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Mécanisme d’inhibition des serpines

Dans le document Serpines A3 bovines (Page 47-50)

Chapitre II. Les marqueurs biologiques et maitrise de la tendreté de la viande

III.6. Mécanisme d’inhibition des serpines

In vivo, les cellules synthétisent un grand nombre d'inhibiteurs de peptidases qui varient

33 peptidases toutes aussi variées. Sur le plan fonctionnel, les inhibiteurs de peptidases se distinguent de plus par leur mode d'inhibition (Otlewski et al., 2005). Contrairement au mécanisme d’inhibition des autres inhibiteurs de peptidases à sérine, type Kunitz ou Kazal, qui forment des complexes réversibles avec leur protéase cible, une interaction « clé et serrure », les serpines participent à un complexe covalent. Ce sont des « inhibiteurs suicides » (Patston et

al., 1991).

III.6.1. Inhibition par les inhibiteurs canoniques

Ainsi retrouve-t-on, entre autres, pour inhiber les peptidases de type serine, les serpines et les inhibiteurs canoniques. Les inhibiteurs canoniques emploient le « mécanisme standard » des inhibiteurs de peptidases, par lequel la boucle d'inhibition de l'inhibiteur est reconnue par la peptidase cible au niveau de son site actif, par l'intermédiaire d'une interaction réversible à l'image d'une clé et d'une serrure (Kelly et al., 2005). La très grande complémentarité entre les deux protéines permet de former un complexe très stable par des liaisons faibles non covalentes. Ces inhibiteurs sont en général rigides et stables et leur boucle d'inhibition n'est pas clivée par les peptidases-cibles (figure 14). Alors que les serpines participent à un complexe covalent, et comme étant des inhibiteurs suicides (Patston et al., 1991).

III.6.2. Mécanisme d’inhibition des serpines suicide – substrat

Le mécanisme qui permet aux serpines d'assurer leurs fonctions d'inhibiteurs est assez particulier car il implique certaines modifications structurales majeures. Elles inhibent leurs peptidases cibles par un mécanisme spécifique suicide – substrat (une analogie amusante qui est parfois utilisée consiste à comparer ce mécanisme à celui d'un piège à souris) conduisant à la formation d’un complexe irréversible (E + S  ES) illustré sur la figure 15. Leur interaction avec les peptidases cibles est nettement plus complexe, puisque elles impliquent certaines modifications structurales très importantes (Gettins, 2002a ; Olson et Gettins, 2011).

Des résidus situés dans la boucle d'inhibition (RCL) de la serpine (I) sont reconnu comme substrat par la protéase (E), qui clive le RCL et s’associe à la serpine via un intermédiaire acyl-covalent (Lawrence et al., 1995 ; Silverman et al., 2001), avec une constante d’association de second ordre k1, pour initier la formation du complexe Michaelis non-covalent (EI) en interagissant avec les résidus P1 et P1’ (où P1 est le résidu après lequel la protéase clive l’inhibiteur et libère le fragment C-terminal P1’ à Px’) de la boucle, sans avoir recours à un changement conformationnel major. Ce complexe peut se dissocier avec une constante d’association notée k–1, mais il possède plus de chance d’aller plus loin (vu que k2 >> k–1).

34 Puis, la serine 195 de la triade catalytique de la protéase attaque la liaison peptidique entre P1 et P1’ comme s’il s’agissait d’un substrat (pseudosubstrat), formant ainsi une liaison acyle-ester covalente entre la serine et la fonction carbonyle du résidu P1, puis la coupure de la liaison peptidique entre P1 et P1’ et aboutit à la formation d’un intermédiaire acyle-enzyme (EI§) stable thermodynamiquement. Le clivage de la boucle déclenche une modification dramatique de la conformation de la serpine ; elle passe de la conformation stressée (S) à la conformation relaxée (R) plus stable thermodynamiquement (Gettins, 2002a ; Gettins, 2007). La transition SR est dépendante de la région charnière du RCL (P9 – P15) développée en partie IV de ce chapitre. Deux résultats sont possibles et sont en concurrence l’un avec l’autre.

Le premier est l’insertion complète et immédiate du RCL clivé dans le feuillet β A pour former un brin β additionnel. Ce mouvement permet d’entrainer avec lui la protéinase (E) au pôle opposé de la serpine, sur une distance qui correspond à un déplacement relatif d’environ 70 Å (Stratikos et Gettins, 1999 ; Lee et al., 2000), formant le complexe covalent enzyme/inhibiteur (E–I*) avec libération d’énergie. Ce piégeage se produit avec une constante d’association, k4. En parallèle, l’hélice hF se déplace pour permettre l’insertion du RCL (Gettins, 2002b). Ce déplacement inhibe la protéase en engendrant des distorsions de son site actif (Huntington et al., 2000 ; Dementiev et al., 2006). La serpine, quant à elle, subit un changement de conformation irréversible et un gain de stabilité thermodynamique.

Cependant, si l'insertion du RCL dans la molécule n'est pas suffisamment rapide, une déacylation du complexe survient et la réaction emprunte la voie du substrat, c'est-à-dire que la protéase peut accomplir la réaction d'hydrolyse avant que son activité ne soit entièrement compromise, ou il y’a formation de la serpine clivée (I*) (inactive) et de la protéase libre (active) (Lawrence et al., 2000), avec une constante d’association k3. Le rapport (k3/k4), aboutit à la « stœchiométrie d'inhibition » (SI), représentant le nombre de moles de serpine exigés pour former 1 mole du complexe covalent. Enfin, puisque le complexe covalent est seulement un intermédiaire cinétiquement emprisonné, il peut encore former les mêmes produits d'I* (inactif et stable) et d'E par une hydrolyse non catalytique, avec une constante d’association de

k5 (Gettins, 2002a ; Huntington, 2006 ; Gettins, 2007 ; Olson et Gettins, 2011).

III.6.3. Inhibition croisée ou « cross-class inhibition »

Les serpines ont été les premiers inhibiteurs qui ont montré une activité inhibitrice croisée. Salvesen (1993) a remarqué que la géométrie de la liaison avec le substrat et non le mécanisme catalytique des peptidases est le responsable de la sélectivité des inhibiteurs.

35 Bien que les serpines soient, en premier lieu, des inhibiteurs de peptidases à sérine, certaines sont également capables d’inhiber des peptidases à cystéine. Ce phénomène est décrit sous le terme d’inhibition croisée ou « cross-class inhibition ». Différents exemples ont été décrits dans la littérature et sont répertoriés dans le tableau 05.

Certaines serpines inhiberaient les peptidases à cystéine selon un mécanisme irréversible similaire à celui mis en place pour les peptidases à sérine. Elles formeraient un intermédiaire réactionnel thioacyle, permettant l’insertion du RCL lié à l’enzyme, la compression de la protéase et la modification de son site catalytique. Une liaison covalente entre la serpine crmA et les caspases 1, 6 et 8 a été confirmée (Dobó et al., 2006).

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