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Mécanismes de l’épileptogenèse connus 1 Facteurs génétiques

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EPILEPSIES Crises épileptiques

PHASE CHRONIQUE

B.4.3 Mécanismes de l’épileptogenèse connus 1 Facteurs génétiques

B.4.3.1.1 Mécanismes épigénétiques

Le terme épigénétique réfère à des changements dans les gènes sans affecter la séquence d’ADN. Il s’agit de modifications telles que des méthylations ou acétylations des histones influençant fortement l’expression des gènes qui ont donc une importance dans les fonctions cellulaires. On observe notamment ces modifications d’histones au niveau de gènes impliqués dans la plasticité neuronale. Le changement d’expression de ces gènes se révèle être épileptogène. Nous pouvons citer en exemple la déacétylation des histones du promoteur de GLUR2 qui induit une diminution de son expression, augmentant ainsi l’épileptogenèse (Huang, Y., et al. - 2002).

B.4.3.1.2 Les origines génétiques

A la suite d’un SE, l’épiletogenèse (capacité à développer une épilepsie chronique) est très différente selon les souches de souris indiquant donc une sensibilité génétique à l’épilepsie

(Schauwecker, P. E. - 2007). Chez l’homme, comme chez la souris, une seule mutation d’un gène

peut être associée à une épilepsie focale (Winawer, M. R., et al. - 2007). Les gènes mutés ne sont

Figure 13

: Tranches organotypiques d’hippocampe marquées au fluorojade (marqueur de mort neuronale). A. culture contrôle B. Culture après crises (kainate)

pas liés à des canalopathies mais codent pour des protéines impliquées dans la migration cellulaire, des transporteurs ou des protéines vésiculaires (Witgen, B. M., et al. - 2006).

B.4.3.2 Facteurs acquis : altérations cellulaires ou moléculaires B.4.3.2.1 Neurodégénérescence

La mort neuronale a été décrite au début du 19ème siècle, elle reste actuellement le facteur le mieux décrit dans l’épileptogénèse. La question de la mort neuronale comme cause ou conséquence de la maladie épileptique est toujours débattue. Au cours des années 1990, il a été démontré qu’une crise est capable d’engendrer la mort neuronale par le processus d’excitotoxicité.

On la décrit dans le hile, dans la couche pyramidale de l’aire CA1 et elle affecte particulièrement les interneurones. On la retrouve aussi dans les aires CA3, CA2 et GD en plus faible proportion. La neurodégénérescence est aussi observée dans le cortex entorhinal, l’amygdale et le thalamus. Beaucoup de facteurs sont impliqués dans la mort neuronale lors d’une crise d’épilepsie,

(Heinemann, U. - 2004) : un dysfonctionnement mitochondrial avec incapacité de produire l’ATP

nécessaire à la restauration du gradient électrochimique entraîne une mort neuronale significative

(Kunz, W. S. - 2002). La production de radicaux libres (ROS) par les mitochondries augmente

lors de crises récurrentes. La protection contre les dommages causés par les ROS réduit la mort neuronale induite par les crises, soulignant l’importance de ces radicaux dans la neurodégénérescence (Kovacs, R., et al. - 2002).

Récemment, des études in vivo ont montré que le SE est impliqué dans la neurodégénérescence et non la récurrence des crises épileptiques (Gorter, J. A., et al. - 2003, Pitkanen, A., et al. - 2002) et suggèrent l’existence de deux formes de mort neuronale : i) une phase aigue dépendante du SE, ii) une phase tardive ou prolongée dépendante des crises récurrentes.

La neuroprotection a longtemps été considérée comme la clé dans la prévention de l’épileptogénèse. Cependant la protection de la mort neuronale à la suite d’un SE ne prévient pas l’apparition de crises récurrentes mais elle permet une meilleure récupération après un SE (Brandt, C., et al. - 2003).

B.4.3.2.2 Neurogénèse

La présence d’une neurogénèse chez l’adulte dans la couche sous-granulaire du gyrus denté a été décrite il y a 10 ans par Eriksson. Le processus de neurogénèse débute par la prolifération des

cellules souches neurales ou progéniteurs. Dans le gyrus denté, ces progéniteurs donnent place à des cellules granulaires (DGCs). Les DGCs résident dans la zone sous-granulaire (SGZ) qui borde le hile et la couche de cellules granulaires. En condition physiologique, les DGCs intègrent sans aucune aberration la couche granulaire et connecte avec l’aire CA3 via les fibres moussues. La neurogenèse est régulée de façon négative par le stress et l’âge et de façon positive par l’exercice. Elle implique un grand nombre de facteurs de croissance comme le bFGF (basic Fibroblast growth factor), l’IGF-1 (Insulin-like Growth Factor), le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) ou encore le BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor). Certains neurotransmetteurs augmentent ce phénomène comme le GABA ou la sérotonine, à l’inverse du glutamate (Parent, J. M., et al. - 2007).

La neurogenèse se fait dans un microenvironnement spécifique appelé la niche vasculaire. Cette niche contient différentes cellules : les progéniteurs, les astrocytes, les microvaisseaux et la microglie. Il est connu que les astrocytes sont nécessaires pour la prolifération, la différentiation et la migration. Le recrutement vasculaire dans ces niches favorise la neurogenèse. En effet l’endothélium des micro-vaisseaux du cerveau secrète du BDNF favorisant ainsi la survie et la différentiation des précurseurs neurogliaux (Palmer, T. D., et al. - 2000).

Dans l’ELT avec sclérose hippocampique, on a décrit une neurogénèse excessive. Les cellules immatures prolifèrent dans trois zones : couches subgranulaire, subventriculaire et fissure hippocampique (Crespel, A., et al. - 2005).

L’utilisation de plusieurs modèles in vivo d’ELT a pu révéler que des crises prolongées ou un SE étaient capables de stimuler la prolifération DGCs. La neurogenèse dans l’ELT participe à l’épileptogenèse de plusieurs façons (Figure 14) :

- Les nouvelles DGS développent des axones contribuant à une réorganisation aberrante des fibres moussues au niveau de l’aire CA3 et de la couche du GD (Scharfman, H. E., et

al. - 2000).

- les DGCs migrent de façon aberrante vers le hile. Cette migration aberrante pourrait s’expliquer par une baisse de la reeline, protéine impliquée dans la guidance des cellules. Les DGCs sont alors hyperexcitables et induisent des bursts anormaux synchronisés vers l’aire CA3 participant aussi à un circuit épileptique.

Les mécanismes par lesquelles une crise d’épilepsie déclenche la neurogénèse ne sont pas encore totalement élucidés. Plusieurs hypothèses sont actuellement en vigueur :

- Les crises augmentent l’expression de facteurs impliqués dans la neurogenèse comme IGF-1, BDNF mais aussi des facteurs angiogéniques comme le VEGF (Aberg, M. A., et al. - 2000, Binder, D. K., et al. - 2001)

- La neurogenèse serait indirectement déclenchée par l’activation des astrocytes

- La mort de quelques DGCs matures pourrait déclencher un signal d’activation pour la formation de nouvelles cellules.

Des facteurs épileptogéniques, comme les AVCs (Accidents Vasculaire Cérébraux) ou le traumatisme crânien, induisent une neurogenèse ce qui pourrait expliquer les défaillances de mémoire et la dépression. (Pitkanen, A., et al. - 2009, Scharfman, H. E., et al. - 2007).

Il est intéressant de noter que chez les patients atteints d’ELT avec SH, les progéniteurs ne semblent pas toujours évoluer en neurones mais plutôt en astrocytes immatures, qui participent à l’excitabilité et la synchronisation (Crespel, A., et al. - 2005). Chez l’animal, on constate aussi un environnement inflammatoire, fatal pour les neurones néo-formés.

La destinée cellulaire des progéniteurs neuraux semble donc très dépendante de l’environnement en facteurs trophiques ou inflammatoires.

Facteurs précipitant précoces : Ex :Convulsionfébrile Signaux aberrants : -Mort DGC matures -Activation de différents facteurs - Perte de reeline Migration aberrante des progéniteurs DGC Intégration aberrante au circuit hippocampique CRISES RECURRENTES TROUBLES MEMOIRE

B.4.3.2.3Modifications axonales et dendritiques

De nombreuses études décrivent une plasticité axonale à la suite de crises épileptiques. Le bourgeonnement des fibres moussues est le plus largement étudié, mais on retrouve aussi ce phénomène au niveau des axones des neurones pyramidaux de CA1 et des neurones inhibiteurs GABAergiques. Le rôle du bourgeonnement dans l’épileptogenèse lui aussi est controversé. Il pourrait être impliqué dans la régénération pour compenser les voies hippocampiques disparues. On retrouve aussi une augmentation des « blessures axonales » quelques heures après le facteur précipitant et jusqu'à un an après. Ceci pourrait participer à la propagation des activités électriques.

Une altération dendritique est aussi retrouvée chez les patients atteints d’ELT : une perte, un changement morphologique des épines dendritiques, mais aussi des une réduction des branchements dendritiques qui affecterait la disponibilité de nombreux récepteurs

B.4.3.2.4 Gliose

Les cellules gliales comprennent les astrocytes, la microglie, les oligendendrocytes et les cellules NG2 ou polydendrocytes. Ces cellules sont nécessaires pour le maintien de l’homéostasie de l’eau et des ions, la régulation de la neurotransmission et des réponses inflammatoires.

En conditions physiologiques, les astrocytes assurent la recapture du glutamate et la régulation de l’environnement ionique notamment en tamponnant le potassium extracellulaire et en contrôlant les entrées d’eau par les aquaporines. Ces fonctions ne sont plus assurées dans les foyers épileptiques, du fait :

- d’altérations de la clearance du glutamate par les transporteurs astrocytaires dans les foyers humains,

- d’un relarguage astrocytaire du glutamate par exocytose calcium-dépendante,

- d’une dérégulation du pouvoir tampon des astrocytes pour le potassium, attribuée à une redistribution des canaux Kir4.1,

- d’une surexpression de l’aquaporine 4 (ACQP-4) qui provoque un gonflement des astrocytes (Wetherington, J., et al. - 2008). Ces modifications du fonctionnement astrocytaire provoquent une augmentation de l’excitabilité des neurones environnants, créant une condition épileptogène.

Les astrocytes sécrètent des facteurs trophiques tels que BDNF et FGF2 (Fibroblaste Growth Factor), dont les effets « réparateurs » sont bénéfiques pour les neurones ; cependant, ils peuvent

aussi participer à la « plasticité épileptogène » (bourgeonnement, synaptogenèse etc…) comme l’ont souligné Binder et al ; dans une revue intitulée « BDNF and epilepsy: too much of a good thing? » (Binder, D. K., et al. - 2001)

Les astrocytes libèrent aussi différents facteurs inflammatoires. Plusieurs études montrent que les crises induisent la transcription et l’expression de nombreuses cytokines (notamment TNF-

α (Tumor Necrosis Factor) et IL-1β (Interleukine-1 béta), qui ont des effets épileptogènes en modifiant l’activité des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) et AMPA (α-amino-3-hydroxy-5- méthylisoazol-4-propionate) (De Simoni, M. G., et al. - 2000, Vezzani, A., et al. - 2007).

La microglie est très sensible et répond très rapidement aux modifications de l’activité neuronale. La microgliose implique la prolifération, la migration et la sécrétion de nombreux facteurs délétères pour les neurones : les cytokines (TNF-α, IL-1β) (Ravizza, T., et al. - 2008) mais aussi les facteurs stimulants de colonies, qui accélèrent la prolifération gliale, des protéases, des radicaux libres et le monoxyde d’azote (NO). Cependant certains de ces facteurs sécrétés par la microglie, sont aussi réparateurs donc nécessaires pour la récupération fonctionnelle des neurones. De plus, la microglie, véritable macrophage du cerveau, exprime différents antigènes de surface et participe à réponse immunitaire innée (Turrin, N. P., et al. - 2004).

B.4.3.2.5 « Canalopathies acquises »

A la suite du facteur précipitant certains canaux ioniques dépendants soit du voltage soit d’un neurotransmetteur, sont modifiés. Ces changements apparaissent après quelques semaines et abaissent le seuil d’apparition des crises. Les « canalopathies acquises » peuvent affecter les dendrites, les régions perisomatiques et les axones. La possibilité d’avoir plusieurs canalopathies sur un même neurone n’est pas encore démontrée (Pitkanen, A., et al. - 2009) (Figure 15).

B.4.3.2.6 Angiogenèse et changement dans la matrice extracellulaire

Une activité critique prolongée active l’expression de facteurs angiogéniques qui induisent une augmentation de la densité vasculaire (Hunsberger, J. G., et al. - 2005, Newton, S. S., et al. - 2003). Après une crise, on observe d’importants remodelages vasculaires, impliquant des changements de la matrice extracellulaire (ECM). L’étude des profils moléculaires montre une régulation des enzymes impliquées dans la dégradation et le remodelage de l’ECM, particulièrement le système plasminogène et les métalloprotéases (Lukasiuk, K., et al. - 2003).

C. La pharmacorésistance

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