueuse intestinale ont fait l’objet d’études conduisant à l’identification de nombreuses cytokines ou autres médiateurs

solubles exprimés au cours de la maladie. L’interféron (IFN)-ɤ et l’IL-2 sont des cytokines produites précocement au sein de la muqueuse intestinale, suggérant une réponse pro- inflammatoire de type TH1. La présence d’IL-1α, d’IL-1β, de TNFα, de macrophage inflammatory protein 2 et la production par l’épithélium intestinal d’oxyde nitrique (NO) par la NO synthase inductible (iNOS) ont également été identifiés à la phase d’état de la maladie 38

. Le rôle de ces différents acteurs de l’inflammation dans la SpAr reste cependant imparfaitement établi. En effet, l’administration aux rats d’IL-10 (cytokine anti-inflammatoire inhibant la production d’IFNγ et d’IL-2), n’a pas eu d’effet sur la pathologie. A l’inverse, une aggravation de la sévérité des arthrites et de l’inflammation intestinale a été observée lors de l’inhibition de l’iNOS, indiquant l’effet protecteur du NO produit par la muqueuse intestinale dans la SpAr. En revanche, l’administration d’anti-TNFα s’est révélée efficace en réduisant l’inflammation de l’intestin et des articulations des rats malades 5657.

Une augmentation d’IL-23 a également été identifiée de façon plus récente, notamment dans le colon des rats malades. La quantité d’IL-17 produite est, elle aussi, amplifiée et corrélée avec celle de l’IL-23 dans les tissus inflammatoires. La cytokine IL-23 est synthétisée par les APC et participe à la stabilisation et l’amplification du phénotype Th17, alors que l’IL-17 est produite par les Th17, et participe à la réponse pro-inflammatoire.

Afin de comprendre l’implication respective des DC et des LT CD4+ dans la SpAr, des travaux menés conjointement sur ces populations cellulaires ont montré que les DC provenant de rats transgéniques B27 favorisaient la différenciation de lymphocytes Th17 caractérisés par la production d’IL17α et de TNFα 5859.

Le modèle du rat transgénique HLA-B27 a ainsi permis de mieux comprendre les évènements cellulaires et moléculaires impliqués dans la SpA. Cependant les mécanismes mis en jeu sont complexes et les différentes études menées dans ce modèle n’ont pas encore permis d’en comprendre parfaitement tous les aspects.

Chapitre 3

III.

Génétique de la SpA