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Mécanismes généraux de biosynthèse et de transport des protéines transmembranaires à la membrane plasmique

2.1 Synthèse des protéines transmembranaires

Les RCPGs, comme toutes les protéines sécrétées et les protéines transmembranaires, sont synthétisés par des ribosomes attachés à la face cytoplasmique du reticulum endoplasmique (RE) [144, 145] puis transportés à travers la voie de sécrétion jusqu’à la membrane plasmique. Dans ce chapitre, je vais décrire les différentes étapes de la voie de sécrétion en insistant davantage sur le repliement et l’export des protéines du RE, car ces étapes sont plus pertinentes pour les études décrites dans cette thèse. Environ le tiers des protéines produites dans la cellule sont synthétisées dans le reticulum endoplasmique. Le RE est une organelle membranaire réticulaire contigüe à la membrane nucléaire qui serait issue de l’invagination de la membrane plasmique. En conséquence, l’intérieur du RE, appelé lumière du RE, possède une composition chimique similaire à l’environnement extracellulaire. Isolé du cytoplasme, la lumière du RE fournit un environnement propice au repliement de protéines destinées au milieu extracellulaire, notamment en permettant la formation de ponts disulfures et la glycosylation, deux modifications qui stabilisent la structure des protéines. Le RE contient également diverses protéines et enzymes qui s’assurent que les polypeptides synthétisées dans le RE sont adéquatement repliées. Dans le cas contraire, ces protéines ne seront pas transportées dans la voie de sécrétion, mais seront immédiatement dégradées. Ces processus sont connus sous le nom de contrôle de qualité du RE.

2.1.1 Ciblage des protéines transmembranaires vers la membrane du RE

Comme l’intégration des protéines transmembranaires dans la membrane du RE se fait de façon co-traductionelle, la cellule doit distinguer très rapidement après le début de la synthèse entre une protéine synthétisée dans le cytoplasme et une protéine destinée à la voie de sécrétion. Les peptides signaux sont des séquences généralement situées dans le domaine N-terminal d’une protéine qui permettent de diriger les protéines nouvellement synthétisées ou en cours de synthèse vers la membrane plasmique chez les bactéries ou la membrane du reticulum endoplasmique dans les cellules eucaryotes [146]. Ces séquences

de 15 à 50 acides aminés sont caractérisées par un cœur hydrophobe de 6 à 15 acides aminés qui est essentiel pour le ciblage des protéines vers la voie de sécrétion. La plupart des peptides signaux possèdent également un domaine polaire précédent le cœur hydrophobe. Elles peuvent être clivées après leur insertion dans la membrane du reticulum endoplasmique par un enzyme nommé signal peptidase ou faire partie intégrale de la protéine et permettre l’ancrage de cette dernière à la membrane bilipidique.

Dans les cellules de mammifères, les protéines sont transportées à travers (protéines sécrétées) ou intégrées (protéines transmembrananaires) à la membrane du reticulum endoplasmique de façon co-traductionnelle. Les peptides signaux de ces protéines sont reconnus dès leur sortie du ribosome par la particule de reconnaissance du signal (SRP) (Figure 4). Ce complexe ribonucléoprotéique interagit directement avec le peptide signal [147] et avec les protéines ribosomales L23a et L35 situées au site de sortie du polypeptide [148]. La liaison du SRP provoque un arrêt temporaire de la traduction chez les eucaryotes [149] et le recrutement du complexe SRP-RNC (ribosome/chaîne polypeptidique en croissance) par le récepteur du SRP (SR), une protéine hétérodimérique située dans la membrane du reticulum endoplasmique [150]. Le SRP et son récepteur sont des GTPases possédant une affinité intrinsèque très faible envers le GTP [151]. L’affinité du GTP envers le SRP augmente significativement lorsque ce dernier est lié au peptide signal et au ribosome [152] permettant la formation d’un complexe SRP-SR qui requiert la présence de GTP sur chacune des protéines [152] [153]. La liaison du SR au SRP provoque le relâchement du peptide signal [154] et son transfert au complexe de translocation (translocon) [155], ce qui permet la reprise de la traduction et le transfert de la protéine dans le RE. L’hydrolyse du GTP est nécessaire pour ce processus et mène également à la dissociation du complexe SR-SRP [156, 157] libérant le SRP afin d’initier un nouveau cycle de recrutement de ribosome.

! Figure 4. Représentation schématique du cycle de recrutement des complexes RNC à la membrane du RE et leur transfert au translocon. Adapté de [158].

En plus de diriger les protéines de la voie de sécrétion vers le RE, les peptides signaux influencent également la topologie des protéines transmembranaires. En effet, le peptide signal peut être orienté dans deux directions à l’intérieur du translocon ce qui va déterminer si le domaine N-terminal de la protéine est transporté dans le lumen du reticulum endoplasmique (orientation de type I) ou demeure dans le cytoplasme (orientation de type II). La présence de résidus chargés et un cœur hydrophobe court

favorise l’orientation de type II alors que l’absence de charge et une longue région hydrophobe favorise l’orientation de type I [159-161].

Tous les récepteurs couplés aux protéines G possèdent un domaine N-terminal extracellulaire. Chez la majorité des RCPGs, le premier domaine transmembranaire agit probablement comme peptide signal non-clivable bien que les autres TM en possèdent aussi la capacité [162]. Le domaine N-terminal de ces récepteurs est donc transporté dans la lumière du RE après leur traduction dans le cytoplasme. Un certain nombre de RCPGs (5 à 10%) présentent un peptide signal clivable supplémentaire en amont du domaine N- terminal [163, 164]. Comme la liaison du peptide signal au SRP arrête la traduction et que celle-ci ne reprend qu’après le transfert du peptide signal au translocon, cela signifie que la translocation à travers la membrane du RE du domaine N-terminal de ces récepteurs s’effectue au fur et à mesure de leur synthèse. La présence du peptide signal clivable pourrait s’expliquer par l’impossibilité de transporter le domaine N-terminal complètement synthétisé de ces récepteurs dans le RE. Une étude démontrant que la présence du peptide signal est nécessaire pour la translocation à travers la membrane du RE du domaine N- terminal du récepteur B de l’endothelin (ETBR) semble valider cette hypothèse [165]. Des résultats similaires ont été observés pour le récepteur des cannabinoïdes 1 [166]. L’absence du peptide signal clivable du ETBR provoque également la rétention du récepteur dans le reticulum endoplasmique et une perte de liaison du ligand. Les domaines N-terminaux des récepteurs possédant un peptide signal clivable sont en général plus long (moyenne de 200 acides aminés) que ceux des récepteurs n’en possédant pas (moyenne de 40 acides aminés) et sont également enrichis en acides aminés chargés positivement [163]. Ces facteurs pourraient expliquer en partie pourquoi leur domaine N-terminal ne puisse être transporté après leur synthèse. La présence d’une structure globulaire stable dans le domaine N- terminal empêcherait également une translocation post-traductionelle. Une analyse informatique révèle que la vaste majorité des récepteurs de la famille 2 (B) et 3 (C) ainsi que des récepteurs aux hormones glycoprotéiques (famille 1C) possède un peptide signal [165]. Le domaine N-terminal de ces récepteurs possède une structure globulaire qui contribue à la liaison de leur ligand. Les récepteurs des familles 1A et 1B, dont le domaine N-terminal ne contribue pas à la liaison du ligand, possèdent très rarement un peptide signal. Ceci suggère que la présence du peptide signal est nécessaire chez les récepteurs qui possèdent une structure repliée stable dans leur domaine N-terminal. Le peptide signal

clivable pourrait également favoriser l’expression de certains récepteurs. En effet, la délétion du peptide signal du récepteur CRF-R1 (corticotropin-releasing factor receptor 1) provoque une diminution de l’expression totale du récepteur d’environ 90% sans affecter la fonctionnalité, le transport vers la membrane plasmique, la dégradation et le niveau d’ARN messager du récepteur [167]. De plus, le peptide signal clivable du récepteur du peptide 1 similaire au glucagon (GLP-1R) est absolument nécessaire pour la synthèse de ce récepteur, indiquant que les TMs du GLP-1R ne peuvent pas servir de peptide signal non-clivable [113]. Enfin, l’ajout d’un peptide signal clivable à des récepteurs qui en sont normalement dépourvus favorise également leur expression [168-170]. Le peptide signal clivable pourrait favoriser le ciblage du récepteur vers la membrane du RE et/ou favoriser la translocation et l’intégration du récepteur dans la membrane en modifiant l’activité du complexe de translocation comme nous le verrons dans la prochaine section.

À l’exception de leur composition généralement hydrophobe, les peptides signaux possèdent peu d’homologie de séquence. Ils pourraient donc représenter des cibles intéressantes pour le développement de drogues bloquant l’expression spécifiques de certaines protéines. La découverte récente d’un composé bloquant de façon spécifique la translocation dans le RE et l’expression de la molécule d’adhésion cellulaire vasculaire 1 (VCAM1) démontre le potentiel de ce concept [171].

2.1.2 Integration des protéines transmembranaires dans la membrane du reticulum endoplasmique

L’interaction entre le complexe SRP-SR et le peptide signal recrute les ribosomes traduisant les protéines transmembranaires à la membrane du reticulum endoplasmique. Ils sont ensuite transférés au complexe de translocation (translocon) qui interagit avec le peptide signal et le ribosome. Le translocon est un complexe protéique qui coordonne l’orientation et l’intégration des domaines transmembranaires à l’intérieur de la membrane bilipidique du RE tout en dirigeant les domaines solubles des protéines transmembranaires vers le compartiment luminal ou cytoplasmique approprié. Il forme un canal aqueux qui possède la particularité de pouvoir s’ouvrir dans deux directions soit perpendiculairement à la membrane pour transporter un polypeptide dans la lumière du RE ou à l’intérieur même de la membrane afin de permettre aux domaines transmembranaires de diffuser dans la phase lipidique (Figure 5) [172]. Le translocon est constitué de l’hétérotrimère Sec61αβγ et

de la protéine TRAM (translocon-associated membrane protein) [173]. Comme l’activité de translocation des protéines sécrétées et d’intégration des protéines transmembranaires peut être reconstituée dans des protéoliposomes contenant exclusivement ces 4 protéines [174, 175], ils sont considérés comme formant le noyau du translocon du RE dans les cellules de mammifères [173]. TRAM peut être essentiel à la translocation de certaines protéines ou seulement avoir un effet stimulateur dans d’autres cas [174, 176]. Les caractéristiques de la séquence signal (longueur, charges et hydrophobicité) influenceraient la dépendance de TRAM pour la translocation [176].

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