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C.1 Comportement des éléments majeurs dans les structures alpines à l’échelle du massif

Etude des transferts de matière et de fluide dans la croûte continentale : exemple du

II. C.1 Comportement des éléments majeurs dans les structures alpines à l’échelle du massif

Pour avoir une idée du comportement général des éléments chimiques dans les structures alpines, le plus simple est de représenter les teneurs en oxydes des différents échantillons dans des diagrammes de Harker (oxydes vs. SiO2, figure II.32). Sur la figure II.32, sont représentés tous les échantillons analysés (épisyénites, zones de cisaillement et échantillons témoignant du métasomatisme magnésien). Le granite sain contient entre 70 et 77 pds% SiO2, avec une moyenne de 72.45 pds% SiO2 (moyenne de Bussy, 1990, représenté par une croix sur la figure II.32). De nombreux échantillons provenant des diverses structures d’altération et de déformation alpine sont regroupés autour des valeurs du granite sain. Cependant, de manière générale, les échantillons des différentes structures alpines témoignent d’une grande variabilité de composition (variabilité supérieure à celle du granite sain) : la teneur en SiO2 étant comprise entre 37 et 85 pds% SiO2.

La silice compose la majeure partie des roches granitiques, si bien qu’une variation des teneurs en silice (en poids d’oxydes) engendre une variation des teneurs des autres oxydes. Sur la figure II.32, la droite en traits pointillés représente l’enrichissement (appauvrissement) apparent des oxydes lié à un appauvrissement (enrichissement) de SiO2

calculé à partir de la composition moyenne des granites non déformés et non altérés analysés par Bussy (1990). La droite en trait plein représente un modèle identique en prenant comme roche référence l’échantillon MB02-55D (granite sain d’Helbronner) qui vient de la bordure est du massif et qui est donc légèrement enrichi en SiO2 par rapport à la moyenne de Bussy. Les échantillons alignés le long de ces droites de fractionnement témoignent donc soit d’apport ou de départ de silice, soit de variations internes de compositions du protolithe granitique. Les échantillons dont les points divergent par rapport aux droites de

Figure II.32 : Diagrammes de Harker de tous les échantillons analysés (zones de cisaillement, échantillons

métasomatisés, épisyénites).

Figure II.32 (suite) : Diagrammes de Harker de tous les échantillons analysés (zones de cisaillement,

échantillons métasomatisés, épisyénites).

fractionnement témoignent quant eux obligatoirement de l’influence de la déformation et d’interactions fluide-roche.

II.C.1.a Composition chimique des zones de cisaillement

Pour plus de lisibilité, la figure II.33 représente uniquement les diagrammes de Harker des zones de cisaillement. Les zones de cisaillement présentent une variabilité de composition chimique importante et supérieure à celle des granites non déformés : les teneurs en SiO2

varient de 50 à 85 pds% SiO2 et celles des autres oxydes sont très variables comme le montre la dispersion des points sur les figures II.32 et II.33. Cette variabilité dépend probablement de la minéralogie des zones de cisaillement.

Seules deux zones de cisaillement à épidote ont été analysées, ce qui ne permet pas d’avoir une bonne représentativité statistique de leur composition chimique. Les teneurs en silice de ces deux échantillons bien que comprises dans l’intervalle des échantillons du granite sain (74 et 76 pds% SiO2) sont cependant légèrement enrichies en silice par rapport à la moyenne des granites sains. Les teneurs en Al2O3, MgO, ± TiO2, ± P2O5 s’alignent avec les droites modèles suggèrant que ces oxydes sont relativement immobiles. Les deux zones de cisaillement à épidote sont enrichies en Na2O et appauvries en K2O et MnO. Malgré ces similitudes, les comportements en CaO et Fe2O3 des deux échantillons analysés diffèrent : l’un est enrichi et l’autre est appauvri en ces éléments.

Les zones de cisaillement à mica blanc-chlorite sont prédominantes dans le massif, de sorte que la plupart des échantillons analysés (environ une trentaine) sont caractérisés par un assemblage à mica blanc-chlorite. Les données chimiques de ces zones de cisaillement sont très dispersées une fois reportées dans les diagrammes de Harker (figure II.33), ce qui traduit une grande variabilité compositionnelle. Cependant, il ne semble pas y avoir de lien entre la dispersion des données et la position géographique des zones de cisaillement. Bien que la composition en SiO2 d’un grand nombre de zones de cisaillement à chlorite-mica blanc soit comprise dans l’intervalle des compositions du granite sain, certaines sont fortement appauvries en silice (jusqu’à 50 pds% SiO2) et d’autres sont au contraire enrichies en silice (jusqu’à 85 pds% SiO2). A quelques exceptions près, les teneurs de ces zones de cisaillement en Al2O3 s’alignent le long des tendances liées aux variations en SiO2, ce qui suggère que l’aluminium peut être considéré comme immobile. Seul MgO est enrichi dans toutes

Figure II.33 : Diagrammes de Harker des zones de cisaillement.

Figure II.33 (suite) : Diagrammes de Harker des zones de cisaillement. MB : micas blancs ; Chl : chlorite.

les zones de cisaillement. Bien que les autres oxydes aient un comportement variable, plus de la moitié des zones de cisaillement étudiées sont appauvries en CaO, K2O.

Les zones de cisaillement à chlorite-mica blanc sont aussi bien enrichies qu’appauvries en silice. Malgré cette variabilité importante, elles sont généralement toutes caractérisées par un enrichissement en MgO et un possible appauvrissement en alcalins.

II.C.1.b Composition chimique des roches métasomatisés

Les compositions chimiques des échantillons provenant de la zone métasomatique située au centre du massif du Mont Blanc sont très différentes de celles du protolithe granitique et des autres zones de cisaillement : les roches métasomatisées sont toutes

significativement appauvries en silice (37-72 pds% SiO2, figure II.34) et montrent des tendances très marquées. Tous les oxydes de ces échantillons divergent le plus souvent fortement des droites liées aux variations de la teneur en silice, ce qui implique que tous les éléments ont une mobilité importante (mobilité qui est plus marquée que dans les zones de cisaillement). De manière générale, MgO et Fe2O3 sont fortement enrichis, MnO est

sensiblement enrichi et Al2O3, CaO, Na2O et K2O sont appauvris. TiO2 et P2O5 montrent quand à eux un comportement variable. La figure II.35 montre qu’à l’exception de l’échantillon PK4660, il existe une excellente corrélation entre les teneurs en MgO et en Fe2O3. Ces deux éléments présentent donc les mêmes mobilités et précipitent dans les mêmes minéraux.

Les variations très importantes observées dans ces échantillons ne sont pas uniquement expliqués par les variations de teneur en silice, mais impliquent un lessivage et des apports de matière significatifs par le biais d’une circulation de fluides.

Les compositions chimiques de ces échantillons confirment donc l’existence d’un

métasomatisme ferromagnésien, et par conséquent d’un système ouvert à l’échelle régionale.

II.C.1.c Composition chimique des épisyénites

Les éléments chimiques associés à la dissolution des minéraux magmatiques au cours de l’épisyénitisation sont remobilisés et participent à la précipitation des phases secondaires observées dans la porosité et la veine située au cœur des épisyénites. L’analyse des données

Figure II.34 : Diagrammes de Harker des échantillons de la zone métasomatique.

Figure II.34 (suite) : Diagrammes de Harker des échantillons de la zone métasomatique.

Figure II.35 : Diagramme MgO vs Fe2O3 des échantillons métasomatisés. Noter la relation linéaire entre ces deux éléments (hormis l’échantillon PK4660).

géochimiques ne renseigne que sur les transferts de matière globaux sans pouvoir distinguer les transferts liés à la dissolution de ceux liés à la précipitation. Il faut donc être prudent lors de l’interprétation des variations de compositions chimiques et toujours effectuer des contrôles avec les données minéralogiques.

Les compositions chimiques des épisyenites étudiées au cours de cette thèse ainsi que celles étudiées par Poty (1969) sont reportées dans des diagrammes de Harker sur la figure II.36. Neuf profils ont été réalisés à travers les épisyénites depuis le granite sain vers la veine (maximum d’altération). La variabilité de composition des épisyénites est beaucoup moins importante que celle observée dans les zones de cisaillement et les échantillons métasomatiques, suggérant que les éléments sont beaucoup moins mobiles dans les épisyénites que dans les autres structures alpines.

Notons que quelle que soit la composition chimique du granite de départ, les épisyénites sont toutes caractérisées par l’absence d’enrichissement systématique en certains éléments, et par l’ immobilité ou la perte de la plupart des éléments chimiques.

En effet, à l’exception de certaines données de Poty (1969), Al2O3 ± Na2O ± K2O ± MnO s’alignent le long des droites liées aux variations de la teneur en silice et sont donc considérés comme immobiles dans la plupart des épisyénites. Celles-ci sont systématiquement appauvries en Fe2O3 alors que les autres éléments (MgO, CaO, TiO2 et P2O5) ont des comportements variables. Les différences observées entre les épisyénites sont liées à des quantités variables de minéraux secondaires ayant précipité dans la porosité.

Les différences observées entre les données de cette étude et celles de Poty (1969) résultent probablement du fait que Poty a étudié des épisyénites de plusieurs types, alors que toutes nos données sont issues d’un même type d’épisyénites (association 2 de Poty, 1969).

Pour illustrer les pertes et gains le long d’un profil depuis le granite sain vers le cœur de l’épisyénite et la veine, prenons exemple sur l’échantillon MB02-55 qui a été prélevé au col du Géant sur la bordure est du massif. Parmi tous les échantillons analysés, ce profil est caractérisé par une diminution maximale de la teneur en silice depuis le granite sain (MB02-55D) vers le cœur de l’épisyénite (MB02-55Aa), et par des variations très marquées des teneurs en autres éléments sur les diagrammes de Harker (triangles violets, figure II.36).

Figure II.36 : Diagrammes de Harker des épisyénites. Chaque couleur correspond à un profil réalisé à travers

une épisyénite depuis le granite sain vers le cœur de l’épisyénite. Pour chaque profil, l’échantillon le moins altéré (granite sain) contient le plus de silice, et l’échantillon le plus altéré en contient le moins.

Figure II.36 (suite) : Diagrammes de Harker des épisyénites. Chaque couleur correspond à un profil réalisé à

travers une épisyénite depuis le granite sain vers le cœur de l’épisyénite. Pour chaque profil, l’échantillon le moins altéré (granite sain) contient le plus de silice, et l’échantillon le plus altéré en contient le moins.

Tableau II.7 : Mobilité des éléments majeurs dans les structures alpines

du massif du Mont Blanc

Zone de cisaillement Zone métasomatique Episyénites

MgO

MgO, Fe2O3m Fe2O3m, K2O

Gains apparents

Na2O, CaO K2O, Na2O

K2O CaO, SiO2 CaO, MgO

Na2O

Pertes apparentes

SiO2, Fe2O3m

Al2O3 + TiO2 + K2O ± CaO ± P2O5 suivent parfaitement la tendance issue de la perte de silice depuis le protolithe granitique (granite le plus éloigné du cœur de l’épisyénite, ici MB02-55D) et sont donc considérés comme immobiles. Fe2O3 et MgO s’appauvrissent de plus en plus avec l’augmentation de l’altération. Cependant, on observe souvent un arrêt des appauvrissements voire même un léger ré-enrichissement au cœur de l’épisyénite. Cette augmentation de la teneur en éléments ferromagnésiens est liée à la précipitation de chlorite vermiculaire dans la porosité à proximité de la veine. Na2O qui semble très peu mobile est légèrement enrichi dans l’échantillon le plus altéré. Cet enrichissement soudain est associé à la précipitation d’albite dans la porosité (figure II.30).

Les épisyénites sont caractérisées par l’absence d’enrichissement, par l’immobilité

de Al2O3 ± Na2O ± K2O ± MnO et par la perte systématique de SiO2 + Fe2O3 ± MgO.

II.C.1.d Synthèse sur la mobilité des éléments chimiques dans les structures alpines

Le tableau II.7 représente les comportements des oxydes dans les différentes roches déformées et altérées du massif du Mont Blanc. Il est important de constater que les zones de cisaillement, la zone métasomatique et les épisyénites ont chacune des caractéristiques qui leurs sont propres en terme de mobilité des éléments.

- les zones de cisaillement sont caractérisées par un enrichissement en MgO et un appauvrissement en alcalins

- les échantillons métasomatisés sont marqués par un très fort enrichissement

en ferromagnésiens et un appauvrissement en alcalins et en aluminium

- les épisyénites montrent des mobilités opposées avec un lessivage massif de

silice et d’éléments ferromagnésiens. Ces pertes peuvent néanmoins être

atténuées par la précipitation dans la porosité de nouvelles phases qui remobilisent ces éléments mis en solution.

L’étude des diagrammes de Harker permet d’avoir une idée globale des pertes et gains en éléments dans les structures déformées et altérées. Cependant l’interprétation peut être légèrement faussée car on s’intéresse au comportement global des différents échantillons analysés sans les comparer à leur protolithe. Pour aller plus loin dans l’analyse des transferts, et surtout afin de quantifier les transferts de matière dans ces roches, il faut comparer la

composition chimique de chaque roche à son protolithe pour pouvoir effectuer des bilans de matière (variations absolues et relatives de chaque constituant par rapport à son protolithe).

II.C.2 Bilans de masse des structures alpines associées à la déformation et à l’altération