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3. Etude multi-échelles de la déformation plastique des aciers TWIP

3.3. Comportement à petite échelle

3.4.2. Echelle macroscopique

La seconde échelle concerne l’instabilité macroscopique caractérisant les courbes de déformation de ces aciers. Cette instabilité plastique relative à la propagation des bandes de déformation est gouvernée par un mécanisme spécifique aux aciers TWIP. Plusieurs faits expérimentaux distinguent la déformation hachurée observée dans le présent acier TWIP de l’effet PLC qui est souvent utilisé pour expliquer la survenue de l’instabilité plastique dans les aciers TWIP : le caractère persistant de la propagation des bandes de déformation qui est observé jusqu’à plus de deux ordres de grandeur de vitesse de déformation appliquée, la forme persistante des courbes de déformation qui est cohérente avec le mode de propagation des bandes, et la distribution statistique de l’émission acoustique qui est caractérisée par un exposant critique similaire à ce que l’on trouve pour le maclage et/ou le glissement des dislocations dans les matériaux purs, mais bien inférieur à la valeur trouvée pour un alliage d’AlMg qui présente l’effet PLC. Ces différences prouvent que le mécanisme classique du vieillissement dynamique ne peut pas expliquer pleinement ce phénomène. Toutefois, la présence de carbone est essentielle pour l’apparition de l’instabilité, comme cela a été discuté dans [BOUA11].

112 Afin de prendre en compte ces différents aspects, on suppose que le mécanisme de l’instabilité plastique dans les aciers TWIP inclut une interaction entre le glissement des dislocations et le maclage ainsi qu’une interaction des atomes de soluté avec à la fois les dislocations et les macles. Cette conjecture implique que les macles peuvent contribuer à l’adoucissement répétitif du matériau, associé avec la formation des bandes de déformation. Bien que l’effet de durcissement causé par les joints de macle soit principalement discuté dans la littérature de ces dernières années sur les aciers TWIP [BOUA11, ALL08], l’effet d’adoucissement du maclage est également connu. En particulier, l’adoucissement a été détecté juste après l’apparition du maclage dans un alliage CuSn, alors que le durcissement est devenu dominant à de plus grandes déformations [KRI80]. L’adoucissement du matériau dans la région maclée peut être la conséquence d’au moins deux facteurs. Premièrement, le réseau cristallin à l’intérieur des macles peut être aligné favorablement pour le glissement des dislocations [REE73b]. D’autre part, la présence des macles crée des concentrations de contrainte à cause de leurs interactions avec des joints de grains ou avec d’autres macles (dans les plans séquents). Par conséquent, les macles peuvent promouvoir la propagation de la déformation plastique, en émettant à la fois des dislocations parfaites et partielles, résultant alors en la propagation du maclage et du glissement des dislocations à l’intérieur de l’échantillon [ALF08]. De ce point de vue, la nécessité du carbone n’implique pas que le mécanisme de vieillissement dynamique, c’est-à-dire l’épinglage des dislocations par les atomes de soluté, est une cause directe de l’instabilité plastique. Une autre conséquence d’une telle gêne au glissement des dislocations peut être l’initiation du maclage [ALL11]. Il faut en effet souligner que le maclage n’a pas été observé dans des aciers binaires FeMn sans carbone avec de faibles énergies de faute d’empilement, comme précisé dans [BOUA11].

Ce concept général s’accorde avec quelques hypothèses discutées dans la littérature sur le rôle du maclage dans le phénomène d’instabilité plastique. En particulier, les auteurs de [LEBE09] ont suggéré deux mécanismes dont l’un considère que l’instabilité peut être due au maclage seul. En effet, le maclage initié dans un grain peut entrainer la nucléation de macles dans les grains voisins et conduire à une instabilité à caractère propageant. Cette hypothèse est conforme, par exemple, avec les mesures de l’EA dans un alliage Cu-Ge [VIN03]. Elle a aussi été considérée théoriquement dans un article très récent sur le maclage dans un alliage de Mg [BARN13].Néanmoins, comme précisé dans le chapitre 1, les estimations de la fraction volumique des macles dans l’acier TWIP prouvent que le maclage seul ne suffit pas pour expliquer la déformation due aux instabilités [ALL04].Une hypothèse alternative considère

113 que l’effet TWIP peut modifier le comportement de l’effet PLC. De ce point de vue, les résultats sur la détermination de la déformation critique pour l’apparition des premières instabilités plastiques sont essentiels. Les données obtenues indiquent que l’instabilité plastique n’est pas caractérisée par un déclenchement abrupt : elle démarre avec une petite hétérogénéité de déformation faiblement visible et se développe en des bandes de déformation prononcées accompagnées de fluctuations de contrainte. Cette observation évoque le mécanisme de l’effet PLC proposé dans [KOR81] qui est une alternative au vieillissement dynamique habituellement considéré. Il suppose que dans des conditions de faible glissement dévié, la planéité du glissement induit la formation d’empilements de dislocations dont le désancrage peut conduire à des chutes de contrainte. L’instabilité commencerait pratiquement au début de la déformation plastique et se développerait dans la mesure où la puissance des empilements des dislocations augmenterait progressivement avec l’écrouissage au cours de l’essai. Il est évident qu’un tel mécanisme ne peut pas expliquer l’apparition brusque de l’effet PLC, notamment dans le cas du type C. En même temps, il a été appliqué, par exemple, pour interpréter le développement graduel de l’instabilité plastique dans un alliage de Mg [TRO07].

En conclusion, on peut supposer que des études de la microstructure pendant le stade initial de l’écoulement instable, c’est-à-dire lors du développement des premières bandes de déformation, peuvent apporter un point clé à la compréhension de ce phénomène, comme par exemple des informations sur le développement du maclage (localisé ou bien réparti de manière homogène dans l’échantillon). On notera également que le rôle des macles peut aussi être mis en lumière au travers d’une étude comparative de la déformation plastique des aciers TWIP en traction et en compression, qui pourrait promouvoir l’activation de différents systèmes de maclage (voir [KRI80]). Une autre piste consistera en une étude de l’effet de température, en raison de ses effets combinés sur le maclage et la diffusion des atomes de soluté.

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