• Aucun résultat trouvé

Lois des grands nombres

Soit (Xk)k≥1 une suite de variables al´eatoires r´eelles d´efinies sur le mˆeme espace probabilis´e (Ω,F,P). On ´etudie dans ce chapitre le comportement asymptotique de la suite (Mn)n≥1 des moyennes arithm´etiques :

Mn := 1 nSn = 1 n n X k=1 Xk.

(Re)lecture conseill´ee : [ICP], chap. 6.

8.1 Convergences de suites de variables al´eatoires

Commen¸cons par faire le point sur les divers modes de convergences pour une suite (Yn)n≥1 de variables al´eatoires r´eelles. Nous connaissons d´ej`a la convergence presque sˆure qui est l’autre nom de la convergence P-presque partout sur Ω et les convergences Lp (1≤p <+∞) :

Yn −−−−→Lp

n→+∞ Y ⇔ kYn−Ykp −−−−→

n→+∞ 0 ⇔ E|Yn−Y|p −−−−→ n→+∞ 0. Il est temps d’y ajouter la convergence en probabilit´e.

D´efinition 8.1. La suite Yn converge en probabilit´e vers Y (notation Yn−−−−→Pr n→+∞ Y) si

∀ε >0, P |Yn−Y|> ε −−−−→ n→+∞ 0.

Grˆace `a l’in´egalit´e de Markov, on voit imm´ediatement que cette nouvelle convergence est impliqu´ee par n’importe quelle convergence Lp (1≤p < +∞) :

∀ε >0, P |Yn−Y|> ε ≤ 1

εpE|Yn−Y|p.

Comme la convergence L implique toutes les convergences Lp (cf. th´eor`eme 6.18), elle implique aussi la convergence en probabilit´e.

Proposition 8.2. La convergence presque-sˆure implique la convergence en probabilit´e. D´emonstration. Fixons ε > 0. L’hypoth`ese de convergence presque sˆure de Yn vers Y signifie que l’´ev´enement

0 :={ω ∈Ω; lim

n→+∞Yn(ω) = Y(ω)} a pour probabilit´e 1. D´efinissons

0ε :={ω ∈Ω; ∃k0 =k0(ω), ∀n ≥k0, |Yn(ω)−Y(ω)|< ε}. C’est bien un ´ev`enement (i.e. Ω0ε ∈F) puisqu’il s’´ecrit

0ε = [ k∈N

\

n≥k

{|Yn−Y|< ε}.

De plus Ω0ε contient Ω0, donc P(Ω0ε) = 1. Pour toutk ≥1, notons Ak :={ω ∈Ω; ∀n ≥k, |Yn(ω)−Y(ω)|< ε}= \

n≥k

{|Yn−Y|< ε}.

La suite (Ak)k≥1 est clairement croissante pour l’inclusion et sa r´eunion est Ω0ε. Par continuit´e s´equentielle croissante de P, on a donc P(Ak) ↑ P(Ω0ε) = 1 (k → +∞). Par cons´equent,

∀δ >0, ∃k1, P(Ak1)>1−δ. Pour toutn ≥k1, l’´ev`enement{|Yn−Y|< ε}contient Ak1, d’o`u

∀n ≥k1, P(|Yn−Y|< ε)>1−δ et en passant `a l’´ev`enement compl´ementaire

∀n≥k1, P(|Yn−Y| ≥ε)< δ.

Ceci ´etablit la convergence vers 0 de P(|Yn−Y| ≥ε). Comme ε´etait quelconque, on a bien convergence en probabilit´e de Yn vers Y.

Remarque 8.3. La convergence en probabilit´e n’implique pas la convergence presque-sˆure. Voici un contre-exemple. On prend comme espace probabilis´e (]0,1],Bor(]0,1]), λ). On d´efinit les Yn comme suit :

Y1 =1]0,1],

Y2 =1]0,1/2], Y3 =1]1/2,1],

Y4 =1]0,1/4], Y5 =1]1/4,1/2], Y6 =1]1/2,3/4], Y7 =1]3/4,1],

Y8 =1]0,1/8], Y9 =1]1/8,1/4], . . . , Y15=1]7/8,1], Y16 =1]0,1/16], . . . .

Le lecteur qui ne se satisferait pas de cette d´efinition informelle peut toujours s’exercer `

a trouver une formule explicite pourYn. Sans entrer dans ces d´etails techniques, on peut facilement se convaincre de deux choses :

1. Pour toutω∈]0,1], la suite de«bits»(Yn(ω))n≥1 est form´ee d’une infinit´e de 0 et d’une infinit´e de 1. Elle ne peut donc converger (sa limite inf´erieure vaut 0 et sa limite sup´erieure 1). Ainsi non seulement on n’a pas de convergence presque sˆure de Yn, mais en plus Yn(ω) ne converge pour aucun ω∈Ω.

2. Pour 0 < ε < 1, P(|Yn−0| > ε) = P(Yn = 1) = λ(In), en notant In l’intervalle dyadique dont Yn est l’indicatrice. La longueur de cet intervalle tend vers z´ero quand n tend vers l’infini (`a la mˆeme vitesse que l’inverse du logarithme en base deux de n). Donc Yn converge vers 0 en probabilit´e.

8.2 Loi faible des grands nombres

Rappelons que si X est de carr´e int´egrable (EX2 <+∞), sa variance est d´efinie par VarX :=E(X−EX)2.

Si les Xk sont deux `a deux non corr´el´ees (ce qui a lieu en particulier lorsqu’elles sont ind´ependantes), on a l’´egalit´e

VarSn= n X

k=1

VarXk. (8.1)

Proposition 8.4 (In´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff ). Si les Xk sont de carr´es int´egrables et deux `a deux non corr´el´ees,

∀t >0, P n X k=1 (Xk−EXk) ≥t1 t2 n X k=1 VarXk. (8.2)

Preuve. Il suffit d’´ecrire :

P |Sn−ESn| ≥t=P |Sn−ESn|2 ≥t21

t2E(Sn−ESn)2 (8.3) = 1

t2 VarSn,

o`u l’in´egalit´e dans(8.3) est l’in´egalit´e de Markov appliqu´ee `a la variable al´eatoire positive |Sn−ESn|2. On conclut avec (8.1).

Th´eor`eme 8.5 (Loi faible des G.N.). Si les Xk sont de mˆeme loi, de carr´e int´egrable et deux `a deux non corr´el´ees, on a la convergence en probabilit´e :

1 n n X k=1 Xk −−−−→Pr n→+∞ EX1. (8.4)

Preuve. Comme les Xk ont mˆeme loi, on a pour tout k les ´egalit´es EXk = EX1 et VarXk = VarX1. Comme elles sont aussi deux `a deux non-corr´el´ees, (8.1) nous donne VarSn = nVarX1. Par lin´earit´e de l’esp´erance on a aussi ESn = nEX1. L’in´egalit´e de Bienaym´e-Tchebycheff nous dit alors que :

∀t >0, P |Sn−ESn| ≥t =P |Sn−nEX1| ≥tnVarX1 t2 . Posant t=nε, on en d´eduit : ∀ε >0, ∀n ∈N, P |Sn−nEX1| ≥nε =P Sn n −EX1 > εnVarX1 n2ε2 = VarX12 . Pour toutε >0 fix´e, on a ainsi

P Sn n −EX1 > ε ≤ VarX12 −−−−→ n→+∞ 0,

ce qui traduit exactement la convergence en probabilit´e de la suite de variables al´eatoires Sn/n vers la variable al´eatoire constante EX1.

8.3 Lois fortes des grands nombres

Th´eor`eme 8.6 (In´egalit´e de Kolmogorov). Soient X1, . . . , Xn des variables al´ ea-toires r´eelles ind´ependantes, de carr´es int´egrables et d’esp´erances nulles etSk:=Pki=1Xi. Alors

∀t >0, Pmax

1≤k≤n|Sk| ≥t1

t2VarSn. (8.5) Remarque 8.7. Si lesXk ne sont pas centr´ees (EXk6= 0), en posant Xk0 :=Xk−EXk, en appliquant (8.5) auxXk0 et en notant que VarXk = VarXk0, on obtient la version plus g´en´erale de l’in´egalit´e de Kolmogorov :

∀t >0, Pmax

1≤k≤n|Sk−ESk| ≥t1

t2 VarSn. (8.6) Remarque 8.8. L’in´egalit´e de Kolmogorov ressemble formellement `a celle de Bienaym´ e-Tchebycheff. Elle est cependant beaucoup plus puissante, puisqu’elle permet de contrˆoler en probabilit´e les d´eviations de toute la suite finie (Sk−ESk)1≤k≤n au lieu de seulement Sn−ESn pour Bienaym´e-Tchebycheff. L’hypoth`ese est aussi plus restrictive (ind´ epen-dance mutuelle au lieu de non-corr´elation deux `a deux).

Preuve du th´eor`eme 8.6. D´efinissons les ´ev`enements

A1 :={|S1| ≥t}={|X1| ≥t} et Ak:={|Sk| ≥t} ∩k1

Autrement ditω ∈Ak(l’´ev`enement ´el´ementaireωr´ealise l’´ev`enementAk) si et seulement si la suite finie |Sj(ω)|

1≤j≤natteint ou d´epassetla premi`ere fois pourj =k. Avec cette interpr´etation, il est clair que les Ak sont deux `a deux disjoints et que :

A:= ∪n

k=1Ak =max

1≤k≤n|Sk| ≥t . (8.7) On en d´eduit par croissance et additivit´e de l’int´egrale (ou de la mesure de densit´e Sn2 par rapport `a P) la minoration :

ESn2 = Z Sn2dP≥ Z A Sn2dP= n X k=1 Z Ak Sn2dP. (8.8)

En int´egrant surAk l’in´egalit´e ´el´ementaire

Sn2 =Sk+ (Sn−Sk)2 ≥Sk2+ 2Sk(Sn−Sk), on obtient Z Ak Sn2dP≥ Z Ak Sk2dP+ 2 Z Ak Sk(Sn−Sk) dP. (8.9)

On remarque alors queR

AkSk(Sn−Sk) dPpeut s’´ecrireE(Y Z) avec Y :=1AkSk etZ := Sn−Sk. Ces deux variables al´eatoires sont de carr´es int´egrables comme combinaisons lin´eaires de variables al´eatoires de carr´es int´egrables. La premi`ere Y est une fonction mesurable du seul vecteur al´eatoire (X1, . . . , Xk) tandis que Z est fonction mesurable du seul vecteur al´eatoire (Xk+1, . . . , Xn). Par cons´equent Y et Z sont ind´ependantes (corollaire 5.41) et E(Y Z) =EYEZ (proposition 5.43). Or EZ =E(Sn−Sk) =E n X j=k+1 Xj = n X j=k+1 EXj = 0, d’o`u RA

kSk(Sn −Sk) dP = 0 (r´esultat ´evident directement dans le cas particulier o`u k =n). En reportant ceci dans (8.9), on en d´eduit compte tenu de (8.8) :

VarSn=ESn2n X k=1 Z Ak Sk2dP. (8.10)

Vu la d´efinition de Ak, on a sur cet ´ev`enement |Sk| ≥ t, d’o`u R AkS2

kdP≥ t2P(Ak). En injectant cette minoration dans (8.10), en utilisant (8.7) et en rappelant que lesAk sont deux `a deux disjoints, on aboutit `a :

VarSnn X k=1 t2P(Ak) =t2Pn k=1Ak=t2P(A). L’in´egalit´eP(A)≤t2VarSn ainsi ´etablie est exactement (8.5).