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Chapitre 1 : Introduction générale

1.3. Lutte au tarsonème du fraisier

1.3.4. La lutte biologique

Pour compléter l’éventail de moyens de lutte disponibles, une autre solution de remplacement à la lutte chimique serait le recours à la lutte biologique. La lutte biologique se définit comme « l’utilisation d’organismes vivants pour réprimer la densité de population ou l’impact d’un organisme nuisible spécifique, le rendant moins abondant ou moins dommageable qu’il ne le serait autrement » (Eilenberg et al. 2001). Il existe principalement quatre types de lutte biologique, soit la lutte biologique classique, inondative, inoculative et de conservation (Hajek 2004). La lutte biologique classique consiste à « introduire de façon intentionnelle un agent de lutte biologique exotique dans le but de son établissement permanent et du contrôle à long terme de l’organisme nuisible ciblé » (Eilenberg et al. 2001). La lutte biologique inondative et inoculative font partie de la lutte augmentative, qui ne vise pas l’établissement permanent de l’agent de lutte. Elles sont utilisées lorsque les ennemis naturels sont absents, en nombre insuffisant ou que leur contrôle surviendrait trop tard pour éviter les dommages (Hajek 2004). Bien qu’elles partagent certaines similarités, la première vise un contrôle rapide et immédiat de l’organisme nuisible avec les agents de lutte introduits, alors que la deuxième a plutôt pour but que ces agents «se multiplient et contrôlent le ravageur pour une période prolongée, sans être permanente » (Eilenberg et al. 2001). La lutte de conservation, quant à elle, est plutôt indirecte et vise à « modifier l’environnement ou les pratiques existantes pour protéger et promouvoir les ennemis naturels spécifiques ou autres organismes afin de réduire l’effet des ravageurs » (Eilenberg et al. 2001).

C’est majoritairement dans un but de lutte biologique augmentative inondative que les agents de lutte sont produits en masse et distribués commercialement. Parmi ceux-ci, on compte des bactéries, des champignons, des nématodes et des arthropodes parasitoïdes ou prédateurs (Hajek 2004). Le succès ou l’échec des introductions dépendront de plusieurs paramètres, dont la dose, le moment de l’application, la synchronisation avec le stade sensible de l’organisme nuisible, la surface traitée et la quantité de précipitations post-introduction (Hajek 2004). Il est parfois nécessaire de faire plusieurs introductions pour avoir une bonne efficacité et le ratio prédateur-proie est important.

Plusieurs motifs expliquent le recours à la lutte biologique. Ceux-ci sont majoritairement reliés aux problématiques de la lutte chimique. On retrouve ainsi le développement de résistance du ravageur à l’égard des pesticides utilisés, les problèmes de ravageurs secondaires suite à une pulvérisation, l’absence de matières actives efficaces contre le ravageur ou encore pour des raisons de santé humaine et environnementale (Hajek 2004). La lutte biologique comporte plusieurs avantages qui sont, conséquemment, un motif à son adoption. Il n’y a aucun délai requis entre le traitement et la récolte,

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ni de résidus de pesticides sur les produits ou de dommages phytotoxiques sur les plantes. De plus, le ravageur ne développe pas de résistance face à l’arthropode (van Lenteren et al. 2017).

Toutefois, la lutte biologique comporte aussi des limitations. Elle agit généralement plus lentement qu’un traitement pesticide. Son degré d’efficacité et le niveau de mortalité du ravageur sont également plus difficiles à prévoir. De plus, comme il s’agit d’organismes vivants, ils ne peuvent être standardisés et leur durée de vie est limitée, ce qui complique leur production et leur distribution (Bale et al. 2008). Finalement, l’éradication complète du ravageur est plutôt rare, puisque la lutte biologique réduit plutôt les populations, ce qui peut constituer un avantage ou un désavantage selon les situations (Bale et al. 2008).

La lutte biologique contre le tarsonème du fraisier a fait l’objet de recherches au cours des dernières années. Tout d’abord, l’efficacité du champignon entomopathogène Beauveria bassiana a été évaluée par l’équipe de Labanowska et al. (2015). Ce champignon est commercialisé contre une vaste gamme de ravageurs, dont plusieurs coléoptères, hémiptères, lépidoptères, orthoptères et thysanoptères (Hajek 2004). Toutefois, son niveau de contrôle était inférieur et de plus courte durée que le traitement acaricide à l’abamectine et était statistiquement semblable au témoin non traité (Łabanowska et al. 2015). C’est plutôt la lutte biologique à l’aide d’acariens phytoséiides prédateurs qui demeure la plus prometteuse et la plus étudiée.

1.3.4.1. Les acariens phytoséiides Description

Les phytoséiides constituent la plus importante famille d’acariens prédateurs appartenant à l’ordre des Mesostigmata. Il s’agit d’une très grande famille regroupant 91 genres. Parmi ceux-ci, les genres Typhlodromus, Amblyseius, Neoseiulus, Phytoseius, Eusieus et Proprioseiopsis regroupent le plus grand nombre d’espèces (McMurtry et al. 2015). Ce sont des acariens en forme de poire possédant de longues pattes. Leur couleur est influencée par leur diète et peut prendre des teintes variant entre le blanc, le brun et le rouge (Hoy 2011a). La femelle adulte mesure 0,5 mm alors que le mâle fait la moitié de cette taille et est plutôt de forme ovale (Hoy 2011a).

Mis à part l’Antarctique, les phytoséiides sont présents sur tous les continents et la majorité (85 %) vit sur les plantes, tandis que 6 % d’entre eux sont terricoles ou vivent dans l’humus et la litière (McMurtry et al. 2015). Ce sont principalement des prédateurs d’acariens et d’autres petits insectes, pouvant également se nourrir de pollen, de spores fongiques, d’exsudats de plante et de nématodes (Zhang 2003). Pour compléter leur alimentation, certains phytoséiides du genre Euseius pourraient se

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nourrir de cellules de plantes, mais n’occasionneraient pas de dommages économiques (McMurtry et al. 2013).

Les phytoséiides sont classés en quatre grands types, avec ou sans subdivisions, en fonction de leur mode de vie et leur préférence alimentaire (McMurtry et al. 2013). Le type I présente des espèces ayant une spécificité obligatoire au tétranyque (Tetranychus spp.), comme c’est le cas du genre Phytoseiulus. Le type II démontre une préférence pour les tétranyques et regroupe notamment des espèces des genres Neoseiulus, Galendromus et Typhlodromus. Le type III, quant à lui, renferme des espèces généralistes se nourrissant d’acariens, de petits insectes et de pollen. Plusieurs genres variés font partie de ce type, notamment d’autres Neoseiulus et Amblyseius. Finalement, le type IV présente des prédateurs généralistes possédant une préférence pour le pollen, principalement des Euseius, Iphiseius et Iphiseiodes (McMurtry et al. 2013). Les genres Neoseiulus, Amblyseius et Phytoseiulus sont les plus fréquemment utilisés en lutte biologique.

Le degré optimal de spécificité du prédateur à sa proie ne fait pas consensus en lutte biologique. En effet, les phytoséiides spécialistes offrent l’avantage de se concentrer sur leur proie, ce qui augmente l’efficacité et la rapidité du contrôle. Toutefois, ils ne peuvent survivre dans la culture en absence de proies. Les généralistes, quant à eux, peuvent se nourrir de sources alternatives de nourriture en absence de proies, ce qui leur permet de se maintenir dans la culture plus longtemps. Par contre, leur contrôle sera plus lent et un peu moins efficace en lutte augmentative, sauf si les autres sources de nourriture sont rares (Hoy 2011a). Le choix de l’un ou l’autre dépendra des buts recherchés.

Les phytoséiides n’ayant pas d’yeux, ils repèrent leurs proies à l’aide de signaux chimiques provenant des ravageurs, tels que des kairomones, des fèces ou encore des composés volatils émis par la plante en réponse à leur alimentation. Ceux-ci seront perçus par les phytoséiides à l’aide de récepteurs sensoriels situés sur leurs palpes et leurs pattes I (Hoy 2011a). Lorsqu’un signal est détecté, les phytoséiides se déplaceront plus lentement et tourneront plus fréquemment afin de se diriger vers les proies.

Ces acariens possèdent une grande capacité de dispersion. Tout d’abord, ils peuvent marcher pour se déplacer sur les feuilles d’un même plant ou entre les différents plants. Ils peuvent également déambuler sur une distance de quelques mètres sur la surface du sol, notamment par le biais de mauvaises herbes (Hoy 2011a). Ensuite, certains phytoséiides, dont N. fallacis, peuvent se disperser par voie aérienne (Figure 4). Pour se faire, la femelle se positionne à l’extrémité d’une feuille, puis se dresse sur ses pattes postérieures, dos au courant d’air. Elle sera emportée par le vent lorsque celui-

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ci sera supérieur à 1,6 km/h (Johnson et Croft 1976). La vitesse de ce déplacement peut être de 0,39 à 0,73 m/s (Jung et Croft 2001). La dispersion aérienne est toutefois hasardeuse pour l’acarien, car les conditions du lieu d’atterrissage et la présence de proies ne sont pas garanties (Hoy 2011a). De façon générale, que ce soit en marchant ou par voie aérienne, la dispersion s’effectue par les femelles accouplées nouvellement émergées en période pré-ovipositoire (Hoy 2011a). Les phytoséiides spécialistes ont également une plus grande propension aux déplacements que les généralistes (Jung et Croft 2001). Contrairement à certains acariens, les phytoséiides ne font pas de phorésie, c’est-à- dire qu’ils ne s’accrochent pas à d’autres insectes pour se déplacer (Hoy 2011a).

L’efficacité, la survie et la reproduction des phytoséiides sont grandement influencées par des facteurs de stress environnementaux. En effet, plusieurs phénomènes abiotiques, tels que la température, l’humidité, le rayonnement ultraviolet et les pesticides, peuvent moduler de façon positive ou négative la performance de ces acariens (Ghazy et al. 2016). Bien que tous ces paramètres soient essentiels, la résistance aux pesticides est très importante pour un programme de lutte intégrée, puisque l’utilisation de pesticides y est fréquente (Hoy 2011a; Tuovinen et al. 2009).

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Figure 4. Étapes de la dispersion aérienne de N. fallacis. (A) Recherche aléatoire sur le substrat (B) Orientation dans le sens

du courant d’air dominant (vue dorsale); (C) Position redressée sur les pattes postérieures, dos au courant d’air (af); (D) Décollage. Tirée de Johnson et Croft (1976).

Les phytoséiides sont également soumis à des stress biotiques, comme le cannibalisme, la prédation intraguilde, le manque de nourriture et les agents pathogènes. Ainsi, en pénurie de proies, du cannibalisme peut survenir principalement de la part des femelles adultes et des protonymphes sur

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les jeunes larves et parfois sur les œufs (Schausberger 2003). Il peut également y avoir de la prédation intraguilde lorsque plusieurs espèces compétitionnent pour la même ressource. La dynamique de celle-ci est propre à chaque espèce et aux conditions du milieu. Toutefois, lorsque les proies sont rares, les acariens spécialistes auront tendance à être délogés par les généralistes (Schausberger et Walzer 2001; Zhang et Croft 1995). Ce phénomène, si présent en trop grande importance, peut compromettre l’efficacité d’un programme de lutte biologique en diminuant le nombre de prédateurs présents ou encore, en favorisant la consommation de compétiteurs au détriment des proies (Ghazy et al. 2016). Le manque de nourriture peut affecter plusieurs fonctions comme la reproduction, le sexe-ratio, la capacité de recherche de nourriture et de dispersion. Toutefois, la tolérance à celui-ci dépend grandement de l’espèce et peut varier selon le stade de développement, la température et l’eau disponible (Ghazy et al. 2016). De plus, les spécialistes seraient plus sensibles au manque de nourriture que les généralistes qui, eux, peuvent se nourrir d’autres sources de nourriture. Finalement, les phytoséiides peuvent être atteints par des agents pathogènes, dont des champignons, protozoaires, virus et bactéries (Ghazy et al. 2016). Le degré de sensibilité ou de résistance des phytoséiides face à ces facteurs de stress est propre à chaque espèce. De plus, il est préférable de considérer les interactions plutôt que chaque facteur pris isolément, car des effets additifs, antagonistes ou synergiques entre ceux-ci sont fréquents (Ghazy et al. 2016). La prise en compte de ces éléments de stress permet de mieux comprendre les facteurs de réussite de la lutte biologique.

Cycle de vie

Les phytoséiides possèdent cinq stades de vie, soit l’œuf, la larve, la protonymphe, la deutonymphe et l’adulte. Le cycle de vie est présenté à la Figure 5. La larve possède trois paires de pattes, contrairement aux autres stades mobiles qui comptent quatre paires. Un cycle complet prend en moyenne sept à 10 jours pour la femelle et est généralement plus court chez le mâle. Ce temps de développement peut varier selon l’espèce, la température, l’humidité ainsi que l’abondance ou la diversité des proies disponibles (Hoy 2011a; Jeppson et al. 1975).

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Figure 5. Cycle de vie d'un acarien phytoséiide typique à 27°C et 70 % HR. Adaptée de Yaninek et al. (1989).

Les mâles vont fréquemment être observés à « guetter » une femelle deutonymphe quiescente afin de pouvoir s’accoupler dès que la mue de cette dernière est complétée. Les accouplements entre frères et sœurs sont fréquents chez les phytoséiides (Hoy 2011a). Les femelles sont dites parahaploïdes (ou pseudo-arrhénotoques). Ainsi, elles doivent être fécondées, souvent plusieurs fois, pour pouvoir pondre leurs œufs qui seront diploïdes initialement. La ploïdie peut ensuite changer au cours de l’embryogénèse. Les œufs diploïdes donneront les femelles, alors que les mâles deviendront haploïdes durant l’embryogénèse en perdant les chromosomes reçus du père (Hoy 2011a). Chez les phytoséiides, les femelles sont généralement plus abondantes que les mâles, avec un sexe-ratio de 3 :1 pour plusieurs espèces. Ces femelles vont pondre de deux à quatre œufs par jour, pour un total de 20 à 50 œufs par femelle (Hoy 2011a). Pour pouvoir éclore, ceux-ci ont besoin d’une humidité relative élevée, généralement un minimum de 60 % est requis (Ferrero et al. 2010).

Bien qu’en régions tropicales le développement s’effectue à l’année, une diapause facultative hivernale peut être induite en régions tempérées par les jours courts ou une baisse de température (Zhang 2003). En tel cas, ce sera la femelle fécondée qui effectuera cette étape dans la litière, sous l’écorce ou encore à l’intérieur des écailles des bourgeons (Hoy 2011a; Jeppson et al. 1975).

22 1.3.4.2. Phytoséiides contre le tarsonème du fraisier Informations générales

Au cours des dernières décennies, plusieurs phytoséiides ont été étudiés comme agents de lutte biologique contre le tarsonème du fraisier, que ce soit des espèces indigènes ou introduites. Tout d’abord, la célèbre étude de Croft et al. (1998) a permis d’établir un premier tamisage de l’efficacité de certains phytoséiides. Ainsi, elle a classé en ordre décroissant d’efficacité les espèces étudiées selon leur prédation nette, soit le nombre de contacts résultant en la mort de P. pallidus. Le résultat obtenu était Typhlodromus pyri > N. fallacis > N. californicus > A. andersoni > Galendromus occidentalis. Les chercheurs avancent que cette différence entre les espèces s’expliquerait en partie par une absence de perception de stimuli tactiles favorables par certains phytoséiides, par leur difficulté à percer la cuticule du ravageur ou encore par leur capacité à demeurer ou non dans les endroits confinés où se cache P. pallidus (Croft et al. 1998).

D’autres espèces ont également fait l’objet de tests. C’est le cas notamment du prédateur bien connu de T. urticae, Phytoseiulus persimilis. Celui-ci s’est toutefois montré incapable de compléter son développement sur P. pallidus (Fitzgerald et Easterbrook 2003). Neoseiulus barkeri, quant à lui, peut abaisser de façon significative les densités de population du tarsonème du fraisier en laboratoire, surtout lorsque l’introduction des prédateurs est faite de façon préventive (Jay et Fountain 2015). Toutefois, lorsque l’essai fut porté à plus grande échelle, soit en tunnel de polyéthylène, aucune différence significative n’a pu être décelée. Même constat de la part de Tuovinen et al. (2009), où N. barkeri s’est montré moins efficace que N. cucumeris en champ et incapable de se maintenir sur une diète de pollen en absence de proies. Il est à noter que ce phytoséiide indigène commercialisé dans certains pays d’Europe n’est pas en vente au Canada. Dans des essais en serre, N. californicus a réussi à abaisser les populations de tarsonèmes jusqu’à 76 % (Easterbrook et al. 2001). Toutefois, dans une autre étude, toujours en serre, aucune différence significative avec le témoin non traité n’a été décelée (Jay et Fountain 2015). Étonnamment, peu d’études ont été faites avec A. swirskii, qui a pourtant démontré une bonne efficacité en serre contre un autre Tarsonemidae, le tarsonème trapu (Audenaert et al. 2009; Stansly et Castillo 2009; Tal et al. 2007). Cette situation pourrait s’expliquer en partie par les températures élevées requises pour son efficacité. Celles-ci sont peu compatibles avec les conditions optimales du tarsonème du fraisier qui sont plus fraîches. D’ailleurs, lors d’essais en serre effectués à l’automne, A. swirskii ne s’est pas différencié du témoin non traité dans le contrôle de P. pallidus (Jay et Fountain 2015).

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Au Québec, l’équipe de Tremblay et al. (2015) du Carrefour industriel et expérimental de Lanaudière (CIEL) a mené une étude exploratoire en laboratoire afin d’évaluer le potentiel d’insectes et d’acariens prédateurs contre P. pallidus. Dans cet essai, N. californicus et G. occidentalis n’ont pas réussi à se différencier du témoin pour la mortalité de P. pallidus, que ce soit avec ou sans choix de proie (avec T. urticae). La punaise Orius a offert un bon contrôle de P. pallidus avec une mortalité moyenne de 65 % sans choix de proie et s’est différenciée du témoin en présence de T. urticae, en offrant 45 % de mortalité de P. pallidus et 73 % de T. urticae. Toutefois, aucune différence significative avec le témoin n’a été décelée lorsque les essais furent portés en serre sur des plants de fraisiers.

Les essais en champ sont difficiles à effectuer avec ce ravageur. Ceci a été constaté notamment lors d’un projet financé par Agriculture et agroalimentaire Canada ayant eu lieu dans des fraisières de quatre provinces du Canada, soit la Nouvelle-Écosse, le Québec, l’Ontario et la Colombie- Britannique de 2006 à 2008. Le but de cette étude à grande échelle était d’évaluer la lutte biologique au tétranyque à deux points et au tarsonème du fraisier à l’aide de prédateurs. Ainsi, N. fallacis, N. californicus, P. persimilis et la cécidomyie prédatrice Feltiella acarisuga ont été testés dans des champs de producteurs canadiens. Toutefois, les pressions faibles du tarsonème et la grande variabilité dans les conditions étudiées n’ont pas permis de voir une tendance entre les parcelles traitées et non-traitées pour le contrôle du tarsonème (Solymár 2008).

Plusieurs facteurs de réussite pour la lutte biologique au tarsonème du fraisier en champ ont été soulevés. Ainsi, des introductions hâtives de prédateurs, adaptées selon la température et répétées dans la saison seraient à privilégier (Svensson 2008). Celles-ci devraient également être faites lorsque les populations de P. pallidus sont faibles (Easterbrook et al. 2001; Tuovinen et al. 2009). De plus, le moment d’intervention idéal en fraisière serait lors de la première année, puisque beaucoup moins de pesticides y sont pulvérisés (Croft et al. 1998).

En raison de leur potentiel plus élevé en conditions tempérées, les phytoséiides N. cucumeris, N. fallacis et A. andersoni seront traités plus en détail dans les sections suivantes.

Neoseiulus cucumeris

Neoseiulus cucumeris est un phytoséiide généraliste de type III bien connu pour son utilisation en serre contre les thrips (Gillespie 1989; Jones et al. 2005; Mouden et al. 2017; Williams 2001). Il est également un des prédateurs les plus fréquemment recommandés par les compagnies de lutte biologique contre le tarsonème du fraisier et le tarsonème trapu. Il peut compléter son cycle de vie à

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la fois en se nourrissant d’adultes et de nymphes de P. pallidus, mais apparemment pas des œufs (Fitzgerald et Easterbrook 2003). Il aurait également la capacité de se nourrir d’aleurodes et de tétranyques ne produisant pas de toiles (Reddy 2016). De plus, il peut compléter son cycle de vie en se nourrissant de pollen. Bien que cela lui confère un avantage de longévité dans la culture, l’addition de pollen peut diminuer son taux de prédation et ainsi, son efficacité en lutte biologique (Reddy 2016). De plus, son temps de développement est diminué et sa fertilité, grandement augmentée, avec l’addition de proies par rapport à une diète de pollen (Sarwar 2016). Lorsque nourri de nymphes de tarsonème du fraisier, le développement de l’œuf à l’adulte prend en moyenne 5,6 jours à 20°C (Fitzgerald et Easterbrook 2003). Selon Zhang (2003), celui-ci est plutôt de sept à neuf jours à 25°C, selon qu’il soit nourri de thrips ou de tétranyques respectivement. La femelle peut pondre en moyenne 2,2 œufs par jour résultant en 1,1 immatures par jour lorsque des tarsonèmes du fraisier lui sont offerts en abondance (Croft et al. 1998). Ce prédateur peut effectuer une diapause induite par les jours courts à l’automne. Toutefois, la plupart des lignées vendues commercialement ne font pas de diapause (Zhang 2003).

Figure 6. Neoseiulus cucumeris adulte. Photo: Stéphanie Patenaude

Neoseiulus cucumeris est un des phytoséiides les plus étudiés contre le tarsonème du fraisier. En effet, son efficacité en lutte biologique contre P. pallidus est connue depuis plus de 60 ans (Huffaker et Kennett 1953). Lors des essais de Croft et al. (1998), il a été démontré que sur des plants de fraisiers inoculés de 100 à 150 individus de P. pallidus, une introduction de cinq femelles N. cucumeris par plant a offert un très bon contrôle, avec une moyenne inférieure à un tarsonème par bourgeon lors du

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