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Chapitre 2 : Fiabilité de jonctions magnétiques tunnel dédiées aux cellules TA-

1.4. Mémoires OxRRAM

1.4.1. Mécanismes de commutation

Un mécanisme pouvant expliquer le phénomène de commutation de résistance est basé sur la formation et la rupture de chemins de conduction appelés aussi filaments au sein d’une

matrice isolante (Figure B-1-5a). Ce modèle peut aussi bien expliquer un comportement bipolaire qu’unipolaire. De manière générale, la couche d’oxyde est initialement dans un état très résistif et une étape d’électroforming nécessitant l’application d’une tension élevée permet de faire commuter la structure dans un état de faible résistance. Cette commutation est associée à la formation, au sein de l’oxyde, de filaments conducteurs entre l’électrode supérieure et l’électrode inférieure. Lors de l’opération d’effacement (reset), i.e. passage de faible à forte résistance, les filaments se rompent. En revanche, lors de l’opération de programmation (set), i.e. passage de forte à faible résistance, les filaments se reforment permettant ainsi au courant de circuler.

Figure B-1-5 : Modèles proposés pour expliquer la commutation de résistance dans les structures mémoires OxRRAM. (a) Mécanisme basé sur la rupture/formation de chemins de conduction entre les électrodes supérieure et inférieure. (b) Hypothèse basée sur un phénomène de conduction aux interfaces lié à la migration de lacunes d’oxygène ou de porteurs de charges.

Jusqu’à présent aucune observation directe des filaments conducteurs dans l’oxyde n’a été faite. Des études récentes, utilisant la microscopie électronique en transmission à haute résolution ainsi que la spectroscopie de pertes d’énergie des électrons (EELS, Electron Energy Loss Spectroscopy), sur des cellules mémoires à base de NiO suggèrent que la formation des filaments s’effectue au niveau des joints de grains [Park, 2007] (Figure B-1-6a-d). Fujiwara et al. ont reporté la formation de filaments dans des films polycristallins de CuO pris en sandwich entres deux électrodes en Pt, durant l’étape de forming menant à la commutation vers l’état de faible résistance [Fujiwara, 2008 ; Fujiwara, 2009] (Figure B-1-6e). Ils ont également montré que la cellule revenait dans son état initial (état OFF) quand une partie des filaments est coupée par un faisceau d’ions focalisés (FIB, Focused Ion Beam). Cette observation semble démontrer que les filaments sont bien à l’origine de la conduction dans la structure.

Figure B-1-6 : (a) Caractéristiques courant-tension de structures Pt/NiOx/Pt. (b) Coupe transverse MET du film de NiO après les opérations de set (c) et de reset (d) montrant le changement de formes des grains en particulier au niveau de l’électrode supérieure en Pt [Park, 2007]. (e) Formation de filaments dans des films polycristallins de CuO pris en sandwich entres deux électrodes en Pt, durant l’étape de forming [Fujiwara, 2008].

Récemment, dans une étude menée dans le cadre du projet européen EMMA ("Emerging Materials for Mass-storage Architectures", FP6 IST, no. 33751), Russo et al. ont proposé un modèle numérique expliquant la transition ON → OFF et basé sur une dissolution des filaments conducteurs assistée thermiquement (Figure B-1-7) [Russo, 2007]. Ce modèle s’appuie sur une évidence expérimentale selon laquelle le chauffage par effet Joule contrôle l’opération d’effacement, i.e. dissolution des filaments [Fang, 2006]. La température est supposée non uniforme le long d’un filament qui devient, par voie de conséquence, plus fin et au niveau duquel la densité de courant augmente. Ceci correspond à un mécanisme auto-accéléré qui conduit à une chute abrupte de la résistance.

Figure B-1-7 : Modèle numérique expliquant la transition ON →→→ OFF et basé sur une dissolution des → filaments conducteurs assistée thermiquement [Russo, 2007].

Le second mécanisme proposé pour expliquer la commutation s’appuie sur la présence de lacunes d’oxygène ou de porteurs de charges à l’interface entre l’oxyde et les électrodes métalliques (Figure B-1-5b). En utilisant, des mesures locales de résistance sur des structures à base d’oxyde ayant une structure cristalline pérovskite, Baikalov et al. ont montré que la résistance de contact entre l’électrode métallique et l’oxyde changeait sous l’application d’un champ électrique [Baikalov, 2003]. Ce mécanisme de commutation est fréquemment relié à un comportement de commutation bipolaire observé dans les oxydes de type pérovskite. Un grand nombre de modèles a été proposé afin d’expliquer la commutation de résistance impliquant des effets d’interface : la migration électrochimique de lacunes d’oxygène [Chen, 2005], le piégeage de charges (électrons ou trous) [Sawa, 2005], la transition de Mott induite par des porteurs de charge injectés aux interfaces [Rosenberg, 2006].

Pour finir, une étude récente menée par Inoue et al. [Inoue, 2008] a permis de mettre en évidence dans des structures intégrant des oxydes tels que Fe2O3, NiO ou CoO, la coexistence de commutation bipolaire et unipolaire. Cette caractéristique est qualifiée de comportement "non polaire". Afin d’expliquer la commutation, Inoue et al. ont proposé un modèle basé sur un "robinet" ("faucet") de charges aux interfaces entre l’oxyde et les électrodes. Dans ce modèle, l’oxyde devient localement conducteur du fait de la présence de nombreux filaments formés après l’étape de "forming". Ainsi, le courant total circulant dans l’oxyde pourrait être contrôlé par le robinet situé à l’une au l’autre des interfaces fortement résistives. L’aire du robinet doit être bien plus faible que la surface totale de l’électrode et la résistance dans l’état ON, dans lequel le courant circule depuis un robinet ouvert, est pratiquement indépendant de la surface. Dans l’état OFF, le courant circule de manière homogène à travers l’interface fortement résistive.

Figure B-1-8 : Modèle de "robinets" de charges permettant au courant de s’écouler entre les électrodes supérieure et inférieure et expliquant le phénomène de commutation de résistance [Inoue, 2008].

La différence entre des mécanismes de type filamentaire ou interfacial peut être comprise en considérant l’influence de la surface de la structure MIM sur les caractéristiques de commutation. En effet, dans le cas où la résistance est inversement proportionnelle à la surface, la commutation met en jeu toute la surface. En revanche, si la résistance est indépendante de la surface, la commutation a alors lieu localement au niveau des robinets ouverts.