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Chapitre 1 Introduction générale

1.3. Résistance des bactéries aux antibiotiques

1.3.5. Mécanismes de résistance aux antibiotiques

Les antibiotiques ciblent différentes fonctions structurales et biochimiques des cellules bactériennes pour les tuer ou inhiber leur croissance. Les bactéries ont développé des mécanismes de défense leur permettant de déjouer l’action des antibiotiques et ainsi de leur résister (Wright, 2010).

1.3.5.1. Trois différents mécanismes

Il existe trois mécanismes leur permettant de résister à l’action des antibiotiques. Ceux-ci sont l’altération de la perméabilité membranaire, l’altération des cibles ainsi que l’inactivation enzymatique (Figure 1.1) (Rice & Bonomo, 2011).

1.3.5.1.1. Altération de la perméabilité membranaire

L’altération de la perméabilité membranaire consiste à bloquer l’accès aux cibles des antibiotiques. Cette altération peut être causée par un mécanisme d’efflux ou par la modification, la diminution ou la perte des porines. Le mécanisme d’efflux actif est caractérisé par la présence de protéines agissant comme pompes. Une fois localisé à l’intérieur de la cellule, l’antibiotique est éjecté par une protéine de la grande famille des pompes. Ces pompes peuvent être présentes chez les bactéries à Gram- comme à Gram+ et sont généralement situées dans la membrane cytoplasmique (Rice & Bonomo, 2011; Wright, 2010). D’autre part, les porines sont des protéines membranaires formant des canaux qui permettent à des molécules comme les petits antibiotiques de traverser la membrane externe des bactéries à Gram- pour atteindre la membrane cytoplasmique (Rice & Bonomo, 2011).

1.3.5.1.2. Altération des cibles

L’altération des cibles consiste à modifier la cible de l’antibiotique chez les cellules bactériennes afin d’empêcher leur interaction et contrer l’effet de l’antibiotique.

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L’interaction entre un antibiotique et sa cible est souvent spécifique. Ainsi, une altération mineure de la cible empêche la liaison de l’antibiotique qui devient inefficace (Rice & Bonomo, 2011).

1.3.5.1.3. Inactivation enzymatique

L’inactivation enzymatique constitue une défense très spécifique et évoluée contre les antibiotiques. Les cellules bactériennes produisent des enzymes qui vont inactiver les antibiotiques de façon à ce qu’ils soient inefficaces. Les antibiotiques perdent leur effet et ne peuvent plus interagir avec leurs cibles. Les bactéries ayant cette capacité deviennent ainsi résistantes envers les antibiotiques (Rice & Bonomo, 2011; Wright, 2010).

1.3.5.2. Mécanismes de résistance aux β-lactamines

L’étude des gènes de résistance aux β-lactamines est l’objet du chapitre 3 de ce mémoire. Les mécanismes de résistance à cette classe d’antibiotiques seront décrits dans cette section. Les trois mécanismes de résistance aux antibiotiques décrits précédemment s’appliquent à la résistance aux β-lactamines qui font partie de la famille d’antibiotiques la plus utilisée. L’altération de la perméabilité par des mécanismes d’efflux actif permet aux bactéries d’éjecter les β-lactamines. L’altération de la perméabilité membranaire par la diminution du nombre de porines ou bien la modification ou la perte de celles-ci empêche les β-lactamines de pénétrer à l’intérieur de la cellule. L’altération de la cible est aussi un mécanisme utilisé pour contrer les β-lactamines. Dans ce cas-ci, les cibles sont les PLPs. On peut observer l’altération des PLPs sous quatre formes, soit une production augmentée des PLPs, l’acquisition de PLPs étrangères, des mutations des PLPs par recombinaison avec de l’ADN étranger et finalement des mutations ponctuelles des PLPs. Dans le premier cas, les PLPs sont en surnombre rendant les β-lactamines inefficaces tandis que dans les trois autres cas, les β-lactamines ne peuvent plus interagir avec les PLPs (Mascaretti, 2003d; Rice & Bonomo, 2011). Cependant, le mécanisme de résistance aux β-lactamines le plus répandu chez les bactéries est l’inactivation enzymatique par la production d’enzymes spécifiques nommées β-lactamases (Jacoby, 1994; Mascaretti, 2003d).

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1.3.5.2.1. β-lactamases

Comme il a été mentionné précédemment, la production de β-lactamases est le mécanisme le plus communément utilisé pour résister aux β-lactamines, en particulier chez les bactéries à Gram- cliniquement importantes (Bush & Jacoby, 2010; Jacoby, 1994; Mascaretti, 2003d). Les β-lactamases permettent de contrecarrer l’effet létal des β- lactamines sur les bactéries (Handal et al., 2004). Elles hydrolysent le noyau β-lactame des β-lactamines en ajoutant une molécule d’eau entre le lien carbone (C) et azote (N), permettant ainsi l’ouverture du noyau et rendant l’antibiotique inapte à l’inhibition de sa cible, les PLPs (Figure 1.4) (Bush & Jacoby, 2010; Mascaretti, 2003b; Mascaretti, 2003d). Les β-lactamases peuvent être produites de manière constitutive ou inductible (Mascaretti, 2003d; Rice & Bonomo, 2011). De plus, les gènes codant pour celles-ci peuvent être situés sur le chromosome bactérien, sur un plasmide, sur un transposon ou même sur un intégron présents dans des cassettes de gènes. La possibilité de transfert de ces gènes en est donc augmentée (Handal et al., 2004; Rice & Bonomo, 2011). Les β-lactamases sont sécrétées dans l’espace périplasmique chez les bactéries à Gram- et dans le milieu extérieur chez les bactéries à Gram+ (Mascaretti, 2003d). L’étude des gènes codant pour ces enzymes devient donc importante pour choisir les traitements appropriés chez les patients présentant une infection causée par une bactérie productrice de β-lactamases (Bush & Jacoby, 2010).

Figure 1.4. Représentation schématique de l’inactivation enzymatique de la pénicilline (β-lactamine) par une β-lactamase qui vient hydrolyser le noyau β-lactame de l’antibiotique. Figure adaptée de Mascaretti, 2003d.

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1.3.5.3. Mécanismes de résistance à la vancomycine

L’étude des gènes de résistance à la vancomycine, principalement de type VanD est l’objet du chapitre 4 et les mécanismes de résistance à cet antibiotique seront décrits dans cette section. Le mécanisme de résistance utilisé par les bactéries pour contrer l’effet bactéricide de la vancomycine est l’altération de sa cible (Courvalin, 2006; Rice & Bonomo, 2011; Wright, 2010). La vancomycine a une forte interaction avec le dipeptide terminal D-Ala-D- Ala du pentapeptide précurseur du peptidoglycane. La résistance est ainsi causée par la présence d’opérons produisant certaines enzymes qui vont altérer la synthèse du dipeptide terminal et conduire à la synthèse des D-alanyl-D-lactate (D-Ala-D-Lac) ou D-alanyl-D- sérine (D-Ala-D-Ser) (Courvalin, 2006). Cette altération est effectuée par plusieurs types d’opérons différents présents chez les bactéries (Rasheed & Tenover, 2011; Werner et al., 2008). À ce jour, dix types d’opéron impliqués dans la résistance à la vancomycine ont été caractérisés. Les opérons permettant la synthèse du D-Ala-D-Lac sont vanA, vanB, vanD,

vanF et vanM tandis que ceux produisant le D-Ala-D-Ser sont vanC, vanE, vanG, vanL et vanN (Depardieu et al., 2015; Fraimow et al., 2005; Rubinstein & Keynan, 2014). La

synthèse d’un dipeptide terminal modifié cause une forte diminution de l’affinité envers la vancomycine, conduisant à la résistance de la cellule bactérienne envers cet antibiotique (Figure 1.5) (Domingo et al., 2005b).

Figure 1.5. Représentation schématique de la diminution de l’affinité envers la vancomycine par l’incorporation du dipeptide D-Ala-D-Lac. Figure adaptée de

Courvalin, 2006.

1.3.5.3.1. Gène de résistance à la vancomycine de type VanD

Le premier cas décrit de résistance à la vancomycine de type VanD a été observé en 1991, dans un hôpital de New-York, aux États-Unis. La résistance a été retrouvée chez la bactérie

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Enterococcus faecium qui a été isolée à partir d’un échantillon d’urine (Ostrowsky et al.,

1999). La résistance à la vancomycine de type VanD est caractérisée par son expression constitutive chez les entérocoques apportant une résistance modérée aux glycopeptides, soit une concentration minimale inhibitrice (CMI) de 64 à 128 µg/ml pour la vancomycine et de 4 à 64 µg/ml pour la téicoplanine (Depardieu et al., 2004; Domingo et al., 2007). La résistance est causée par la présence de l’opéron vanD localisé sur le chromosome bactérien uniquement. Malgré la présence d’un gène intD codant pour une intégrase localisée près de l’opéron vanD, des expériences ont montré que l’opéron vanD ne peut être transféré in vitro chez d’autres entérocoques (Domingo et al., 2007; Werner et al., 2008). L’opéron vanD est composé de 6 gènes : vanRD, vanSD, vanYD, vanHD, vanD et vanXD (Figure 1.6) (Courvalin,

2006; Xu, X. et al., 2010).

Figure 1.6. Représentation schématique des différents gènes constituant le locus vanD.

Figure adaptée de Courvalin, 2006.

Comme il a été mentionné précédemment, l’opéron vanD cause de la résistance par la synthèse du D-Ala-D-Lac. Les 6 gènes de l’opéron jouent chacun un rôle dans l’expression de la résistance. La synthèse du D-Ala-D-Lac nécessite une déshydrogénase, VanHD, qui

convertit le pyruvate en D-Lac. Par la suite, le précurseur se terminant par D-Ala est enlevé par la D,D-dipeptidase VanXD hydrolysant le dipeptide D-Ala-D-Ala produit par la ligase

Ddl de la bactérie hôte. La D,D-carboxypeptidase VanYD permet de cliver le D-Ala

terminal des précurseurs pentapeptidiques du peptidoglycane qui ont échappé à l’hydrolyse de la D,D-dipeptidase VanXD. La ligase, soit VanD, permet ainsi de joindre les deux

peptides D-Ala et D-Lac formant ainsi le dipeptide D-AlaD-Lac. Les gènes vanHD, vanD et

vanXD sont donc essentiels à la résistance (Courvalin, 2006; Depardieu et al., 2004;

Depardieu et al., 2003). Présentement, sept allèles du gène vanD ont été décrits, soit vanD1 à vanD7 (Boyd et al., 2000; Boyd et al., 2004; Boyd et al., 2016; Boyd et al., 2006; Casadewall & Courvalin, 1999; Dalla Costa et al., 2000; Ostrowsky et al., 1999). VanSD est

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une histidine kinase agissant comme détecteur et VanRD est un régulateur agissant comme

activateur de la transcription. Ces deux protéines réunies permettent la régulation de l’expression de la résistance de type VanD (Depardieu et al., 2004; Depardieu et al., 2003).

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