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D.2 Les mécanismes de déformation n’impliquant pas de transferts de matière

Généralités sur les transferts de matière, les circulations de fluide et les mécanismes de

I. D.2 Les mécanismes de déformation n’impliquant pas de transferts de matière

Le mécanisme de déformation des roches est étroitement lié aux conditions P-T (figure I.3). On distingue de manière générale les mécanismes de déformation qui n’impliquent pas de transferts de matière (déformation cataclastique et plastique) de ceux accommodés par des transferts de matière. La description des différents mécanismes de déformation qui suit est essentiellement basée sur les ouvrages spécifiques de Poirier (1985) et de Twiss & Moore (1992) ainsi que sur les synthèses de Gratier (1984) et de Marquer (1987).

Figure I.3 :Carte représentant les différents modes de déformation du quartz en fonction de la température et de la contrainte effective (d’après Twiss & Moores, 1992). Pressure solution : dissolution-cristallisation sous contrainte ; Nabarro-Herring creep : fluage de Nabarro-Herring ; dislocation creep : glissement de dislocations ; dislocation glide : montée de dislocations.

Figure I.4 :Effet de la pression fluide sur la rupture des roches : représentation de Mohr. La présence de fluide se traduit par une pression fluide (PA et PB) qui diminue la contrainte effective. Ce phénomène se traduit par le déplacement des demi-cercles de Mohr vers la gauche : les demi-cercles se rapprochent de la courbe représentant la rupture du matériau (en pointillé). Si la pression fluide est suffisante (si le demi-cercle de Mohr recoupe la courbe en pointillé), il y a alors rupture (A’ et B’). (d’après Gratier, 1984)

I.D.2.a La déformation cataclastique

I.D.2.a.i Les processus en jeu

La déformation cataclastique est caractéristique de conditions cassantes (i.e., basses températures et pressions élevées) et est par conséquent fréquente dans la partie superficielle de la croûte. La fracturation est responsable à grande échelle du développement de failles, de fractures, joints ou veines, et se traduit à l’échelle du grain par la fragmentation voire le broyage des minéraux. Cette déformation peut être prépondérante dans la formation de certaines zones de cisaillement (cataclasite) où elle se traduit par le développement d’une matrice fine entourant des fragments de gros cristaux. Cette matrice permet la rotation des grains (fluage granulaire) et engendre donc la plupart du temps une augmentation de volume (Gratier, 1984). La déformation cataclastique est un mécanisme de déformation très rapide.

I.D.2.a.ii Le rôle des fluides sur les frottements

La présence de fluides dans des zones de cataclase favorise la lubrification entre les grains, et donc le fluage granulaire. Cet effet dépend directement des propriétés physico-chimiques du fluide (viscosité, épaisseur du film fluide entre grains) et de la taille des grains.

La pression fluide joue ici un rôle essentiel car elle contrôle l’intensité des frottements : plus la pression fluide est élevée, moins il y a de frottements. En effet, si la pression fluide est élevée (proche de la pression lithostatique, cas des roches saturées), la contrainte effective est faible voire nulle. Les frottements, qui résultent des contraintes cisaillantes entre les constituants, sont donc quasiment nuls de sorte que les déplacements (glissement, rotation) de ces particules sont favorisés.

I.D.2.a.iii Le rôle de la pression fluide sur la rupture

La présence de fluide dans les roches peut néanmoins être une cause de rupture (fracturation hydraulique). En effet, lorsque la pression fluide devient équivalente ou supérieure à la plus petite des contraintes principales (σ3), le matériau atteint son seuil de rupture et casse. Cet effet est clairement identifié sur un diagramme de Mohr (figure I.4).

Si les valeurs des contraintes maximales et minimales sont faibles (angle de frottement élevé, cas B sur la figure I.4) la rupture est fragile et se traduit par la fracturation de la roche. Si par contre les contraintes maximales et minimales sont grandes (angle de frottement faible, cas A sur la figure I.4), la rupture est ductile et se traduit par la formation de bandes de

Figure I.5 : Initiation et propagation du glissement de dislocation (A à F). Les plans cristallographiques sont

numérotés de 1 à 8, et les lettres A et B se réfèrent respectivement aux parties situées au-dessus et au-dessous du plan de glissement. (d’après Twiss & Moores, 1992)

Figure I.6 :Montée de dislocations. La dislocation se déplace vers le bas lorsqu’un atome d’un plan voisin saute sur le demi-plan cristallin en laissant un vide derrière lui qui pourra se déplacer par diffusion (de A à B). La dislocation se déplace vers le haut lorsqu’un atome du demi-plan saute dans un plan voisin (de B à A). (d’après Twiss & Moores, 1992)

cisaillement. Enfin, si les contraintes sont suffisamment grandes (angle de frottement nul), les fluides ne jouent aucun rôle : la rupture n’a jamais lieu et le matériau se déforme de manière plastique.

I.D.2.b La déformation plastique

On appellera déformation plastique toute déformation isovolumique (sans transferts de matière), dont le changement de forme des cristaux résulte du fluage de dislocations intracristallines. La déformation plastique se traduit entre autres par l’orientation préférentielle des minéraux et des différents plans du réseau intracristallin perpendi-culairement aux directions de contraintes maximales. C’est une déformation assez rapide qui ne nécessite pas l’intervention de fluides..

I.D.2.b.i Les mécanismes de déformation plastique

Le glissement des dislocations (figure I.5) est un processus principalement actif à basses températures et/ou à hautes pressions (figure I.3) dans des conditions cisaillantes. Ce processus est plus ou moins efficace selon la nature des minéraux (forces interatomiques variables). Dans les silicates, il n’apparaît que sous de fortes contraintes. L’apparition d’un réseau de dislocations et d’impuretés gênent le glissement des dislocations. Ainsi, sous de fortes contraintes, le glissement de dislocations aboutit à terme à l’écrouissage des roches (« strain hardening » en anglais).

On appelle montée de dislocations le mécanisme qui permet le réarrangement (ou la restauration) des dislocations intracristallines. Ce processus est lié au déplacement d’un atome entre un plan cristallin et un demi-plan cristallin (figure I.6). Bien que bien moins courant que le glissement de dislocations, ce processus est important, car étant plus lent que le glissement de dislocations (il est plus efficace à température plus élevée), il limite le taux de déformation. La recristallisation dynamique (recristallisation syntectonique) est le processus par lequel de nouveaux grains se forment à partir des grains primaires mis sous contrainte sans que la composition chimique ne change. Cette recristallisation résulte de la migration des

joints de grains, ou de la rotation de sous-grains (processus proche de la montée de dislocations).

Il existe d’autres mécanismes de déformation plastique liés au déplacement de dislocations tels que le fluage Harper-Dorn et la recristallisation statique, qui sont efficaces à température plus élevée que les processus décrits ci-dessus.

Les différents processus de déformation plastique suivent généralement une loi

puissance de la forme ε&=Aσn, où A est activé par la température selon une loi d’Arrhénius, et n varie de 1 à 5 (n = 1 pour de faibles contraintes alors que n = 5 pour des contraintes plus élevées pour le fluage de Harper-Dorn ; Poirier, 1985). Ils peuvent également être représentés par une loi exponentielle (Twiss & Moores, 1992).

I.D.2.b.ii Effet des fluides sur la déformation ductile

Les fluides peuvent jouer le rôle de catalyseurs de certains mécanismes de déformation ductile qui ne requièrent pas nécessairement la présence d’une phase fluide. Par exemple, la présence de fluide favorise la recristallisation de certains minéraux, tels le quartz, permettant ainsi de localiser la déformation. De plus, les réactions métamorphiques en présence d’eau aboutissent généralement à la cristallisation de minéraux hydratés qui sont plus ductiles que les minéraux primaires et qui favoriseront la déformation ductile (e.g., Ferry & Dipple, 1992 ; Wibberley, 1999).

I.D.2.b.iii Etude expérimentale de la déformation plastique

De nombreuses études expérimentales ont été menées afin de déterminer le champ P-T où les mécanismes de déformation plastique sont efficaces et de définir des lois de déformation pour les différentes espèces minérales. Citons par exemple les travaux de Tullis

et al. (1996), Dimanov et al. (1999) et de Rybacki & Dresen (2000) qui étudient l’effet des fluides sur la transition entre la déformation par diffusion de joints de grains (+ dissolution-cristallisation sous contrainte) et la déformation par glissement de dislocations dans les feldspaths aux conditions de la croûte inférieure.