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Localisation et dynamique intracellulaires des plasmides

B. Le modèle du plasmide R1 : ciblage de l’ARNm de RepA

III. LES SYSTEMES ACTIFS DE PARTITION PLASMIDIQUES

III.2 Localisation et dynamique intracellulaires des plasmides

Les premiers travaux de localisation du plasmide F ont été effectués grâce à la technique de FISH (Fluorescent In Situ Hybridation) (Niki and Hiraga, 1997). Cette méthode consiste à révéler la localisation subcellulaire d’une séquence spécifique d’ADN, par hybridation d’une sonde ADN couplée à un fluorochrome. Cette technique permet la localisation simultanée de plusieurs loci au sein d’une même cellule. Elle nécessite la fixation des cellules et limite donc l’analyse à une visualisation statique des loci d’intérêt.

Niki et Hiraga ont évalué la distribution statistique du plasmide mini-F suivant la taille de la cellule. Dans les jeunes cellules, de petite taille, le focus de fluorescence est localisé au centre de la cellule. Lorsque la cellule présente deux foci, ceux-ci sont localisés aux positions ¼ et ¾ de la cellule, correspondant au futur centre des cellules filles, quelque soit la taille de la cellule. Cette dernière observation suggère que la migration des plasmides n’est pas couplée à l’élongation de la cellule. De plus la fréquence de cellules avec deux foci très proches est très faible, suggérant qu’une fois répliqués les plasmides sont directement déplacés vers les positions ¼ et ¾ de la cellule. Ils y sont maintenus jusqu’à la fin de la cytokinèse (figure 8A). En absence du locus sop, les plasmides sont localisés de manière aléatoire dans le cytoplasme, mais en dehors des régions occupées par le nucléoïde bactérien (figure 8B). Ces résultats ont mis en évidence que le système sop est responsable du positionnement des plasmides dans la cellule (Niki and Hiraga, 1997).

Figure 9 : Suivi dans le temps de la localisation intracellulaire du plasmide mini-P1. Le plasmide mini-P1 est visualisé grâce à une fusion GFP-ParB se fixant sur des séquences

parS insérées sur le plasmide. Les flèches montrent les petits foci pouvant se dissocier et

s’associer au focus central. (Extrait de Li and Austin, 2002)

Les systèmes actifs de partition plasmidiques La même analyse a été menée en utilisant la technique de FROS (Fluorescent Repressor- Operator System). Des séquences opératrices lacO en tandem ont été insérées dans les plasmides F et P1 (Gordon et al., 1997; Gordon et al., 2004). Ces séquences sont reconnues par des fusions LacI-GFP (apportées en trans) qui permettent donc la localisation des plasmides, dans des cellules vivantes. Les plasmides F et P1 se localisent au centre de la cellule. Après duplication, ils migrent rapidement vers les futurs centres des cellules filles où ils sont maintenus. Ceci confirme les données obtenues par FISH, dans des cellules fixées et démontre que la mobilisation des deux plasmides se fait par un mécanisme commun.

Li et Austin ont aussi effectué l’analyse de la localisation du plasmide P1 en utilisant le système ParB-GFP-parS. Des séquences parS sont insérées dans le plasmide. Une fusion ParB-GFP se fixe sur ces séquences, permettant la visualisation dans le temps des chorégraphies des plasmides. Ces travaux ont montré une forte mobilité des plasmides P1 après l’événement de ségrégation. En condition de croissance en milieu minimum, la majeure partie des cellules ne présente qu’un seul focus central. Juste avant la division cellulaire, lorsque le septum est quasiment refermé, le focus se divise en deux foci, « éjectés » de manière bi-directionnelle, suivant l’axe de la cellule (figure 9). La cellule se divise et chaque cellule fille possède un focus hautement mobile ne possédant aucune localisation précise, pouvant se scinder en deux, puis se reformer (figure 9). La capture au centre de la cellule est alors tardive, immédiatement avant le prochain événement de division (Li and Austin, 2002; Li et al., 2002b). Les auteurs confirment que l’étape d’éjection est dépendante de ParA et la capture au septum de division nécessite ParB et parS (Li et al., 2004).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les divergences de résultats précédemment présentés. Les travaux de Niki et Hiraga ; Gordon et ses collaborateurs ont été effectués en milieu riche contrairement aux travaux de Li et Austin, effectués en milieu minimum (Gordon et al., 1997; Li and Austin, 2002; Niki and Hiraga, 1997). Ces derniers suggèrent que le positionnement immédiat aux futurs centres des cellules filles est dû à la mise en place immédiate des futurs septa. Les mouvements « libres » des plasmides sont alors atténués, voire indétectables dans ces cellules à croissance rapide dont les cycles cellulaires sont chevauchants. En effet, les plasmides doivent être localisés immédiatement aux futurs centres des cellules filles. En croissance lente, les plasmides sont mobiles tant que les futurs septa ne sont pas mis en place. La différence de résultats peut aussi être inhérente aux techniques utilisées. L’utilisation du système ParB-GFP-parS peut s’avérer délicate pour étudier la partition du plasmide P1. En effet, l’ajout de site parS et la production de protéine ParB-GFP pourraient interférer avec le système par du plasmide P1. La formation de plusieurs complexes de partition sur le même

Les systèmes actifs de partition plasmidiques plasmide pourrait favoriser un appariement prolongé des plasmides (voir chapitre III.4.2.), se traduisant par « l’éjection tardive » des plasmides, observée juste avant la division cellulaire. La technique de FISH présente aussi des désavantages, le principal étant la fixation des cellules. La distribution moyenne des positions des plasmides ne permet pas de visualiser des mouvements aléatoires des foci « éjectés » détectés par les techniques de « time-lapse ». En effet, dans les cellules fixées, deux foci distincts sont considérés comme des plasmides déjà ségrégés alors qu’il peut s’agir d’un événement de dissociation-réassociation visible dans les cellules vivantes. Li et Austin interprètent cette observation de la façon suivante : une copie de plasmide se dissocie d’un « cluster » de plasmide pour ensuite le réintégrer.

Ce phénomène se traduit par une différence entre le nombre de copies du plasmide dans la cellule et le nombre de foci observés. Ceci a été observé quelque soit la technique utilisée, excluant une limite des techniques de visualisation. L’analyse de la localisation de plasmides, dont le nombre de copies est supérieur aux plasmides F et P1, supporte cette observation. En effet, le plasmide RK2, présent dans la cellule entre 5 et 8 copies par équivalent chromosome n’est visualisé (par FISH ou par FROS) qu’à hauteur d’un ou deux foci (Pogliano et al., 2001; Weitao et al., 2000). Cette différence entre le nombre de copies et le nombre de foci observés est encore plus marquante dans l’étude de la localisation du pUC19. Ce plasmide est présent dans les conditions de l’expérience à 70 copies par cellule, mais est visualisé dans 79% des cellules en un seul focus et dans 21% en deux foci (Pogliano et al., 2001). Ces études montrent donc que dans la cellule, les copies de plasmides sont proches spatialement et associées en groupes ou « clusters ». La formation de ces « clusters » ne semble pas impliquer les systèmes par, compte tenu du fait que ce phénomène soit aussi observé chez les plasmides à haut nombre de copies ne possédant pas de tels systèmes. Chez les plasmides à bas nombre de copie, ce phénomène pourrait être dû au « handcuffing », via les protéines d’initiation Rep décrit au chapitre II.1.3 (figure 3). Pour les plasmides à haut nombre de copies la formation de ces clusters reste floue car ces plasmides ne possèdent pas de protéine Rep. Il faut noter alors que l’on ne considère plus un focus comme un seul plasmide mais plutôt comme une unité de ségrégation.

Finalement, ces différents travaux s’accordent sur le rôle des systèmes par dans le positionnement régulier des plasmides, étape indispensable à leur maintien au cours des générations. Mais ce système pourrait aussi être responsable d’une mobilisation permanente des plasmides aboutissant à une localisation moyenne centrée sur les futurs centres des cellules filles, réconciliant les différents points de vue débattus précédemment. Il a d’ailleurs été démontré récemment qu’un plasmide mini-RK2 délété de son système de partition

Figure 10 : Filaments de ParM et d’actine F.

A : image d’un filament de ParM en microscopie électronique. B : reconstruction tridimensionnelle.

C : reconstruction 3D avec en transparence 5 sous-unités de ParM. Enroulement “gauche”. D : reconstruction 3D avec en transparence 5 sous-unités d’actine F. Enroulement “droit”. (Extrait de van den Ent et al., 2002 ; Orlova et al., 2007)

Les systèmes actifs de partition plasmidiques présentait une localisation incorrecte mais aussi une forte mobilité au sein de la cellule. L’addition d’un système par (ici, sopABC) permet de restaurer le positionnement correct du plasmide mais aussi de limiter sa mobilité sans l’abolir complètement (Derman et al., 2008). Ces travaux renforcent l’idée d’une activité constante des systèmes par sur la mobilité et le maintien des plasmides à une localisation précise.

La nature des mécanismes qui sous-tendent ce processus biologique est encore mal connue concernant les systèmes par de type I. En revanche, les systèmes de ségrégation de type II sont mieux caractérisés. De nombreuses études ont été menées sur le système modèle

parMRC du plasmide R1 d’Escherichia coli, fournissant de nombreuses informations

nécessaires à la compréhension des systèmes de partition en général.

III.3 Le système parRMC du plasmide R1, un système de