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3. Etude multi-échelles de la déformation plastique des aciers TWIP

3.1. Caractéristiques des bandes de déformation

De précédentes études [LEBE09, CHA10] d’extensométrie locale sur le même matériau ont permis de mettre en lumière quelques caractéristiques propres aux bandes de déformation de ces aciers TWIP. La Figure 3-1 met en parallèle une partie de la courbe de déformation

(Figure 3-1 a)) de l’échantillon TWIP-A4 déformé à ̇ , les données de

déplacement obtenues par la caméra CCD (Figure 3-1 (b)), ainsi que les déformations des extensomètres locaux obtenues à l'aide de la relation 2-8 (Figure 3-1 (c)). Les fluctuations de contrainte observées sur la courbe de traction sont typiques des aciers TWIP : de brefs sauts de contrainte ont lieu et sont espacés régulièrement par une période où la contrainte d’écoulement continue à croître mais de manière relativement linéaire. L’analyse de ce type de représentation conduit à deux premières observations :

87 - une fluctuation de contrainte macroscopique est associée à l’accélération de tous les déplacements enregistrés dans les extensomètres par la caméra CCD ; cette accélération apparaît retardée dans le temps entre les extensomètres selon leur position sur la zone utile.

- des sauts de déformation locale en découlent pour chacun des extensomètres (Figure 3-1 (c)) ; ils sont approximativement de même amplitude mais là encore retardés dans le temps entre chaque extensomètre.

Figure 3-1. Résultats de l’extensométrie locale à haute résolution pour l’échantillon TWIP-A4 déformé à ̇ . (a) contrainte nominale en fonction du temps; (b) position des transitions le long de la longueur utile en fonction du temps ; la courbe la plus haute donne la position de l’extensomètre le plus proche du mors inférieur mobile. (c) évolution de la déformation locale correspondante (calculée à partir des valeurs de (b)). Les lignes verticales en pointillés indiquent les instants auxquels une bande de déformation est nucléée. Les lignes en tirets désignent les instants pour lesquels la bande quitte le premier extensomètre local. La ligne en trait plein gras inclinée à marque le bord d’un plateau, où la bande de déformation quitte les sections respectives (d’après [LEBE09]).

En conséquence, le retard entre l’accélération initiale des déplacements et les sauts de déformation suggère qu’une bande de déformation localisée se déplace depuis la partie

88 supérieure de l’échantillon, à travers l’ensemble des extensomètres. D’après ces observations, la nucléation de la bande a lieu lors du saut de contrainte et sa propagation pendant l’intervalle relativement homogène entre deux fluctuations macroscopiques. De plus, la phénoménologie des sauts de déformation (Figure 3-1 (c)) et leur évolution en fonction du temps donnent à penser que la nucléation d’une bande de déformation a lieu presque immédiatement après que la précédente bande a fini sa propagation [LEBE09]. Cela implique donc que la déformation est principalement accommodée par la propagation répétitive des bandes de déformation le long de l’axe de traction.

On présente sur la Figure 3-2 une partie de la courbe de traction de l’échantillon TWIP-A4 ainsi que la représentation spatio-temporelle associée de la vitesse de déformation locale. Comme on l’a vu précédemment, à chaque saut de contrainte présenté sur la Figure 3-2 (a) est associée la nucléation d’une bande de déformation à proximité de l’une des extrémités de l’échantillon. La bande de déformation se propage alors le long de la longueur utile jusqu’à ce qu’elle entre dans le champ de vision de la caméra CCD. Sur la Figure 3-2 (b), cela se manifeste par une tâche de couleur chaude visible à hauteur de l’extensomètre ayant la position la plus basse de 2 mm (qui correspond à l’extensomètre le plus proche de la tête de l’éprouvette située dans le mors fixe supérieur lors de l’essai de traction – voir chapitre expérimental). La couleur à l’intérieur de la bande fait référence à la valeur de la vitesse de déformation locale donnée par la légende. Cette bande se propage alors à l’extensomètre adjacent et ainsi de suite, jusqu’à sortir du champ de vision de la caméra CCD (position : 12 mm environ). On remarque que la propagation de la bande au travers de l’ensemble des extensomètres est continue, l’aspect discret à première vue étant imposé par la définition des extensomètres unitaires qui ont une largeur de 1 mm.

On peut voir que la propagation d’une bande de déformation est associée à des intervalles relativement lisses de l’évolution de la contrainte macroscopique sur la courbe de déformation. Cela témoigne bien du fait que la propagation de la bande nécessite une contrainte plus faible que sa nucléation.

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Figure 3-2. Echantillon TWIP-A4 déformé à ̇ . (a) contrainte nominale en fonction du temps ; (b) évolution spatio-temporelle de la vitesse de déformation à l’intérieur des extensomètres disposés le long de la zone utile. La barre colorée sur la droite de la carte donne les valeurs de vitesse de déformation locale ̇ (s-1).

Ce type de représentation donne par ailleurs une information sur la cinématique des bandes de déformation. La vitesse de propagation des bandes peut en effet être déterminée en considérant leur inclinaison relative dans le diagramme espace-temps (Figure 3-2 (b)). Lebedkina et al. ont ainsi montré [LEBE09] à travers l’analyse détaillée des courbes de déformation locale dans plusieurs extensomètres au cours du temps, que la vitesse vraie de propagation des bandes diminuait au cours de l’essai. On retrouve cette caractéristique sur la Figure 3-2 (b) au travers de l’inclinaison plus prononcée des traces au cours du temps qui indique que la vitesse des bandes de déformation décroît progressivement.

Par ailleurs, on peut remarquer que la vitesse de déformation à l’intérieur des bandes augmente au cours de l’essai : les couleurs orangé-rouge à l’intérieur des bandes s’intensifient au fur et à mesure que la déformation augmente et atteignent une valeur maximale de vitesse

de déformation ̇ proche de 0,15 s-1. Cette valeur est supérieure de plus de deux ordres de

grandeur à la vitesse de déformation appliquée ̇ , comme cela a été observé

précédemment [LEBE09, CHA10].

On retrouve les mêmes caractéristiques des bandes de déformation pour des échantillons déformés à d’autres vitesses de déformation appliquées, comme le montre la Figure 3-3.

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Figure 3-3. Représentation spatio-temporelle de vitesse de déformation locale pour différentes vitesses de déformation appliquées. (a) échantillon TWIP-A3 déformé à ̇ ; (b) échantillon TWIP-B8 déformé à ̇ ; (c) échantillon TWIP-B9 déformé à

̇ . La barre colorée sur la droite des cartes donne les valeurs de vitesse de déformation locale ̇ (s-1). Des segments verticaux observés près des bords des figures sur les traces de bandes inclinées sont dus à un artefact de la conversion des images dans le logiciel Matlab.

On peut remarquer plusieurs choses d’après cette figure. Tout d’abord, les données présentées confirment que plus l’essai progresse dans le temps, plus la brillance des bandes s’accroît et tend à saturer lorsqu’une certaine déformation est atteinte. La vitesse de déformation locale à

l’intérieur de la bande ̇ qui reste relativement constante lors de sa propagation entre les

extensomètres) atteint alors une valeur maximale supérieure d’environ un ou deux ordres de

grandeur par rapport à la vitesse de déformation appliquée ̇ . Le rapport ̇ ⁄ ̇ évolue donc

au cours de l’essai selon l’état de déformation. Cette évolution est qualitativement la même à toutes les vitesses de déformation appliquées, bien que le rapport quantitatif puisse être différent.

D’autre part, on remarque que les bandes ont un caractère propageant persistant pour toutes les vitesses de déformation (on notera que l’échantillon TWIP-B9 (Figure 3-3 (c)) présente des bandes de déformations qui, contrairement aux autres échantillons, se déplacent du bas de l’échantillon - tête dans le mors mobile - vers le haut). Cela est en accord avec la morphologie des courbes de déformation qui présentent toutes des brusques sauts de contrainte suivis d’un état de contrainte plus stable (voir Figure 1-16). La détection de la propagation est assez

difficile à la plus faible vitesse de déformation ( ̇ ), compte tenu de la

91 déformation à cette vitesse. Un cycle complet de propagation n’a donc pas pu être enregistré à cette vitesse. Cependant, on retrouve pendant plusieurs centaines de secondes des caractéristiques du développement d’une bande de déformation telle qu’on l’a décrite précédemment.

Ce comportement, similaire à celui observé à des plus grandes vitesses de déformation appliquée, diffère du comportement des bandes de type C, statiques et prononcées, qui se

manifestent généralement dans ce domaine de ̇ pour les matériaux présentant l’effet PLC.

On a donc identifié dans cette première partie les caractéristiques des bandes de déformation caractérisant l’instabilité plastique de ces aciers. On a pu voir qu’à chaque fluctuation de contrainte sur la courbe de déformation est associée une bande de déformation. On s’intéresse à présent à l’apparition des premières bandes de déformation et à la détermination de la déformation critique.