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Le mécanisme d’ARN interférence

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L’ARN interférence est un mécanisme très efficace pour diminuer l’expression d’un gène, comme schématisé dans la figure 12. Les micro-ARN (miRNA), qui font partie des ARN non- codants, sont transcrits sous forme de précurseurs appelés pri-miRNA. Ils sont ensuite transformés en pre-miRNA grâce à l’endonucléase Drosha, puis pris en charge par l’exportine-5 pour permettre leur sortie du noyau où ils sont clivés par l’enzyme Dicer formant ainsi un duplex de miRNA (Fellmann et Lowe, 2013). Ce duplex est ensuite incorporé dans un complexe multi-protéique baptisé RISC (RNA-induced silencing complexe) qui va induire sa dissociation. L’un des brins du duplex de miRNA sert alors de guide pour se lier à l’ARN cible et induit ainsi sa dégradation ou le blocage de sa traduction.

- Introduction : II. Traitements et essais thérapeutiques en cours -

Figure 12 : Schéma du mécanisme d’ARN interférence et des outils nécessaires pour induire la diminution de l’expression d’un gène.

La machinerie peut être utilisée à différents endroits, par l’introduction de shRNA, siRNA ou miRNA, (Fellmann et Lowe, 2013).

Une des approches thérapeutiques pour diminuer l’expression d’un gène consiste à utiliser des siRNA synthétiques, ou à reproduire plus fidèlement la biosynthèse des miRNA en utilisant des shRNA (small hairpin RNA). Ces molécules sont délivrées soit grâce à des vecteurs viraux, permettant une expression constante et durable des miRNA et shRNA (Fellmann et Lowe, 2013), soit grâce à des agents transfectants pour les siRNA synthétiques. Dans le cadre de la MH, le but est de diminuer l’expression de la huntingtine selon trois grandes stratégies détaillées ci-dessous : une diminution globale, appelée allèle non spécifique, ou une diminution spécifique de l’allèle muté en ciblant soit les répétitions CAG, soit les polymorphismes (SNP, pour Single-Nucleotide Polymorphism).

1. Diminution du gène de manière allèle non spécifique

Après avoir établi la preuve de principe de l’efficacité d’un siRNA ciblant l’exon 1 du gène

HTT in vitro (Liu et al., 2003), cette molécule a été injectée par voie intracérébroventriculaire

(ICV), avec un agent transfectant de type lipofectamine, dans des souris R6/2 qui montrent alors une diminution des inclusions nucléaires ainsi qu’un allongement de la durée de vie (Wang et al., 2005). Les siRNA peuvent aussi être conjugués à du cholestérol afin d’améliorer l’entrée dans les neurones (DiFiglia et al., 2007).

En utilisant un AAV2/1 permettant l’expression d’un shRNA ciblant l’exon 2 de HTT, et en l’injectant dans le striatum des souris N171-82Q, les chercheurs ont constaté une amélioration des problèmes moteurs (Harper et al., 2005). De manière intéressante, certains shRNA se sont révélés toxiques pour les neurones du striatum, même lorsqu’ils n’ont aucun effet sur HTT. Cependant, lorsque la même séquence est exprimée sous-forme de miRNA, la toxicité n’est plus visible (McBride et al., 2008). Cette stratégie a été validée par une autre équipe qui a utilisé un AAV2/5 afin d’exprimer un shRNA ciblant la région 5’UTR du transgène HTT chez la souris R6/1. La réduction des inclusions intranucléaires de muHTT entraîne un retard de l’apparition du phénotype de la MH chez ces souris (Rodriguez-Lebron

et al., 2005). L’effet neuroprotecteur de cet AAV a également été montré dans un modèle de

rat (Franich et al., 2008). Dans ces études, les modèles utilisés sont des animaux transgéniques qui possèdent également les 2 allèles Hdh murins endogènes. Les chercheurs ont donc également cherché à diminuer l’expression de Hdh murin, afin de savoir si la stratégie allèle non spécifique visant à diminuer également la huntingtine sauvage n’a pas de conséquence délétère sur l’organisme. Ainsi, une étude a utilisé un vecteur lentiviral pour exprimer différents shRNA ciblant à la fois le transcrit HTT humain et murin, et montre qu’une diminution partielle de HTT sauvage semble bien tolérée, même si cela altère différentes voies de signalisation associées avec la fonction de la huntingtine (Drouet et al., 2009). A l’aide d’un AAV2/1-miRNA, une autre étude confirme la tolérabilité du cerveau face à une diminution de 75% du niveau de HTT sauvage pendant quelques mois (Boudreau et al., 2009).

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2. Diminution du gène de manière allèle spécifique

a. En ciblant les SNP

Etant donné qu’une base non-appariée est suffisante pour bloquer la machinerie RISC et donc la dégradation de l’ARNm qui en découle, il est possible d’utiliser des siRNA qui peuvent discriminer l’allèle muté de l’allèle sauvage. En effet, si le siRNA cible une région contenant un SNP, le clivage de l’ARNm va avoir lieu uniquement pour l’allèle contenant la base complémentaire au siRNA, alors que l’autre allèle va peu ou pas être impacté (Bilsen et

al., 2008 ; Lombardi et al., 2009 ; Schwarz et al., 2006). Puisque de nombreux SNP sont

associés avec la MH, différentes équipes ont utilisé des siRNA pour induire une diminution spécifique de l’allèle muté.

b. En ciblant les répétitions CAG

Les chercheurs essaient d’adapter la technologie d’ARN interférence pour cibler les répétitions CAG. Compte tenu de la taille des shRNA ou siRNA, de 19 à 23 nucléotides en général, il semblerait difficile que ces molécules soient capables de différencier l’allèle muté de l’allèle sauvage. Cependant, différentes études ont montré que les structures secondaires sont différentes en fonction de la longueur de la queue polyglutamine (Busan et Weeks, 2013). De plus, la région 5’UTR en amont ainsi que la région codant pour les répétitions de proline (principalement des CCG) en aval des répétitions CAG forment dans l’ensemble une structure complexe représentée dans la figure 13. Ainsi, il est possible de tirer profit de ces différences structurelles. De manière intéressante, les siRNA « standards » qui vont reconnaître les répétitions CAG entraînent une dégradation de l’ARNm HTT via la machinerie RISC, sans sélectivité. Cependant, l’ajout de base(s) non-appariée(s) au sein du siRNA induit une très forte sélectivité en diminuant uniquement la huntingtine mutée (Fiszer et al., 2011, 2013 ; Hu et al., 2010 ; Yu et al., 2012). Il semblerait que ces siRNA avec mutation aient un mécanisme différent puisqu’ils n’entraînent pas de diminution de l’ARNm HTT. Il est très probable que ces siRNA soient capables de bloquer la traduction, étant donné que les répétitions CAG sont situées à seulement 51 nucléotides du site de début de traduction (Zhang et Friedlander, 2011).

Figure 13 : Représentation de la structure secondaire des transcrits HTT sauvage (17 répétitions CAG) et muté (41CAG).

En vert : la région 5’UTR, en orange : les répétitions CAG, en bleu : les répétitions CCN, (Busan et Weeks, 2013).

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