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Chapitre 1 Introduction générale

1.4. Ère post-antibiotique?

L’émergence croissante de résistance et multi-résistance aux antibiotiques chez les bactéries pathogènes devient un problème particulièrement préoccupant. D’autant plus que le nombre d’agents antibactériens en développement ne cesse de diminuer. Certains pathogènes sont maintenant résistants à pratiquement, voire tout l’arsenal d’antibiotiques disponibles sur le marché. Tous ces éléments réunis laissent planer la menace prochaine d’une nouvelle ère post-antibiotique, où notre capacité à traiter les infections d’origine bactériennes serait révolue (Gibson et al., 2015; Heymann & Rodier, 2001; Schulz zur Wiesch et al., 2010).

1.4.1. Pourquoi si peu de nouveaux antibiotiques?

Devant un problème de cette envergure, le besoin de nouveaux agents antibactériens est urgent. Pourtant, le développement de nouveaux antibiotiques est en chute depuis trois décennies (Ventola, 2015a). La cause de cette diminution se rapporte à un ensemble de facteurs tous en lien avec l’économie (Spellberg et al., 2008; Ventola, 2015a; Wright, 2010). Tout d’abord, le développement de nouveaux antibiotiques ne représente plus un bon investissement pour l’industrie pharmaceutique. En effet, les antibiotiques sont des médicaments utilisés pour traiter définitivement une infection d’origine bactérienne et leur utilisation est restreinte à de courtes périodes de temps dépassant rarement deux semaines (Spellberg et al., 2008). Leur production devient ainsi beaucoup moins rentable par rapport au marché des traitements des maladies chroniques comme le diabète, les maladies psychiatriques, l’asthme et bien d’autres. La valeur actuelle nette d’un nouvel antibiotique est de 50 millions de dollars, tandis que la valeur actuelle nette approximative d’un médicament traitant une maladie neuromusculaire est de 1 milliard de dollars, ce qui est beaucoup plus alléchant pour les compagnies pharmaceutiques. De plus, le prix de vente d’un antibiotique est relativement bas en comparaison avec, par exemple, les traitements de chimiothérapies pour les cancers (Ventola, 2015a). Par ailleurs, les scientifiques, microbiologistes et infectiologues recommandent la restriction des antibiotiques. Les médecins, par souci de diminution de la pression sélective afin d’éviter l’émergence de nouvelles résistances, continuent à prescrire les anciens agents antibactériens et conservent

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les nouveaux antibiotiques comme derniers recours, ce qui n’incite pas les compagnies pharmaceutiques à en développer de nouveaux. Finalement, l’apparition de résistance est inévitable et une compagnie développant un nouvel antibiotique prend toujours le risque d’une apparition rapide de cette résistance après la mise en marché, diminuant ainsi drastiquement les profits attendus (Ventola, 2015a).

1.4.2. Y a-t-il des alternatives aux nouveaux antibiotiques?

Il existe certaines alternatives au développement de nouveaux antibiotiques, notamment l’utilisation d’anciens antibiotiques qui n’ont pas été sélectionnés pour être commercialisés, ayant une toxicité plus élevée. Ce choix devient maintenant nécessaire pour traiter certaines infections causées par des pathogènes particulièrement résistants (Boucher et al., 2009). Il est aussi possible de modifier les agents antibactériens existants ou bien de les utiliser de façon cyclique afin de prolonger l’efficacité de l’antibiotique utilisé (Davies & Davies, 2010). Une autre alternative est la combinaison de deux agents antibactériens pour augmenter l’efficacité. Cependant, ces méthodes ne permettent pas d’éliminer la pression sélective (Cohen, 1992). Il y a aussi d’autres stratégies à étudier, comme les vaccins qui sont à caractère préventif, les bactériophages, soit des virus s’attaquant aux bactéries, les activateurs de l’immunité innée (Wright, 2010) ainsi que les antitoxines qui vont agir directement sur les toxines produites par certaines bactéries, comme le Clostridium difficile (Marozsan et al., 2012). Le diagnostic rapide, non seulement des bactéries, mais également des toxines produites par les bactéries, prend ainsi toute son importance. Les modificateurs de la réponse biologique pourront également être utilisés afin de réduire la réponse inflammatoire excessive notamment par la diminution de la libération des cytokines pro- inflammatoires (Duong et al., 1998).

1.4.3. Que peut-on faire pour ralentir l’émergence de résistance?

Nous sommes complètement dépendants des antibiotiques et leur utilisation est nécessaire au succès des traitements des maladies infectieuses, mais aussi au succès des chirurgies par la prévention des infections post-opératoires (Davies & Davies, 2010). L’émergence de résistance aux antibiotiques est inévitable et la population de la planète entière est touchée par ce problème croissant (Heymann & Rodier, 2001). Cependant, certains actes peuvent

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être réalisés pour ralentir et limiter l’émergence de nouvelles résistances. Tout d’abord, il est primordial d’implanter un système de surveillance mondial afin d’assurer un meilleur contrôle des maladies infectieuses et de la résistance (Heymann & Rodier, 2001). De plus, les antibiotiques doivent être utilisés de façon contrôlée et adéquate. Un guide de prescription des agents antibactériens devrait être instauré afin d’améliorer les prescriptions pour qu’elles soient précises et appropriées à l’infection d’origine bactérienne à traiter (Davies & Davies, 2010; French, 2010; Ventola, 2015b). Il devrait ainsi y avoir une surveillance rigoureuse dans les hôpitaux et cliniques, mais également en agriculture, pour assurer un contrôle des thérapies effectuées chez les animaux de ferme ainsi que l’abolition de l’utilisation d’antibiotiques dans leur alimentation (Davies & Davies, 2010). Par ailleurs, un meilleur contrôle quant à la transmission des maladies infectieuses influencerait systématiquement l’émergence de résistance (French, 2010). Ainsi, afin de prévenir la transmission dans les hôpitaux, une meilleure gestion physique des lieux doit être établie, comprenant une désinfection accrue des locaux et du matériel ainsi que le dépistage de porteurs asymptomatiques. Il est aussi essentiel d’améliorer la précision et la rapidité des outils de diagnostic des maladies infectieuses (Boissinot & Bergeron, 2002; Ventola, 2015b). Ces actions permettraient ainsi de ralentir l’émergence de nouvelles résistances. Finalement, la recherche d’alternatives aux antibiotiques est souhaitable, mais la recherche de nouveaux agents antibactériens ne doit pas s’arrêter, car ceux-ci restent indispensables au maintien de la qualité des soins de santé (Davies & Davies, 2010). De nouvelles stratégies sont présentement discutées et utilisées pour découvrir de nouveaux antibiotiques. Il y a notamment la recherche de nouvelles cibles, d’inhibiteurs de la résistance et de la virulence ainsi que de nouvelles techniques de culture des micro- organismes, utilisant des milieux plus naturels qui reflètent davantage l’environnement des bactéries et qui comprennent les facteurs potentiels qui pourraient être nécessaires à la production d’antibiotiques (Ventola, 2015b; Wright, 2014). Aussi, de nouvelles sources d’antibiotiques naturels sont examinées. Des sources qui étaient jusqu’à maintenant moins connues ou étudiées, comme les forêts tropicales, les bactéries marines, les bactéries vivant dans des environnements extrêmes, etc. (Ventola, 2015b).

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