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a Lutter contre les logiques gestionnaires qui éloignent du travail auprès de l’enfant

205 Recommandation de l’action 72 de la feuille de route de la protection de l’enfance « clarifier les modalités de contrôle et d’accompagnement

des établissements et services de protection de l’enfance », p. 16.

206 Voir sur ce point la circulaire de la ministre de la justice, garde des Sceaux, du 15 mars 2019 relative à la campagne budgétaire 2019 des

établissements et services concourant à la mission de protection judiciaire de la jeunesse, NOR : JUSF1907890C.

207 SERAFIN-PH est l’acronyme de « Services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes

handicapées ».

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208 MAIS, « Pour une réforme tarifaire, quand SERAFIN justifiera les moyens... ou SERAFIN un projet réducteur » http://www.mais.asso.fr/sites/

mais.asso.fr/files/atoms/files/SERAFIN%20PH%20-%20le%20positionnement%20du%20MAIS.pdf.

209 MAIS, « Pour une réforme tarifaire, quand SERAFIN justifiera les moyens... ou SERAFIN un projet réducteur ».

Ces structures ne seront ainsi plus financées au prix de journée, en fonction de la présence ou non de la personne handicapée, mais en fonction des « actes » réalisés.

Les objectifs assignés à cette réforme semblent favorables à la qualité de la prise en charge des enfants handicapés. Ils visent, en effet, tout en veillant à respecter une meilleure gestion des finances publiques, à promouvoir une société inclusive, abaisser les frontières entre les secteurs sanitaire, social et médico-social pour faciliter les parcours des personnes en situation de handicap, garantir l’accès aux soins et proposer une réponse adaptée à chaque personne. Des critiques et inquiétudes peuvent toutefois être relevées.

Selon le Mouvement pour l’accompagnement et l’insertion sociale, l’accompagnement de l’enfant handicapé en serait ainsi réduit à son besoin, c’est-à-dire ce qui lui a été prescrit comme strictement nécessaire. D’une part

« ce mode de gouvernance par les grilles, les codes, expression d’une administration, rabat la personne vers un statut déprécié

en mettant en place des mécanismes de déshumanisation : chacun doit correspondre à une classification normative, standardisée » ; d’autre part « cette nomenclature définit une réponse forfaitaire à une situation donnée.

Cette adaptation du langage bureaucratique, cette gouvernance par les normes rabaissent les professionnels à devenir des exécutants et disqualifient leurs savoir-faire »208.

L’intervention sociale se réduirait à « exécuter une prescription là encore sans prendre en considération les fondements de l’action éducative au plus près de son déroulement, au regard des obstacles rencontrés, des solutions échafaudées, des replis, des ratés, des embûches, des embardées, des réussites, du hasard... autant de reflets des actions menées sur le terrain. Celles-ci témoignent d’un travail participant d’une stratégie globale d’intervention, basée sur une appréhension intégrale de la personne, adoptant le principe d’essai-erreur, de l’expérimentation...

de la prise de risque comme terrain d’apprentissage. (…) C’est une réponse personnalisée...du « sur-mesure. »209.

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Cet écueil a déjà été noté concernant les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM) dont la conclusion, instaurée par la loi du 2 janvier 2002210, a été rendue obligatoire par la loi de financement de sécurité sociale de 2016211 pour les établissements et services pour enfants en situation de handicap totalement ou partiellement financés par l’Assurance maladie212. Ils présentent l’avantage de donner les moyens aux

gestionnaires des structures de construire des projets d’évolution de leurs établissements dans la durée, en offrant un cadre pluriannuel aux objectifs et aux financements actés par les signatures de ces contrats à l’issue d’un dialogue plus stratégique. Néanmoins, une enquête réalisée par la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne relève que, pour les établissements ayant déjà signé un CPOM, le processus de négociation est souvent « industriel », avec la fixation d’objectifs standards, parfois peu en prise avec la richesse des activités développées par les acteurs de terrain. La moitié des répondants révèle également avoir une marge de manœuvre réduite sur la négociation des éléments qualitatifs de leur CPOM213.

Enfin, lors des auditions réalisées dans le cadre du présent rapport, il a été souligné que la logique de réponse à des appels à projets auxquels sont soumis notamment les établissements relevant du secteur privé est parfois extrêmement chronophage et peut aboutir à des choix stratégiques desquels la considération de l’intérêt supérieur de l’enfant peut être très éloigné.

Il convient ainsi de rester vigilant à ce que l’élaboration de ces outils, qui peut répondre à une nécessité, ne conduise pas à une standardisation des conditions d’accueil et de prise en charge, freinant le travail de réflexion partenarial conduit au plus près des enfants et ne permettant pas de répondre efficacement aux spécificités et aux besoins individuels de ces derniers.

Le risque actuel est celui de la généralisation de la primauté des logiques gestionnaires sur les considérations liées aux besoins et au bien-être des enfants. C’est ainsi que le collectif

« Pas de bébé à la consigne » faisait part, en mars 2019, de ses craintes quant à la réduction du taux d’encadrement des enfants ou de l’espace pour accueillir les nourrissons au sein des établissements d’accueil des jeunes enfants, alors que ces derniers ont besoin de suffisamment d’attention et d’espace pour évoluer et développer leur motricité. Ces inquiétudes semblent se confirmer : dans son communiqué du 1er juillet 2019, le collectif note que le gouvernement ouvre la discussion sur l’alternative entre un taux d’encadrement d’ 1 pour 5 enfants âgés de moins de 18 mois et 1 pour 8 enfants âgés de plus de 18 mois ou bien 1 pour 6 tous âges confondus. Or, il considère que la première hypothèse constituerait une solution de quasi statu quo avec l’existant alors même que le taux d’encadrement de la France est bas en comparaison d’autres pays de l’OCDE. La deuxième hypothèse est préoccupante en ce qu’elle entrainerait une dégradation du taux d’encadrement pour les plus petits alors même qu’ils requièrent une disponibilité individualisée.

210 Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, NOR: MESX0000158L.

211 Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, NOR: FCPX1523191L.

212 Voir sur ce point article L.313-12-2 du CASF.

213 FEHAP, « Premier état des lieux de la contractualisation CPOM obligatoire dans le champ social et médico-social », La Lettre de l’Observatoire

économique, social et financier n°23 • mars - avril 2019.

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Lors des auditions, de nombreux interlocuteurs ont fait part d’une évolution des conditions de travail qui conduit parfois à des pertes de sens pour les professionnels, susceptibles de générer de leur part des comportements inadaptés à l’égard des enfants.

Ainsi, l’évolution de la règlementation liée au temps de travail est parfois mal vécue par certains professionnels du secteur social et médico-social dans la mesure où elle leur impose de mettre fin à leur service alors même qu’un enfant ou adolescent qu’ils accompagnent aurait besoin leur présence auprès de lui, ou encore ne leur permet pas de les accompagner lors d’une sortie ou d’un séjour organisé. Le respect des règles relatives au temps de travail est essentiel pour assurer la protection des salariés mais également des mineurs accueillis. Une certaine souplesse doit toutefois pouvoir être observée dans l’élaboration des plannings afin de tenir compte des besoins de chacun. De même, un professionnel qui doit quitter son lieu de travail alors que l’enfant ou l’adolescent qu’il suit est en difficulté doit pouvoir compter sur un relais effectif assuré par un collègue qui le connait et est au courant de la problématique.

L’organisation d’équipe, l’anticipation des plannings et des relais, les transmissions, sont autant d’outils qui devraient permettre, s’ils sont bien investis, de clarifier le rôle de chacun et de rassurer tant les professionnels que les enfants sur la continuité de la présence de l’adulte.

La clarification des rôles doit s’accompagner d’une prise en compte globale de l’enfant par l’ensemble de l’équipe. Les temps informels entre les enfants et les adultes qui les entourent, quels qu’ils soient, sont souvent très importants pour l’établissement des interactions avec les enfants (veilleur de nuit, maîtresse de maison par exemple). Une dérive qui tendrait à assigner chacun dans une spécialisation excessive des tâches, par souci de rentabilité de la structure et en réponse à une logique de prestations, pourrait s’avérer préjudiciable aux enfants et aux professionnels.

Par ailleurs, le « tournant gestionnaire » observé dans les institutions publiques a coïncidé avec un accroissement des normes et procédures qui sont venues encadrer les activités auprès de mineurs ou leurs conditions d’accueil. Depuis, des activités, telles que cuisiner avec des enfants en foyer, ne sont plus proposées ; des salles de convivialité ont été fermées. Les normes de sécurité sont essentielles dans l’intérêt des enfants. Elles ne doivent pas toutefois être considérées comme un frein insurmontable à la mise en œuvre de temps et d’activités collectives. L’écueil serait de refuser d’organiser une activité car le cahier des charges serait trop lourd à respecter, ou de fermer des lieux plutôt que de procéder à leur mise en conformité. Des solutions doivent être recherchées afin de permettre des temps d’échange, de convivialité, autour d’activités fédératrices et ludiques, source de bien être pour les enfants.

Enfin, depuis une décennie, le nombre de documents à renseigner pour l’accueil et l’accompagnement d’un enfant, que ce soit dans le secteur médico-social ou en protection de l’enfance, a fortement augmenté. Ont ainsi vu le jour le document individuel de prise en charge, le livret d’accueil, le projet personnalisé, individualisé ou

d’accompagnement, le projet pour l’enfant (PPE), etc., autant de documents qui se sont empilés plutôt que complétés. Aujourd’hui, certains professionnels estiment que

l’obligation qui leur est faite de renseigner ces documents les éloigne de leur cœur de métier, c’est-à-dire de l’intervention directe auprès des enfants.

Si l’élaboration et le renseignement de certains documents administratifs sont importants, le temps passé à ces tâches ne devrait pas réduire la qualité de la prise en charge de l’enfant. Le Défenseur des droits a déjà recommandé une simplification des obligations faites aux établissements et services éducatifs, en termes de production de documents écrits.

B Repenser les organisations de travail pour permettre