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3) Mécanismes d’adsorption des molécules organiques sur les minéraux argileux

Chapitre I : État de l’art

I- 3) Mécanismes d’adsorption des molécules organiques sur les minéraux argileux

Les processus responsables de la fixation de molécules organiques sur les argiles dépendent à la fois des caractéristiques de l’adsorbant et de l’adsorbat. Les paramètres les plus importants à prendre en compte pour l’argile vont être la charge électrique, sa localisation au niveau des couches tétraédriques ou octaédriques, la surface spécifique et le type de cation

compensateur présent (K+, Na+, Ca2+ ou Mg2+).

En effet, selon la nature et la valence du cation considéré, certaines argiles ont la capacité d’incorporer des molécules d’eau dans leur structure provoquant un gonflement de l’espace basal entre les feuillets ainsi qu’une modification des interactions mises en jeu.

56 En présence d’eau, l’énergie d’hydratation des cations permet à l’eau de rompre la cohésion des empilements de feuillets créée par les forces d’attraction dites de Van der Waals et les forces électrostatiques qui agissent entre les feuillets et les cations. Nous pouvons noter

que les ions Na+ possèdent un potentiel d’hydratation supérieur aux ions Ca+2 conduisant les

argiles et notamment les smectites majoritairement sodiques à d’importants gonflements. Cette caractéristique est importante puisqu’elle permet une accessibilité plus grande à l’espace interfoliaire.

Par ailleurs, selon le pH du milieu dans lequel se trouve l’argile, une charge de surface se créée et varie en conséquence. À faible pH, une charge positive se développe et l’argile se caractérise par une capacité d’échange anionique. Inversement, à fort pH, une charge plutôt négative se développe et l’argile se caractérise par une capacité d’échange cationique (CEC), état prépondérant dans les milieux et les eaux naturels.

La CEC exprimée en cmol.kg-1 ou milliéquivalent pour 100g, mesure la capacité d’une

argile à échanger des cations. Elle correspond au nombre de charges négatives susceptibles de pouvoir fixer des cations. Ces interactions permettent plusieurs possibilités de liaisons. Ainsi, les échanges ioniques ou interactions électrostatiques constituent le principal processus interactionnel dans le cas des argiles avec une énergie mise en jeu de 250 kJ/mol. Les cations

Na+ par exemple ont la capacité à être plus facilement échangeables permettant d’adsorber plus

efficacement par échange cationique certaines espèces positives. Les éléments traces, les cations métalliques et d’autres composés organiques comme les micropolluants et les surfactants sont concernés par ce processus interactionnel selon le schéma suivant :

𝐴++ 𝑀+− 𝐴𝑟𝑔𝑖𝑙𝑒 = 𝐴+− 𝐴𝑟𝑔𝑖𝑙𝑒 + 𝑀+

où A+ est une espèce chargée et M+ initialement le cation compensateur du minéral argileux.

Ces interactions sont à la base des mécanismes d’adsorption sur l’argile. La CEC qui en résulte se trouve être dépendante de la nature de cation compensateur et de la charge du feuillet, les valeurs varient logiquement selon le type d’argile considérée (Tableau I-4). Aussi, par des états de gonflements et d’hydratation différents ces deux facteurs gouvernent la surface spécifique totale du matériau qui correspond à la somme des surfaces de toutes les faces de chacun des feuillets élémentaires. Elle comprend à la fois, la surface externe comprise entre les particules argileuses et la surface interne dans l’espace interfoliaire.

57 La valeur de ce paramètre exprimée en m²/g, varie également selon le type d’argile. Plus cette valeur est élevée plus l’argile en question présente des sites propices à l’adsorption.

Tableau I-4 Capacités d’échange cationiques (CEC) et surface spécifique totale pour diverses argiles

Argiles CEC

(milliéquivalent/100g-1)

Surface spécifique totale (m²/g) Kaolinite 5-15 10-30 Illite 10-40 100-175 Smectite 80-150 700-800 Vermiculite 100-150 760 Chlorite 10-40 100-175

D’autres types d’interactions caractérisent les argiles, notamment la présence de groupements aluminols (Al-OH) ou silanols (Si-OH) en bordure des feuillets qui peuvent créer des liaisons hydrogènes avec certains composés organiques. Toutefois, ces groupements sont dépendants du pH dans lequel se trouve l’argile. En milieu acide, une protonation des aluminols et des silanols caractérise une meilleure affinité interactionnelle pour les espèces anioniques en solution. Inversement, en milieu basique, une déprotonation des sites de bordure améliore l’affinité pour les espèces cationiques. Le point de charge-zéro (PZC) caractérise le pH pour lequel ces sites ne sont pas chargés. Les montmorillonites se caractérisent par une charge de

surface négative sur une large gamme de pH (Akhtar et al., 2015). Le pHpzc de la

montmorillonite est de 3.4 ± 0.2 (Ijagbemi et al., 2009).

La présence de cations inorganiques dans les argiles peut conduire à la formation de forces coulombiennes de type ion-dipôles avec les molécules organiques dont l’énergie développée est toutefois plus faible que précédemment et varie entre 10 à 100 kJ/mol. Deux facteurs entrent en compte quant à la formation de telles interactions, la nature du cation présent

et la polarisabilité de la molécule. Les ions Na+ induisent une déformation d'autant plus

importante du nuage électronique des molécules que leur polarisabilité est élevée, amenant in fine à l’interaction.

58 Des interactions de plus faible énergie, quelques kJ/mol, peuvent intervenir et participer à la physisorption qui s’oppose à la chimisorption. Nous parlons des interactions de Van der Waals qui se caractérisent par la mise en place de forces électrostatiques attractives entre dipôles. Nous distinguons trois types d’interaction :

- Les interactions de Keeson entre deux espèces polaires.

- Les interactions de Debye entre une espèce polaire et une espèce apolaire. L’attraction induite de l’espèce polaire pour l’espèce apolaire est d’autant plus forte à son voisinage et permet de générer un moment dipolaire chez l’espèce initialement apolaire.

- Les interactions de London entre deux espèces apolaires. La distribution du nuage électronique n’étant pas strictement identique entre espèce à l’instant t, l’attraction entre deux espèces apolaires est possible et est alors d’autant plus forte que leur potentiel de polarisabilité est élevé et que la distance est courte. Ces interactions peuvent également s’apparenter aux interactions dites hydrophobes que l’on retrouve notamment avec les chaines carbonées.

L’énergie d’interaction de Van der Waals est donc la somme des énergies de Keesom, Debye et London. Par ailleurs, Xing et Pignatello (2005) parlent dans leurs travaux de recherche, d’interaction analogue de type charge - dipôle ou charge - dipôle induit pouvant également conduire au processus de fixation des molécules organiques. Les mécanismes d’interactions restent cependant similaires.

Enfin, nous distinguons les liaisons ou ponts hydrogènes intervenant par le partage d’un atome d’hydrogène. Celles-ci s’établissent entre un hétéroatome porteur d’hydrogène et un hétéroatome récepteur électronégatif ne pouvant être que l’oxygène, l’azote ou le fluor. La liaison hydrogène de type dipôle – dipôle propose des énergies entre 10 et 40 kJ/mol supérieures aux énergies d’une interaction de Van der Waals.

Les argiles ont donc une polyvalence notable en termes de processus interactionnel permettant d’envisager des applications diverses, notamment l’adsorption de molécules organiques tels les surfactants pour générer de nouveaux matériaux hybrides et l’adsorption de micropolluants organiques pour leur remédiation dans l’environnement aquatique naturel.

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