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Chapitre 2 : Fiabilité de jonctions magnétiques tunnel dédiées aux cellules TA-

1.2. Classification des technologies ReRAM

Au-delà de la classification basée sur la polarité de la commutation (bipolaire ou unipolaire), les mémoires peuvent également être répertoriées selon leurs mécanismes de commutation. En effet, les mécanismes envisageables pour expliquer la commutation de structures de type MIM Métal/Isolant/Métal reposent sur des effets physiques et/ou chimiques différents. Les mécanismes peuvent ainsi être classés selon la contribution dominante basée sur un effet thermique, électronique ou ionique. Cependant, des précautions doivent être prises à l’égard des articles bibliographiques car les mécanismes de commutation n’ont pas encore totalement été élucidés.

1.2.1. Mémoires de type "Fusible/Anti-fusible"

Une commutation basée sur des effets thermiques est unipolaire. Celle-ci est initiée par l’application d’une tension induisant des claquages diélectriques partiels. En raison de la limitation du courant par la compliance, seul un nombre limité de filaments est formé. Ces filaments peuvent être constitués soit d’éléments métalliques provenant de l’électrode et ayant diffusé au sein de l’isolant, soit de carbone provenant de résidus organiques [Pagnia, 1988]…. Lors du passage de l’état de faible résistance à l’état de forte résistance (reset), les filaments sont rompus thermiquement en raison de la forte densité de courant ou de densité de puissance générée localement (de l’ordre de 1012 W.cm-3). A l’échelle nanométrique, ce comportement peut être qualifié de "Fusible/Anti-fusible". Ce type de phénomène a tout d’abord été observé dans l’oxyde de nickel à la fin des années 1960 [Bruyere, 1970] et plus récemment, la nature filamentaire des chemins de conduction, présents dans l’état de faible résistance, a été confirmée dans des structures intégrant NiO [Kim, 2006a] ou TiO2 [Choi, 2005]. Un paramètre critique dans la commutation unipolaire semble être la valeur de la compliance. En effet, il a été démontré, dans des empilements à base de TiO2 présentant une commutation bipolaire, qu’une augmentation de la compliance en courant entraîne l’apparition de commutations unipolaires [Jeong, 2007].

1.2.2. Mémoires à effet électronique

Les effets électroniques incluent deux mécanismes différents : l’injection ou le piégeage de charges ou les transitions de Mott. Une première explication du phénomène de commutation de résistance est basée sur le modèle d’injection de charges par effet tunnel Fowler-Nordheim lors de l’application de champs électriques élevés. Les charges sont alors piégées sur des défauts ou des clusters métalliques dans l’isolant [Simmons, 1967]. Ainsi les propriétés de la barrière électrostatique des structures MIM ainsi que leurs résistances sont modifiées. Par exemple, des nanoagrégats d’or incorporés dans des films polymères ou des isolants inorganiques peuvent jouer le rôle de sites de piégeage. Il a également été montré que le piégeage de charges aux interfaces pouvait affecter la hauteur de barrière Schottky [Sawa, 2006 ; Fujii, 2005].

Dans la transition de Mott, l’injection de charges induit une transition entre des électrons fortement corrélés et faiblement corrélés, entraînant une transition isolant-métal. Le mécanisme de la transition de Mott a été proposé dans les oxydes de type pérovskite tels que (Pr,Ca)MnO3 (PCMO), SrZrO3 dopé au Cr et les hétérostructures Ag/CeO2/LCMO (La0,7Ca0,3MnO3). Récemment, dans un empilement Pt/TiO2/TiN/Pt, la commutation de résistance a été expliquée par une transition de Mott [Fujimoto, 2006 ; Rozenberg, 2004]. Dans ce type d’empilement le comportement des électrons corrélés est sensible à certains paramètres tels que la densité de charges, les contraintes et la composition chimique locale. Ainsi, un contrôle précis de la composition chimique, de la structure des matériaux et de la qualité des interfaces est crucial.

Plus récemment, une transition métal-isolant non volatile induite par des pulses électriques a été observée sur des monocristaux d’alliages chalcogénures de structure spinelle lacunaire de formule générale AM4X8 (A = Ga, Ge ; M = V, Ta, Nb ; X = S, Se). Le mécanisme de cette transition isolant-métal ne semble pas correspondre à ceux répertoriés jusqu’ici dans la littérature. Vaju et al. ont proposé l’existence d’un couplage électrostrictif qui génère une compression locale dans le matériau pendant le pulse électrique et qui entraîne une transition de Mott locale [Vaju, 2008a ; Vaju, 2008b]. Inoue et Rozenberg ont d’ailleurs souligné récemment l’originalité de cette étude : "Therefore, the recent report by Vaju et al. on the electricpulse control of a Mott transition in GaTa4S8 is nothing less than a revolutionary breakthrough" [Inoue, 2008].

1.2.3. Mémoires "nano-ioniques"

Un mécanisme basé sur le transport d’ions et des réactions d’oxydo-réduction (ou rédox) peut être envisagé afin d’expliquer la commutation bipolaire [Szot, 2006] observée dans certains

systèmes. La transition d’un état résistif à l’autre peut être assurée par la migration de cations ou d’anions au sein d’un électrolyte.

La migration cationique repose sur l’oxydation d’une électrode métallique (telle que l’argent) donnant lieu à une diffusion de cations tels que Ag+ dans un électrolyte séparant les deux électrodes [Guo, 2007]. Il se forme progressivement des dendrites métalliques mettant en contact les deux électrodes et donnant lieu à un état de faible résistance de la structure mémoire. Quand la polarité de la tension appliquée est inversée, une dissolution électrochimique des chemins de conduction a lieu et la structure revient dans un état de forte résistance. En substitution à l’argent, d’autres métaux à fort coefficient de diffusion, tel que le cuivre, peuvent être utilisés. Il est important de noter que ce type de commutation de résistance a été observé dans des structures intégrant différents électrolytes solides tels que des alliages chalcogénures GeSe [Kozicki, 1999] ou (Zn, Cd)S [Zeng-Wang, 2007], ou des oxydes comme WO3 [Kozicki, 2006] ou SiO2

[Schindler, 2007].

Dans les oxydes des métaux de transition, la grande mobilité des anions O2– peut expliquer la commutation bipolaire. Durant l’étape d’électroforming, si la cathode bloque la réaction d’échange des ions, une région déficiente en oxygène s’étend alors vers l’anode. Les cations rétablissent leur déficit de charge en piégeant les électrons émis par la cathode. Quand la réaction d’électroforming a eu lieu, des commutations bipolaires sont alors observées grâce à des réactions redox entre la cathode et l’anode. Ce type de commutation a été observé dans bon nombre d’oxydes en couches minces tels que Ta2O5, Nb2O5 [Pinto, 1968], VO2 [Beaulieu, 1973], TiO2 [Choi, 2005] ou SrTiO3 [Szot, 2007].

1.2.4. Mémoires macromoléculaires

Les mémoires macromoléculaires, aussi appelées mémoires polymères ou organiques, sont basées sur l’intégration d’éléments métalliques au sein d’un film mince organique. Ces éléments métalliques peuvent être un film mince métallique, des nanoparticules métalliques, ou des ions métalliques dans un matériau organométallique tel que le CuTCNQ ou AgTCNQ (TCNQ = tetra-cyano-quinodiméthane) (Figure B-1-3) [Müller, 2007 ; Thomas, 2008 ; Seok Jae Lee, 2008]. Ces structures présentent une commutation bipolaire entre deux états de résistance distincts, dont le passage est contrôlé par les tensions appliquées (cf. Figure B-1-2b).

Figure B-1-3 : Représentation schématique des bandes d’énergie des structures élaborées par Seok Jae Lee et al. [Seok Jae Lee, 2008].

Les résultats expérimentaux suggèrent que les éléments métalliques intégrés dans ces structures jouent un rôle crucial dans la commutation de résistance. Les mécanismes permettant d’expliquer ces phénomènes ne sont pas encore clairement établis ; ils ne semblent pas être associés à la formation de filaments comme dans le cas des structures présentant un comportement de type "Fusible/Anti-fusible". Certains groupes attribuent la commutation de résistance à un piégeage de charges dans les nanocristaux métalliques faisant ainsi basculer ce type de mémoire dans la catégorie des mémoires basées sur des effets électroniques [ITRS 2007, "ERS"]. Dans le cas précis du complexe organométallique CuTCNQ, le mécanisme de commutation repose sur la migration d’ions Cu+ (provenant de la réaction de transfert de charge entre CuTCNQ et la forme neutre TCNQ) au sein d’une couche d’oxyde formée spontanément à l’interface avec une électrode métallique oxydable telle que l’aluminium [Billen, 2007 ; Kever, 2007 ; Turquat, 2007]. On revient alors sur un mécanisme proche de celui invoqué pour les mémoires nano-ioniques.

1.2.5. Bilan succinct des mécanismes de commutation

La classification des mémoires ReRAM utilisée précédemment permet de proposer différentes catégories (Tableau B-1-1) :

Mémoires présentant un comportement de type fusible/antifusible pour les mémoires intégrant un oxyde tel que NiO, TiO2, PCMO… ;

Mémoires nano-ioniques intégrant un alliage chalcogénure tel que AgGeSe ou AgGeS dans les PMC ou les CBRAM (cf. Etat de l’art des technologies mémoires émergentes) ;

Mémoires macromoléculaires intégrant, par exemple, un complexe organométallique tel que CuTCNQ.

De manière synthétique, les différentes technologies mémoires intégrant de nouveaux matériaux ont été regroupées par familles dans le Tableau B-1-1. Dans chaque cas, le ou les mécanismes de commutation proposés sont rappelés.

Catégorie Matériaux Mécanismes de commutation

Oxyde des métaux de transition TiO2, Al2O3, NiO, Nb2O5, Ta2O5, ZrOX, CuXO, Fe2O3

Formation et rupture de chemins de conduction (filaments)

Conduction limitée par des charges d’espace PCMO dopé

avec des métaux

Pr1-xCaxMnO3

Ordre ou désordre des états d’oxydation en fonction de la température et du champ magnétique

PMC AgGeSe Réactions redox et transport ionique

Pérovskite dopé avec des

métaux

SrTiO3, SrZrO3 dopé Cr ou Nb

Formation et rupture de chemins de conduction (filaments) ou piégeage/dé-piégeage de charges aux interfaces

Polymère conducteur

Rose de Bengale, Alq3Ag, CuTCNQ

Théorie des filaments et conduction limitée par des charges d’espace

Tableau B-1-1 : Classification des technologies ReRAM associées aux mécanismes proposés pour expliquer le phénomène de commutation de résistance.