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I.3 M ECANISMES DE REGULATION CONTRIBUANT AUX VARIATIONS DANS L ’ EXPRESSION

I.3.2 Les mécanismes de régulation

I.3.2.3 Mécanismes génétiques et épigénétiques

I.3.2.3 Mécanismes génétiques et épigénétiques

De nombreux mécanismes affectent les espèces polyploïdes tels que des changements génétiques à l’origine de perte, mutation et divergence de certains gènes dupliqués et des mécanismes épigénétiques modifiant l’expression des gènes et les voies de développement (Chen, 2007). La contribution de ces mécanismes est variable suivant les espèces d’études. Chez des allopolyploïdes de Triticum, Brassica et Tragopogon (Song et al., 1995 ; Feldman et al., 1997 ; Shaked et al., 2001 ; Tate et al., 2006), les mécanismes génétiques prédominent alors que les mécanismes épigénétiques prédominent chez des allopolyploïdes de Gossypium et d’Arabidopsis (Lee et Chen, 2001 ; Adams et al., 2003 ; Wang et al., 2004 et 2006).

I.3.2.3.1 Les mécanismes génétiques

Les modifications de la séquence de l’ADN, c’est à dire les délétions/insertions et les translocations/transpositions peuvent être soit induites par l’appariement de chromosomes homéologues soit par l’action de transposons (Figure 15). Ces modifications ont été mises en évidence grâce à des méthodes d’analyse de fragments d’ADN comme la RFLP35et/ou l’AFLP36 (Osborn et al., 2003). Chez des allotétraploïdes synthétiques de Brassica (Song et al., 1995), la plupart des changements sont dus à des translocations et transpositions entre chromosomes homéologues alors que des évènements d’élimination de séquences sont plus fréquents chez les allotétraploïdes synthétiques de Triticum (Feldman et al., 1997 ; Shaked et al., 2001) et les allotétraploïdes naturels de Tragopogon (Tate et al., 2006). Ces modifications n’ayant lieu que sur un seul des gènes homéologues, peuvent affecter les niveaux d’expression des gènes « dose-dépendants » et la fonction des réseaux de régulation chez les allopolyploïdes récents (Osborn et al., 2003) et conduire à de la néofonctionnalisation et sous-fonctionnalisation des gènes dupliqués. Elles peuvent s’effectuer immédiatement après l’allopolyploïdisation comme chez Triticum (Feldman et al., 1997 ; Shaked et al., 2001) ou tardivement comme chez Brassica (Tate et al., 2006). Chez ces deux espèces, ces changements sont très fréquents, jusqu’à 14% du génome pour Triticum (Feldman et al., 1997 ; Shaked et al., 2001), alors que chez des allotétraploïdes synthétiques de Gossypium (Lui et al., 2001) et des allopolyploïdes naturels de Spartina (Salmon et al., 2005), la fréquence de

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Restriction Fragment Lenght Polymorphisms. Technique basée sur les variations de séquences homologues d’ADN. Analyses portant sur plusieurs loci dans la même expérience.

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Amplified Fragment Lenght Polymorphisms. Technique basée sur les variations de séquences homologues d’ADN. Analyses portant sur un seul locus par expérience mais où les variations alléliques peuvent être observées.

MODIFICATIONS EPIGENETIQUES

Dépression Répression

Mise sous silence de copies homéologues Sous-fonctionnalisation

CAUSES POSSIBLES

Méthylation de l’ADN / Acétylation des histones ARNi

EFFETS

MODIFICATIONS EPIGENETIQUES

Dépression Répression

Mise sous silence de copies homéologues Sous-fonctionnalisation

CAUSES POSSIBLES

Méthylation de l’ADN / Acétylation des histones ARNi

EFFETS

Dépression Répression

Mise sous silence de copies homéologues Sous-fonctionnalisation

CAUSES POSSIBLES

Méthylation de l’ADN / Acétylation des histones ARNi

EFFETS

Figure 16 : Mécanismes épigénétiques.

Les effets observés sur les chromosomes sont la fonctionnalisation et la mise sous-silence de copie homéologue. Ces modifications de la structure de l’ADN sont induites par de la méthylation de l’ADN et des ARNi.

ces changements est plus faible voir très faible (environ 1%) comme chez des allopolyploïdes d’Arabidopsis (Comai et al., 2000 ; Madlung et al., 2002). Cette faible fréquence traduirait un haut niveau de tolérance à l’hybridation et au doublement génomique (Chen et Ni, 2006). L’appariement de chromosomes homéologues est contrôlé par des locus comme Ph137observé chez un hexaploïde de Triticum (Riley et Chapman, 1958) ou PrBn38 chez Brassica napus

(Jenczewski et al., 2003). Chez Triticum, le Ph1 réprime l’appariement homéologue et résoudrait également des appariements incorrects (Moore, 2002). L’élimination de séquences augmenterait la différenciation entre les chromosomes homéologues entraînant un comportement méiotique de l’allopolyploïde similaire à ses parents diploïdes et la formation de bivalents uniquement (Ozkan et al., 2001). Chez les allopolyploïdes, les réorganisations structurelles des génomes peuvent être également évitées par la mise sous silence de transposons. Chez deux espèces, il a été observé que des événements de transposition induisaient des hauts niveaux de délétions de séquences (Triticum ; Feldman et al., 1997 ; Shaked et al., 2001) et des échanges chromosomiques homéologues (Brassica ; Pires et al., 2004 ; Udall et al., 2005).

I.3.2.3.2 Les mécanismes épigénétiques

Les modifications de la structure de l’ADN, c’est à dire la mise sous silence de gènes homéologues et les modifications issues de la sous-fonctionnalisation, peuvent être induites par la méthylation de l’ADN, l’acétylation des histones et par les ARNi39 (Figure 16). La mise sous silence de gènes et la sous-fonctionnalisation sont liées. Le fait de mettre sous silence une des deux copies parentales induirait la sous-fonctionnalisation de ces copies homéologues permettant ainsi leur expression de façon alternative dans différents organes et/ou différents stades de développement. La mise sous silence d’une des copies parentales a été observé chez plusieurs espèces telles que des allotétraploïdes synthétiques de Brassica (Chen et Pikaard, 1997) et d’Arabidopsis (Comai et al., 2000 ; Wang et al., 2004) ainsi que des allotétraploïdes naturels de Tragopogon (Buggs et al., 2009). Chez les Brassica, les gènes transcrits par l’ARN polymérase I sont mis sous silence et peuvent être réactivés par l’utilisation d’inhibiteur chimique de la méthylation de l’ADN et de l’acétylation d’histones (Chen et Pikaard, 1997). Cette mise sous silence est donc réversible et contrôlée par des mécanismes épigénétiques de méthylation et d’acétylation. Chez Arabidopsis, la mise sous silence de

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Le gène « Homeologous paring locus 1 » (Ph1) est situé sur le chromosome arm 5BL du blé. Le gène Ph1 déterminerait des appariements exclusivement homologues (Riley and Chapman, 1958).

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Comme le Ph1, le gène « Pairing regulator in B. napus » (PrBn) aurait un rôle majeur dans le contrôle des appariements homéologues (Jenczewski et al., 2003).

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REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

I. POLYPLOÏDIE : Modifications des génomes, du transcriptome et du phénotype

copies parentales a lieu dans la première et deuxième générations (Wang et al., 2004). D’après l’étude de Wang et al. (2004), deux gènes montrent une sur-expression chez les parents diploïdes et une mise sous silence chez l’autotétraploïde A. thaliana. Ils sont ensuite réactivés chez l’allopolyploïde formé suite à l’hybridation entre A. thaliana et le diploïde A.arenosa. De plus un troisième gène mis sous silence chez les parents diploïdes est activé dès la formation de l’autopolyploïde. On peut donc supposer que l’expression des gènes peut être affecté par l’hybridation et la duplication génomique (Adams et Wendel, 2005). La mise sous silence a également été observée chez des allotétraploïdes naturels de Tragopogon alors qu’aucune présence n’a été observée chez les synthétiques. Ces évènements de mise sous silence ne sont pas fixés chez les allopolyploïdes naturels de Tragopogon (Buggs et al., 2009). La mise sous silence et les variations des niveaux d’expression des gènes dupliqués peuvent varier dans différents organes de plantes indiquant une différence de régulation entre les deux gènes homéologues pendant leur développement (Adams et Wendel, 2005). Des études menées sur des allopolyploïdes synthétiques et naturels de Gossypium (Adams et al., 2003 et 2004) montrent que 10 gènes sur 40 ont une expression inégale et organe-spécifique. Certains locus sont ainsi sur-exprimés dans un des sous-génomes appartenant à un organe et d’autres dans l’autre sous-génome appartenant à un autre organe. Les auteurs ont observé qu’un des homéologues de l’adhA40 s’exprime dans les pétales et l’autre dans le style. Cette

sous-fonctionnalisation est observée chez les allopolyploïdes synthétiques et chez les allopolyploïdes naturels formés il y a 1 à 2 MA. Ces observations suggèrent la possibilité de mécanismes épigénétiques qui se maintiennent au cours de l’évolution de la plante (Adams et Wendel, 2005). Une étude récente (Buggs et al., 2010) menée chez des allopolyploïdes naturels de Tragopogon montre qu’au travers de tous les tissus étudiés, 20% des gènes sont mis sous silence pour l’une des copies homéologues et cela pour une seule plante et un tissu particulier et 8% des gènes sont mis sous silence pour l’un des gènes homéologues. Deux cas d’expression tissus-spécifiques réciproques entre homéologues ont été observés et indiquent une possible sous-fonctionnalisation (Buggs et al., 2010).

Le rôle de la méthylation de l’ADN et des ARNi dans la mise sous silence ou l’activation de gènes chez les allopolyploïdes a été mis en évidence chez des allotétraploïdes synthétiques d’Arabidopsis (Madlung et al., 2002 ; Wang et al., 2004). Madlung et al. (2002) ont observé que des changements de méthylation d’ADN étaient plus fréquents chez les allopolyploïdes que chez les parents. Un traitement à l’aza-dC41 a révélé la sensibilité des allopolyploïdes aux

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L’Alcohol dehydrogenase A (adhA) est une protéine anaérobique qui catalyse la réduction du pyruvate en éthanol.

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Le 5-aza-2’-deoxycytidine (Aza-dC) est un inhibiteur chimique de la méthylation de l’ADN (Madlung et al., 2002).

Mécanismes génétiques Î séquence de l’ADN Mécanismes épigénétiques Î structure de l’ADN Interactions régulatrices altérées

Interactions possibles entre ces différentes causes ALLOPOLYPLOÏDE Chromosomes homéologues EFFETS SUR LE PHENOTYPE Augmentation des possibilités de

variations dans l’expression « dose-dépendante » des gènes

Mécanismes génétiques Î séquence de l’ADN Mécanismes épigénétiques Î structure de l’ADN Interactions régulatrices altérées

Interactions possibles entre ces différentes causes ALLOPOLYPLOÏDE Chromosomes homéologues EFFETS SUR LE PHENOTYPE Augmentation des possibilités de

variations dans l’expression « dose-dépendante » des gènes

Figure 17 : Les mécanismes de régulation.

Figure récapitulatif des différents mécanismes de régulation. L’augmentation des possibilités de variations dans l’expression « dose-dépendante » des gènes et les interactions régulatrices altérées ont un effet direct sur le phénotype. Cette figure insiste sur le fait que tous ces mécanismes peuvent interagir entre eux.

modifications de la chromatine. Chez Spartina, 30% des profils de méthylation parentaux sont altérés chez les hybrides et allopolyploïdes (Salmon et al., 2005). Le rôle de la méthylation de l’ADN dans la mise sous silence de copies de gènes parentaux a également été étudié dans des lignées transgéniques hypométhylées de allopolyploïde, Arabidopsis suecica, par l’intermédiaire d’ARNi (Wang et al., 2004). Les auteurs ont observé que deux gènes sont réactivés dans des lignées transgéniques ddm1 et met1-RNAi par la déméthylation de l’ADN (Wang et al., 2004). L’acétylation et la désacétylation des histones ne sont pas des mécanismes indépendants dans la mise sous silence de gènes (Chen et Tian, 2007). Une étude d’Earley et al. (2006), montre que lorsqu’une histone désacétylase (HDA6) est perturbée cela induit une baisse des niveaux de méthylation de promoteurs de la cytosine et provoque des modifications de plusieurs histones suggérant un rôle concerté de l’acétylation et de la méthylation d’histones dans la mise sous silence de gènes.

Toutefois, il faut noter que les mécanismes génétiques et épigénétiques peuvent avoir des interactions (Figure 17). Par exemple la réactivation de transposons par les voies de la méthylation et des ARNi conduisent à des délétions et réarrangements chromosomiques. Les délétions de séquence peuvent altérer les gènes ‘dose-dépendants’ et la structure de la chromatine (Chen et Ni, 2006). Une étude récente de Nasrallah et al. (2007), montre que les changements de méthylation ont par exemple un rôle dans l’évolution de l’auto-incompatibilité chez des allotétraploïdes récents d’Arabidopsis. Les auteurs ont ainsi montré que l’auto-fertilité des hybrides résultait de changements épigénétiques dans l’expression des gènes du locus S qui détermine la réponse SI42. L’hybridation interspécifique entraine un non-fonctionnement du SI générant ainsi, à partir d’espèces incompatibles, des hybrides auto-fertiles. Il est important de noter que l’autogamie est un système de reproduction particulièrement favorable pour maintenir l’intégrité des deux sous-génomes durant les premières générations des allopolyploïdes.

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Le systène de Self-incompatibility (SI) est définit comme une barrière génétique empêchant la pollinisation pré-zygotique (Nasrallah et

Figure 18 : Effets des facteurs génétiques et épigénétiques sur le phénotype et l’évolution des polyploïdes.