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4. Etude de la déformation plastique du titane-α commercialement pur

4.2. Mécanisme contrôlant l’écrouissage : hypothèses

Les résultats expérimentaux obtenus ne permettent donc de valider ni la conjecture du maclage, ni celle du vieillissement des dislocations comme mécanismes contrôlant l’anisotropie DL/DT et l’écrouissage en trois stades du titane commercialement pur déformé en traction.

Un mécanisme alternatif basé uniquement sur le glissement des dislocations semble donc être une possibilité. La valeur systématiquement plus élevée de la limite élastique selon DT, ainsi que l’observation de sensibilités de la limite élastique à la vitesse de déformation différentes entre les deux orientations donnent à penser que le début de la plasticité pourrait être gouverné par des systèmes de glissement différents selon l’orientation. Les facteurs de Schmid déterminés à partir de la tôle non déformée permettent d’appuyer cette hypothèse et de la préciser, en considérant également les rapports des cissions critiques entre les différents systèmes de glissement.

Il est bien connu que le Ti glisse plus facilement sur les plans prismatiques mais peut également présenter du glissement basal, pyramidal <a> et pyramidal <c+a>. Cela est cohérent avec les données de la littérature à propos des cissions critiques, bien que ces données peuvent être des fois contradictoires, en raison sans doute de leur dépendance à de nombreux facteurs, en particulier, la composition spécifique du matériau. Dans tous les cas, la très grande majorité des auteurs trouvent la plus faible valeur de cission critique pour le glissement prismatique (voir par ex. [POT11, WAR12, LI13]). Les valeurs relevées pour les glissements basal et pyramidal <a> sont typiquement plus élevées de plusieurs dizaines à centaines de pourcents.

La Figure 4-13 montre que d’après la statistique des facteurs de Schmid, à peu près la même fraction de grains est orientée favorablement pour le glissement prismatique et pyramidal <a> dans les échantillons DL, alors que très peu de grains sont orientés favorablement pour le glissement basal. En tenant compte des rapports entre valeurs de cissions critiques, il est probable que le glissement prismatique domine au début de la déformation plastique. Cette hypothèse est cohérente avec la faible limite élastique observée. Elle suggère également une tendance à une rupture de pente dans la diminution du taux d’écrouissage lorsque le glissement secondaire intra-granulaire entre en jeu, c’est-à-dire la formation d’un plateau

139 (stade A) après la transition élastoplastique, cette dernière étant observée à une faible déformation et à une faible vitesse de déformation pour les échantillons DL (Figure 4-7). Différentes hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l’influence de l’augmentation de la vitesse de déformation sur cette tendance. Il se trouve que les signes opposés de cet effet pour les deux types d’échantillons peuvent être pris en compte en suggérant que la sensibilité à la vitesse de déformation de la contrainte est plus forte pour le glissement prismatique que pour le glissement pyramidal. Effectivement, l’augmentation du taux d’écrouissage, ou du moins le ralentissement de sa diminution, pendant le stade B des échantillons DL serait corrélé à une activation progressive des systèmes pyramidaux. L’hypothèse avancée ci-dessus signifie que la contrainte requise pour le glissement prismatique croît davantage que pour le glissement pyramidal lorsque la vitesse de déformation augmente. Elle implique donc une contribution plus importante et plus précoce des systèmes pyramidaux à l’écoulement plastique lorsque la vitesse de déformation augmente, et ainsi, un plus fort taux d’écrouissage au début de la déformation et une plus faible tendance à la formation d’un plateau.

Dans les échantillons DT, l’orientation de la plupart des grains est favorable au glissement pyramidal (Figure 4-13). Celui-ci peut donc être déjà actif initialement dans ces échantillons, résultant ainsi en une limite élastique plus élevée. Cependant, on relève également une fraction importante de grains ayant des valeurs élevées du facteur de Schmid pour le glissement prismatique et le glissement basal. D’après l’hypothèse énoncée précédemment, l’équilibre entre les activités des différents systèmes de glissement au début de la déformation plastique dépendrait de la vitesse de déformation. La domination du glissement pyramidal serait renforcée avec une augmentation de la vitesse de déformation appliquée, et le stade A serait accentué, comme observé expérimentalement (Figure 4-7). Par conséquent, à la fois la tendance à la formation d’un plateau et l’inversion de sa dépendance à la vitesse de déformation pourraient être des conséquences d’une sélection de systèmes de glissement dominants, qui serait contrôlée par la texture du matériau et l’orientation relative de l’axe de traction.

Il faut noter qu’un autre effet peut également contribuer à la suppression du plateau dans les échantillons DL lorsque la vitesse de déformation appliquée augmente. En effet, comme cela se voit sur la Figure 4-7, plus la vitesse de déformation est élevée, plus la valeur initiale du taux d’écrouissage est élevée. Par conséquent, après l’activation du glissement prismatique à la limite élastique, le niveau de contrainte nécessaire pour activer le glissement pyramidal sera

140 atteint d’autant plus tôt que la vitesse de déformation est élevée. Evidemment, un tel raisonnement n’est pas pertinent pour les échantillons DT, pour lesquels le glissement pyramidal pourrait être actif dès le tout début de la déformation.

La tendance globalement faible à un comportement en trois stades pour les échantillons DL

est cohérente avec leurs fortes valeurs de en comparaison des échantillons DT. On peut

émettre plusieurs hypothèses permettant d’expliquer les différences de taux d’écrouissage :

Premièrement, cela pourrait être causé par des différences d’incompatibilités de

distorsion plastique entre grains pour les deux types d’échantillons. En effet, ces incompatibilités génèrent des contraintes internes inter-granulaires qui engendrent un écrouissage directionnel (ou cinématique) et influencent ainsi la valeur globale

observée de .

La seconde raison pourrait être due au fait que le glissement prismatique dans le Ti,

que l’on suppose initialement dominant dans les échantillons DL, est généralement considéré comme étant contrôlé par le mouvement des dislocations vis à travers la nucléation et l’expansion de segments par un mécanisme de double décrochement [NAK83, CHIC98]. Ce dernier mécanisme pourrait justifier l’hypothèse faite sur la sensibilité à la vitesse de déformation de la contrainte en ce qui concerne les différents systèmes de glissement. En effet, le mécanisme de double décrochement est un processus fortement thermiquement activé et donc très sensible à la vitesse de déformation.

Enfin, il est probable que les effets dus à la multiplication des dislocations dans les

différents systèmes de glissement soient également à prendre en compte. En effet, si l’on suppose que les dislocations se multiplient beaucoup plus facilement dans les systèmes prismatiques que dans les autres systèmes alors le taux d’écrouissage des échantillons présentant la plus forte proportion de glissement prismatique (échantillons DL, voir section suivante) pourrait être plus important du fait d’une plus grande densité de dislocations (écrouissage de Taylor, voir équation A-2 dans l’annexe).

141 Nous avons tout d’abord cherché à vérifier l’hypothèse émise sur la différence de sensibilité à la vitesse entre glissement prismatique et pyramidal. Dans ce but, nous avons réalisé de nouveaux essais, interrompus au début du stade B, afin de déterminer le ou les systèmes actif(s) par l’analyse des traces de glissement. Ces observations permettront également de détecter l’éventuelle présence de macles à ce niveau de déformation.