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6.2 Effet de la taille et de la morphologie des éprouvettes sur le retrait de dessiccation144

7.1.1 Mécanismes à l’origine du fluage de dessiccation

Deux explications sont proposées dans la littérature pour expliquer le fluage de dessiccation : le fluage de dessiccation structural et le fluage de dessiccation intrinsèque.

7.1.1.0.1 Fluage de dessiccation structurel Ce mécanisme est directement lié à l’état de contraintes non-uniforme qui accompagne la dessiccation d’une éprouvette. En effet, le gradient d’humidité relative interne qui se crée lors du séchage induit de fortes contraintes de traction à la surface de l’éprouvette. L’intensité de ces contraintes est suffisante pour fissurer le matériau de manière diffuse [Grassl et al., 2010][Nemati et al., 1998]. Inversement, si le béton est sou-mis à un chargement de compression (fluage de dessiccation) le gradient de contraintes diminue fortement et toute la section de l’éprouvette est sollicitée en compression. La micro-fissuration de peau est fortement atténuée.

La décomposition classique des déformations différées est par conséquent biaisée : elle compare les déformation d’éprouvettes qui n’ont ni le même état de contraintes ni le même état de fissu-ration. Le retrait de dessiccation mesuré sur des éprouvettes classiques est alors minoré par les

FIGURE7.1: Effet Pickett

déformations visco-élastiques en traction et la micro-fissuration de peau et ne représente qu’une partie de la « vraie » déformation de retrait. De plus, même si l’état d’équilibre hydrique est at-teint, plusieurs des phénomènes qui apparaissent durant la période de séchage sont caractérisés par leur irréversibilité : le fluage en traction est partiellement recouvrable et les micro-fissures ne se referment que partiellement lors d’une décharge.

Enfin, cette micro-fissuration peut impacter le processus de séchage de l’éprouvette via deux mécanismes :

— l’auto-cicatrisation : les micro-fissures crées sont autant de nouveaux chemins vers les grains de ciment encore anhydres du ciment. Ce mécanisme induirait un incrément de retrait d’auto-dessiccation et une diminution de la perte en masse si l’éprouvette n’est pas sollicitée mécaniquement.

— l’augmentation de la perméabilité : la micro-fissuration augmente les propriétés de trans-fert du béton. En l’absence de chargement, ce mécanisme accélérerait la perte en masse et donc le retrait de dessiccation.

Ces deux mécanismes ne semblent pas significatifs. D’une part, ils contredisent l’existence du fluage de dessiccation puisqu’ils supposent que le retrait mesuré sur éprouvette normalisée est majoré par rapport au vrai « retrait » de dessiccation, d’autre part, plusieurs résultats expéri-mentaux montrent que les mesures de perte en masse ne sont que peu impactées par la présence d’un chargement mécanique ([Lassabatere et al., 1997] dans [Benboudjema, 2002]).

7.1.1.0.2 Fluage de dessiccation intrinsèque La deuxième explication serait intrinsèque au matériau béton. Plusieurs travaux expérimentaux confirment cette hypothèse. Une déformation de fluage de dessiccation est observée sur des éprouvettes de pâte de ciment d’épaisseur très

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faible (1,9 mm) qui ne sont pas sujettes à une micro-fissuration importante [Day et al., 1984]. Plusieurs mécanismes sont avancés dans la littérature pour expliquer ce phénomène, ils sont recensés pour la plupart par F. Benboudjema [Benboudjema, 2002]. Les principales explications proposées sont les suivantes :

— [Ruetz, 1968] : la théorie de la consolidation prétend qu’un chargement de compression accentue le départ de l’eau contenue dans la pâte de ciment. L’eau est supposée reprendre une large part des contraintes macroscopiques. Une théorie similaire a été présentée par Brooks [Brooks, 2001]. Ces théories ont été abandonnées car les cinétiques de perte de masse ne sont que peu dépendantes au chargement mécanique et la rigidité du squelette solide est largement supérieure à celle de l’eau.

— [Bazant et Chern, 1985] : le retrait induit par la contrainte (« stress-induced shrinkage ») suppose que les transferts de l’eau dans le béton se font à deux échelles différentes, une échelle macroscopique (qui se traduit par le séchage) et une échelle microscopique où le flux local des molécules d’eau entre les zones d’adsorption empêchée et les pores capillaires dans la pâte de ciment accélère le processus de rupture des liaisons entre les C-S-H. En traction, ce terme de retrait induit par la contrainte n’est pas approprié puisque la déformation de fluage de dessiccation s’oppose au retrait.

— [Jennings, 2004] : les C-S-H seraient sous forme de globules, le fluage ou le retrait seraient alors la conséquence des déplacements des globules sous une contrainte de ci-saillement ou le séchage. L’action combinée de ces deux moteurs rendrait la rupture des liens entre les différents globules plus facile.

— [Sellier et Buffo-Lacarrière, 2009] : le fluage de dessiccation est appelé retrait de des-siccation sous charge car il n’est rien d’autre qu’un accroissement du retrait dû à une meilleure transmission des effets de la dépression capillaire vers le squelette solide. Cette théorie comme celle introduite par Bazant et Chern considère que le fluage de des-siccation n’est qu’une déformation additionnelle de retrait. Cependant les mécanismes à l’origine de ce retrait additionnel diffèrent, il est lié ici à l’état d’endommagement du matériau (figure 7.2). Ce micro-endommagement est la conséquence des incompatibili-tés entre le granulat et la pâte de ciment et à une échelle inférieure des incompatibiliincompatibili-tés entre les hydrates et les grains anhydres.

7.1.1.0.3 Mise en évidence de ces deux mécanismes Plusieurs travaux expérimentaux mettent en évidence les effets combinés de ces deux mécanismes. Ce constat est fait en compression comme en traction :

— [Bažant et Xi, 1994] : des éprouvettes de béton sont chargées avec le même moment de flexion mais avec un effort normal différent. En fonction du chargement axial, la section de l’éprouvette peut être totalement ou partiellement en compression. S’il n’y a que de la compression, le fluage de dessiccation ne peut être que dû à un mécanisme intrin-sèque au matériau puisqu’il n’y a pas de micro-fissuration. Si une partie de la section est mise en traction, la part structurale du fluage de dessiccation peut alors être séparée de sa part intrinsèque. Les auteurs montrent que l’effet de la micro-fissuration (fluage de dessiccation structural) devient très faible lorsque l’éprouvette est proche de son équi-libre hydrique. Au contraire, le fluage de dessiccation intrinsèque ne cesse d’augmenter.

FIGURE7.2: Mécanisme du fluage de dessiccation intrinsèque [Sellier et al., 2012] Néanmoins, cet essai présente une différence majeure par rapport à des essais de fluage conventionnels. Dans le cadre d’essais classique la part due à la micro-fissuration sous-estime le retrait de dessiccation , à l’inverse, dans ce type d’essais la micro-fissuration surestime la flèche de l’éprouvette mise partiellement en traction.

— [Altoubat et Lange, 2002] : des éprouvettes de béton sont chargées en traction 25 heures après leur fabrication et sont placées dans trois types d’ambiances différentes : humide, endogène et sèche. L’âge de chargement implique que la déformation de retrait endogène est importante. Seule l’éprouvette placée dans un environnement humide ne présentera pas de déformation de retrait, sa complaisance de fluage est donc appelée complaisance de fluage propre. En ambiance endogène, le retrait est uniforme. Il n’existe donc pas de micro-fissuration due au gradient du degré de saturation, seule le fluage de dessiccation intrinsèque est moteur. En ambiance sèche, les composantes structurelles et intrinsèques sont présentes. La comparaison des complaisances de fluage en ambiances humide et endogène permet de calculer la complaisance de fluage de dessiccation intrinsèque, cette déformation croît constamment avec le temps. À partir des complaisances de fluage propre, de fluage de dessiccation intrinsèque et de fluage total en ambiance sèche, la part due au fluage de dessiccation structurel est calculée, cette déformation est négative (elle s’oppose au fluage propre et au fluage de dessiccation intrinsèque). Ce résultat est surprenant car en traction la micro-fissuration devrait conduire à une augmentation du fluage de dessiccation. Cependant, les auteurs exploitent les résultats de l’essai en postulant que la complaisance de fluage de dessiccation intrinsèque n’est pas dépendante de la cinétique de la déformation de retrait. Or cette hypothèse pourrait être fausse [Day et al., 1984].

— Plusieurs simulations numériques mettent en évidence que le fluage de dessiccation structurel ne représente qu’une faible part du fluage de dessiccation total [Benboudjema et al., 2005].

Même si certains résultats de ces différents travaux peuvent être remis en question, le fluage de dessiccation semble être majoritairement causé par un mécanisme intrinsèque au béton.

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