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B : Mécanisme propose par Poulikakos et al Aux concentrations usuelles, seule une partie des monomères de B-Raf et de C-Raf sont liés aux inhibiteurs, en présence de Ras

active les monomères liés aux inhibiteurs se dimérisent avec des monomères non liés et les

transactivent.

(D’après Poulikakos, 2010)

A

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mutation de Ras dont le Vemurafenib stimule la prolifération (Oberholzer et al., 2011; Su et al., 2012). Or, il a été montré que le Vemurafenib, ainsi que la majorité des inhibiteurs de B-Raf disponibles (PLX4720/PLX4032, Sorafenib, L-779,450, GW50474, ZM336372, GDC-0589), induisent in vitro une activation paradoxale de la voie MAPK dépendante de C-Raf en présence de mutations de Ras. Par ce mécanisme, le Vemurafenib stimule la croissance de ces lésions. Chez la souris, le Vemurafenib stimule également la croissance de lésions induites par des carcinogènes connus pour induire des mutations de Ras tels que l’association DMBA et TPA (Su et al., 2012).

De nombreuses équipes se sont intéressées à la compréhension de cette activation paradoxale. Celle-ci dépendrait de la présence de Ras et de C-Raf, nécessiterait la dimérisation des protéines Raf et pourrait être conséquente à une modification de conformation induite par l’inhibiteur. Cependant, le mécanisme moléculaire exact reste encore mal compris.

Les travaux de Halaban et Heidorn suggèrent que le PLX4032 lié à B-RafWT induirait une modification de sa conformation. En présence de Ras activé (par mutation ou en réponse à des facteurs de croissance), B-RafWT lié au PLX4032 serait alors capable de transactiver C-Raf au sein d’hétérodimères et en conséquence activer la voie MAPK (Figure 37A) (Halaban et al., 2010; Heidorn

et al., 2010). Dans un tel modèle, les inhibiteurs pan-Raf n’induisent pas d’activation paradoxale.

Les travaux de Poulikakos et Hatzivassiliou suggèrent quant à eux que les inhibiteurs se fixeraient aussi bien à B-RafWT que sur C-RafWT (Figure 37B). Cependant, les concentrations usuelles seraient insuffisantes pour que tous les monomères soient liés à l’inhibiteur. En réponse à l’activation de Ras, il s’ensuivrait la formation de dimères dont un seul des monomères serait lié à l’inhibiteur, ce dernier induirait alors la transactivation du monomère non lié à l’inhibiteur (Hatzivassiliou et al., 2010; Poulikakos et al., 2010).

Les schémas proposés dans les publications de Heidorn et al. et Poulikakos et al. sont reproduits dans la figure 37. Le cas du Sorafenib met clairement en évidence les divergences entre les 2 études : alors que selon Heidorn, le Sorafenib n’induit pas d’activation paradoxale, cette dernière est retrouvée ans l’étude de Poulikakos.

A mon sens, la théorie de Poulikakos et Hatzivassiliou semble la plus probable. D’une part, les données biochimiques d’activité du PLX4032 montrent une plus grande affinité pour C-RafWT que pour B-RafWT(Tableau 3), il n’y a donc aucune raison que le PLX4032 se fixe préférentiellement sur B-RafWT. D’autre part, le schéma proposé par Heidorn suggère que les inhibiteurs pan-Raf comme le Sorafenib n’induirait pas d’activation paradoxale or l’apparition de carcinomes épidermoïdes cutanés a également été retrouvée chez les patients traités avec cet inhibiteur.

Dans les 4 publications, la prévention de la dimérisation de C-Raf bloque le phénomène. Dans tous les cas, il semble intéressant de rechercher de nouveaux inhibiteurs dépourvus de cet effet.

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Heidorn et al. proposent l’utilisation d’inhibiteurs pan-Raf. Hatzivassiliou et al. montrent que l‘AZ628, un inhibiteur pan-Raf de la forme inactive de B-Raf et C-Raf stabilisant cette dernière n’entraîne pas ce phénomène. Cependant, ces inhibiteurs pourraient induire une inhibition de la voie MAPK dans les cellules normales ce qui pourrait réduire la dose administrable et en conséquence l’efficacité sur la tumeur. L’idéal serait un inhibiteur spécifique de B-RafV600E n’induisant pas de modification conformationnelle afin de prévenir toute activation allostérique. Le PLX7904, développé par Plexxikon, semble remplir un tel cahier des charges (Le et al., 2013).

4 - Résistance

Le Vemurafenib conduit chez la grande majorité des patients à une réponse, cependant il existe des patients résistants d’emblée (résistance primaire). En effet, près de 50% des patients présentent une réponse objective, 45% voient leur maladie stabilisée et 5% des patients (10 patients sur 209 dans l’étude de phase III de Chapman et 18/132 dans l’étude de phase II de Sosman) continuent de voir leur maladie progresser démontrant l’existence de résistances primaires.

De plus, même chez les patients répondeurs, la réponse est de courte durée, en moyenne de 6-8 mois. En effet après une première période de réponse au traitement la quasi-totalité de patients deviennent à terme résistants (résistance secondaire) (Flaherty et al., 2010; Sosman et al., 2012). Alors que pour les autres inhibiteurs de tyrosine kinase sur le marché (Imatinib, Erlotinib, Gefitinib), l’apparition de résistance est très souvent liée à l’apparition sur la cible d’une nouvelle mutation interférant avec la liaison de l’inhibiteur à sa cible (mutation appelée « gatekeeper ») ce mécanisme ne semble pas impliqué dans les résistances secondaires au Vemurafenib. En effet, in vitro la mutation de la T529N inhibe la liaison entre B-RafV600E et le Vemurafenib ou d’autres inhibiteurs de B-Raf comme le Dabrafenib et le RAF265. Cette mutation confère aux cellules l’exprimant une résistance à ces inhibiteurs à la fois in vitro et in vivo dans des modèles de xenogreffes (Whittaker et al., 2010). Cependant une telle mutation n’a jamais été retrouvée à ce jour chez des patients ni sur des lignées rendues résistantes in vitro (Nazarian et al., 2010).

La majorité des mécanismes de résistance au Vemurafenib décrits à ce jour, conduisent à une réactivation ou au maintien de l’activation de la voie MAPK sous Vemurafenib. Effectivement, la comparaison du niveau de phosphorylation d’ERK sur des biopsies prélevées au cours de la phase de réponse au traitement puis lors de la rechute montre clairement, sur 9 des 10 paires de biopsies étudiées, que la résistance s’accompagne d’une réactivation de la voie MAPK (Trunzer et al., 2013). De plus, comme nous l’avons vu précédemment (partie II-C-3-a), 80% d’inhibition de la voie MAPK semble

Modèles Condition Mécanisme identifié Stratégie

proposée biblio

A375, LOX, SK- MEL267,SK-

MEL28

Levée des rétrocontroles de la voie MAPK resensibilise les cellules aux facteurs de croissance

Vem + inh MEK Vem + inh HER (Lapatinib, Neratinib)

Lito, 2012

SK-MEL5, G361,

SK-MEL28 Co-culture avec des fibroblastes Activation de MET par le HGF sécrété par les fibroblastes Vem + Crizotinib Straussman, 2012 NAE, 624Mel, M14 928MEl, A375 Ajout de facteurs de croissance au milieu de culture

Activation de MET par le HGF Vem +inh MET (GDC-

0712) Wilson, 2012

Lignée dérivée

de patients Résistance innée Amplification de MET Vem + inh MET Vergani, 2011 M229, M238 Lignées résistantes générées

in vitro

(1 µM, 4-6 semaines)

Surexpression de PDGFRβ Inh PDGFR ou de MEK Nazarian, 2010 451Lu

Mel1617 Lignées résistantes générées in vitro (doses croissantes de SB- 590885, 6 mois)

Switch de dépendance vers IGF-1R

alors hyperactivé Ou inh MEK +IGF-1R Inh MEK +PI3K Villanueva, 2010 A375 Surexpression de kinases ERBB3 Johannessen,

2010 M249 Lignées résistantes générées

in vitro (1 µM, 4-6 semaines) Mutation de N-Ras Inh MEK Nazarian, 2010 A375, UACC62,

SK-MEL28 Déplétion par shRNA Surexpression de NF1 Whittaker, 2013 M14 Lignées rendues résistante

in vitro (AZ628) Surexpression de C-Raf Inh Raf +HPS90 Montagut, 2008 Lignées rendues résistantes

chez la souris Amplification de BRAF Das Thakur, 2013 SK-MEL239 Lignées résistantes générées

in vitro 2 µM PLX4032 Epissage alternatif de B-Raf Poulikakos, 2011 A375 In vitro

AZD6422 1,5 uM ouCI-1040 2 µM, 4 semaines

Mutation de MEK1 Emery, 2009

A375, SK- MEL28, Colo- 679, WM451Lu,

SK-ML5

Surexpression de kinase Surexpression de COT Johannessen, 2010

WM793 (VGP)

M238 (M) 5 µM Modulation expression de Bim et Réactivation MAPK Bmf

Shao, 2012

Tableau 4 : Résumé des principaux mécanismes de résistance au Vemurafenib