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B. Les macrophages et les lymphocytes T de la lamina propria et leur fonction pour le maintien de l’homéostasie des muqueuses

4. Les lymphocytes T du GALT

Il est communément accepté par la communauté des immunologistes que le tractus intestinal représenterait le plus grand compartiment lymphoïde chez l’Homme en terme de nombre de lymphocytes. Ce paradigme a été remis en cause par de nouvelles estimations qui proposent que le GALT, chez l’Homme comme chez la souris, contiendrait plutôt entre 5 à 20% des lymphocytes totaux de l’organisme (Ganusov & De Boer, 2007).

Néanmoins, une autre équipe s’intéressant cependant aux lymphocytes B montre que 70% d’entre elles résident dans la lamina propria (Pabst, Russell, & Brandtzaeg, 2008). Est-ce que l’intestin chez l’Homme adulte contient plus de lymphocytes T que la rate, les ganglions lymphatiques et la moelle osseuse? La question, toujours matière à débat, est rendue complexe par la dynamique de circulation des lymphocytes, leur cinétique d’entrée et de sortie, le temps de transit dans les tissus, la prolifération locale et l’apoptose qui sont autant de facteurs critiques et complexes pour l’estimation de la distribution de ces cellules. Toutefois il est certain que le GALT et en particulier dans l’intestin grêle, le segment le plus long, contient une proportion importante de lymphocytes T.

Chez le macaque rhésus comme chez l’Homme, les lymphocytes T CD3+

de la lamina propria saine co-expriment soit le récepteur CD4 soit le récepteur CD8 alors que l’épithélium contient quasi-exclusivement des cellules T cytotoxiques CD8+

(Veazey et al., 1997) et Figure 10.

Figure 10 : Immunohistofluorescence sur coupe d’intestin grêle humain (duodénum).

La section des villi montre la répartition des lymphocytes T CD4+ (rouge) et CD8+ (vert) dans la lamina propria alors que l’épithélium (bleu) contient quasi-exclusivement des cellules T CD8+. Les

macrophages exprimant également CD4 sont aussi révélés. D’après Brandtzaeg P. et al, 2007

a. Lymphocytes CD8+ intra-épithéliaux

Les lymphocytes intra-épithéliaux (IEL pour « Intra-Epithelial Lymphocytes ») sont retrouvés entre les cellules épithéliales de différents tissus notamment la peau (Havran, Chien, & Allison, 1991), les poumons (Pabst, Schuster, & Tschernig, 1999) et la cavité buccale (Mega et al., 1992). Les IEL sont quasi-exclusivement des lymphocytes et la plus grande population résiderait dans l’épithélium prismatique monostratifié de l’intestin (Ferguson, 1977).

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Une caractéristique majeure partagée par les IEL est l’expression de l’intégrine αEβ7 qui

interagit avec la E-cadhérine des cellules épithéliales, favorisant leur rétention localisée (Jenkinson et al., 2010), (Cerf-Bensussan et al., 1987). Dans l’intestin grêle de la souris comme chez l’Homme ou le macaque rhésus, les IEL sont majoritairement des lymphocytes T CD8+

(Veazey et al., 1997), dont le CD8 non conventionnel est composé d’homodimères αα ; 15% des IEL possèdent un TCR γδ alors que la lamina propria ne contient qu’une petite population de lymphocytes T γδ comparable aux lymphocytes circulants (Deusch et al., 1991). La migration des IEL diffère aussi des processus classiques de homing décrits pour les lymphocytes T. En effet, chez la souris, les IEL acquièrent leurs récepteurs de homing (αEβ7

et CCR9) dans le thymus, de façon dépendante de l’IL-7 (Shitara et al., 2013).

b. Lymphocytes T de la lamina propria

Les lymphocytes T de la lamina propria (LPL) sont bien décrits chez les PNH où ils ont fait l’objet de nombreuses études dans le contexte de l’infection par le SIV. Chez la souris, les LPL de l’intestin grêle sont majoritairement de type helper (Goodyear, Kumar, Dow, & Ryan, 2014). Chez le macaque rhésus, les résultats diffèrent sensiblement selon la méthode d’estimation utilisée, la grande majorité des estimations étant basée sur la dissociation mécanique et enzymatique des LPL suivie de leur analyse en cytométrie de flux. La plupart des études observent un ratio CD4/CD8 proche de 1 dans le jéjunum sain (Veazey et al., 1997), (Kenway-Lynch, Das, Pan, Lackner, & Pahar, 2013), (Verhoeven et al., 2014) tandis que certaines publications montrent parfois une majorité de cellules T CD4+

(Pahar, Lackner, & Veazey, 2006) ou à l’inverse des cellules cytotoxiques plus nombreuses au sein des LPL isolés (Smit-McBride et al., 1998). Ces résultats dénotent une efficacité d’isolement des LPLs variable selon les protocoles utilisés. Toutes les études s’accordent cependant sur le fait que les lymphocytes T CD4+

et CD8+

de la lamina propria sont majoritairement de phénotype mémoire.

i) Phénotype des LPL de la muqueuse saine

Chez l’Homme, l’extraction des lymphocytes T de la lamina propria à partir de biopsies a permis d’établir que 90% sont de phénotype mémoire/activé (Schieferdecker et al., 1990). Ainsi les LPL sont CD45RO+

, CD25+

et CD95+

. Chez le macaque rhésus, les LPL CD4+

et CD8+

sont également majoritairement de type mémoire. Le phénotype des cellules LPL CD4+

est beaucoup mieux décrit du fait du tropisme des virus de l’immunodéficience pour ces cellules.

Le pourcentage des LPL CD4+ qui expriment CCR5 ainsi que le taux d’expression de CCR5 par cellule sont augmentés par rapport aux lymphocytes T CD4+ du sang périphérique, ce qui fait de cette population une cible privilégiée des VIH/SIV (Meng et al., 2000) (Anton et al., 2000). Le pourcentage de cellules T CD4+

exprimant CXCR4 est similaire dans la lamina propria et les PBMC (« Peripheral Blood Mononuclear Cells ») mais la majorité des LPL CCR5+ chez l’Homme semblent co-exprimer le récepteur CXCR4 ; cette double expression des corécepteurs au VIH-1 rend les LPL d’autant plus permissifs à l’infection par les VIH et SIV (Poles, Elliott, Taing, Anton, & Chen, 2001).

Tous les TEM CD4+

de la lamina propria sont également caractérisés par l’expression de l’intégrine α4β7 chez le macaque rhésus (Kader, Bixler, Roederer, Veazey, & Mattapallil, 2009a). Plus précisément, 25% d’entre eux seraient α4

+

β7high (α4 +

β7hi

) tandis que les 75% restants exprimeraient β7 à un niveau intermédiaire (α4

+ β7 int ) ; les cellules α4 + β7 hi seraient préférentiellement infectées par le VIH/SIV (Kader, Bixler, Roederer, Veazey, & Mattapallil, 2009a) au cours de la phase aiguë de l’infection (Nawaz et al., 2011).

Chez l’Homme, les cellules T régulatrices (Treg) de l’intestin grêle sont plus nombreuses que dans les autres tissus périphériques et possèdent également un phénotype mémoire/activé caractéristique, contrairement aux Treg des ganglions périphériques et de la rate (Guo et al., 2008).

ii) Fonctions des cellules T de la lamina propria

Chez l’Homme et les PNH, les lymphocytes T isolés des plaques de Peyer et de la lamina propria de l’intestin grêle sécrèteraient en majorité de l’interféron-γ (IFN-γ), de l’interleukine-17 (IL-17) et de l’Interleukine-22 (IL-22) (Brenchley et al., 2008), (Liang et al., 2006). Ex vivo, les lymphocytes T du GALT stimulés vont donc majoritairement s’orienter vers des réponses de type Th1 (sécrétrices d’ IFN-γ, (Mosmann, Cherwinski, Bond, Giedlin, & Coffman, 2005)) et Th17 (productrices d’IL-17 et IL-22).

Le rôle des Th1 pro-inflammatoires est bien décrit. La sous-population de cellules Th17 fait l’objet d’investigations plus récentes puisque la caractérisation du lignage Th17 chez la souris date de 2005 (L. E. Harrington et al., 2005). Etant donné que leur rôle dans l’immunité muqueuse est particulièrement étudié dans le cadre de l’infection par le VIH et les SIV, nous détaillerons uniquement la fonction des lymphocytes Th17.

• Rôle des lymphocytes Th17

Chez le macaque rhésus, la perte des cellules Th17 dans la muqueuse iléale est associée à l’infection systémique par Salmonella typhimurium, une bactérie dont la dissémination est normalement contrôlée par les réponses inflammatoires (Raffatellu et al., 2008). Par ailleurs, les individus atteints de mutations affectant la cytokine IL-17 ou son récepteur (IL-17RA), développent des atteintes chroniques cutanéomuqueuses causées par Candida Albicans, normalement commensale chez son hôte (Puel et al., 2011). Ces résultats démontrent le rôle des lymphocytes Th17 dans la protection contre les pathogènes extracellulaires et en particulier au niveau des muqueuses. De plus, chez les patients atteints de la maladie de Crohn la balance Th17/Treg serait affectée en faveur des Th17 et directement liée au nombre de lymphocytes Th17 dans la lamina propria du colon (Pene et al., 2008). Les cellules Th17 ont également été incriminées dans plusieurs maladies auto-immunes humaines (pour revue, (Maddur, Miossec, Kaveri, & Bayry, 2012)).

Ces observations mettent en évidence une fonction pro-inflammatoire des cellules Th17 de la muqueuse intestinale qui semble être protectrice, à condition que leur nombre soit maintenu à l’équilibre avec les cellules Treg.

En outre, les lymphocytes Th17 jouent également un rôle sur le renouvellement de la barrière intestinale, via la sécrétion d’IL-17 et d’IL-22 qui se lient à leur récepteur présents à la surface des cellules épithéliales de la muqueuse (Kinugasa, Sakaguchi, Gu, & Reinecker, 2000). De plus, chez la souris, l’IL-17 stimule les cellules épithéliales pour la production de peptides anti-microbiens (Liang et al., 2006). Il est bien décrit que les lymphocytes T CD8+

de la muqueuse produisent également de l’IL-17 et récemment d’autres populations cellulaires ont été identifiées, qui seraient capables de sécréter ces cytokines comme les LTi, les ILC ou encore les lymphocytes T γδ (Hammerich & Tacke, 2014), (P. Kumar, Rajasekaran, Palmer, Thakar, & Malarkannan, 2013) , (Mizuno et al., 2014).

Les souris « germ-free » élevées dès la naissance en conditions stériles permettent de contrôler expérimentalement leur microbiote. Les cellules Th17 seraient absentes chez la souris « germ-free » qui semblent toutefois posséder un nombre normal de cellules T intestinales ; après colonisation par une flore microbienne complexe contenant bactéries commensales et pathogènes, les cellules Th17 sont alors retrouvées en nombre abondant (Ivanov et al., 2008). De plus, l’apport d’un unique type de bactérie a permis de mettre en évidence des réponses cytokiniques spécifiques d’un type bactérien donné (Lochner et al., 2011). Ainsi, la génération des cellules Th17 et leur fonction dans la muqueuse intestinale seraient contrôlées par les bactéries commensales. Même s’il semble difficile d’extrapoler ces découvertes à l’Homme et son richissime et complexe microbiote, la composition de la flore microbienne participe certainement à la régulation des réponses T de la muqueuse.

c. Lymphocytes T double positifs

Chez le macaque rhésus, une sous-population de lymphocytes T exprimant à la fois CD4 et CD8 a été identifiée dans la lamina propria, dont 80% sont des TEM hautement activées exprimant fortement la molécule du CMH de classe II (Mamula-DR chez le macaque) et CCR5 et auraient une capacité effectrice supérieure aux lymphocytes T CD4+ simples positifs, en terme de production de cytokines (Macchia, Gauduin, Kaur, & Johnson, 2006) et (Pahar et al., 2006). En périphérie cette population CD3+

CD4+

CD8+

est également retrouvée chez l’Homme même si elle représente un plus faible pourcentage que dans la circulation sanguine des primates (Magalhaes et al., n.d.).

Les surfaces muqueuses au carrefour entre antigènes alimentaires et bactéries commensales nécessitent un système immunitaire finement régulé. Une réponse pro- inflammatoire excessive peut avoir des conséquences dévastatrices sur l’intégrité de la muqueuse. D’une manière générale, le déclenchement, le maintien et la résolution des réponses innées et adaptatives de la muqueuse dépendent de la migration des cellules immunitaires. Le recrutement des lymphocytes T vers le GALT (ou « homing ») joue ainsi un rôle prépondérant dans le maintien de l’intégrité de la muqueuse.