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Livres † ı Seise ∫ ols papier compris † ı C'est pour le labeur du present moutier ce dix Sept mars

Bruny g

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Forme, langage et vocabulaire

L'inventaire Quinson-Merme est écrit sur un cahier non relié fait de neuf feuilles, au format 36 cm x 27 cm. Chaque feuille étant pliée en deux, on est en présence d'un cahier définitif de 36 pages dont seules les 32 premières sont écrites.

Chaque feuille constitutive du document porte un timbre armorié d'une valeur de deux sols: il s'agit donc bien d'un document officiel, rédigé sur papier timbré.

Le rédacteur a réservé sur chaque page une marge à gauche d'environ 4 à 5 cm, écrivant par contre jusqu'au bord du papier à droite.

L'encre utilisée est de couleur noire. Le papier porte encore par endroit la trace des sels ayant servi de buvard.

L'écriture, d'abord lâche en première page, est rapidement reserrée, dès le milieu de la seconde page, afin de respecter le volume qui était préalablement attribué au document, dès avant sa rédaction: il s'agit en effet de la copie d'une minute3, comme cela est d'ailleurs indiqué dans le texte.

L'écriture est belle et soignée, typique du début du XVIIIe siècle, avec très peu de

ratures, très facile à lire. La langue utilisée est le français. La seule difficulté d'interprétation résulte de l'emploi d'un vocabulaire spécialisé: d'une part des termes propres à tout acte notarié, d'autre part des termes particuliers à la profession d'apothicaire. Les seconds seront explicités au cours du commentaire détaillé des drogues, ustensiles et autres objets décrits dans l'inventaire.

Le document est rédigé de la même main, celle du greffier Ignace Grosset, à part les derniers paragraphes des deuxièmes et troisièmes parties qui sont écrits par le notaire lui-même, Joseph Ruffier, pour attester sa collation4. On verra, dans la suite de l'analyse, qu'il est permis de douter de la parfaite conformité de cette copie à la minute originale.

Orthographe

L'orthographe, comme dans de nombreux documents de cette époque, est essentiellement variable et l'utilisation des deux graphies du "s" n'est pas non plus étonnante. On peut cependant relever quelques variantes intéressantes:

• équivalence de "s" et "c" ou de "i" et "y" (sirop, sirot, cirot, cirop et cyrop) • équivalence de f et ph (girophle, sassaphras, néfrétique)

• élision de certaines voyelles ("e" de térébenthine, écrite trébantine ou trébentine) • utilisation anarchique de la finale "s", même en l'absence de pluriel avéré

• mots, normalement distincts, liés en un seul

C. MERMET. Une boutique d'apothicaire à Moûtiers au XVIIIe siècle: l'inventaire Quinson-Merme de 1735. 76

Si certaines de ces variations sont probablement le reflet de l'évolution de la langue d'autres sont certainement la conséquence de la méthode utilisée pour réaliser cette copie: il semble bien qu'elle ait été écrite sous la dictée. C'est la seule explication des variantes d'orthographe d'origine phonétique qui ne sont attestées nulle part ailleurs, comme l'élision du premier "e" de térébenthine.

Les deux intervenants, le lecteur comme le scripteur, ne devaient d'ailleurs pas être particulièrement compétents en pharmacie. On comprend mieux alors les curieuses dénominations qui ont compliqué l'interprétation de cet inventaire jusqu'à rendre certaines drogues non identifiables. On peut citer, parmi les plus marquantes:

• aminonaum pour amomum • caloste pour balauste

• gardamomy pour cardamome • chinarodum pour cynorrhodon • diatragagant pour diatragacanthe • eau phetalmy pour eau ophtalmique • camolnile pour camomille

• huile de pericum pour huile d'hypericum • panosse mercuriale pour panacée mercurielle • poudre de trojunte pour poudre de ..?.. • semence d'ocus pour semence de daucus • senathe pour schenante

• sirop de chicorée compensé pour sirop de chicorée composé • flûmelea pour thymelea

• trochesque lostie pour trochisque de ..?..

D'autre variations sont probablement le reflet de l'utilisation courante de la langue savoisienne, patois du groupe franco-provençal, dans le parler usuel à côté du français classique des hommes de loi:

• finale -az ou -oz comme dans colcotoz et calcotaz, mis pour colcothar • "panacée" comprise "panosse" qui signifie en fait serpillère

Composition du document

Le document est pratiquement divisé en trois grandes parties qui sont la conséquence de la construction de l'acte notarié. Cet acte est établi dans le cadre d'un litige de propriété entre Louise Anceney, veuve de l'apothicaire Hector Mermoz établi à Moûtiers, et Marie-Aimée Quinson, épouse de Bouvier Lean-Louis, fille de l'apothicaire Etienne Quinson récemment décédé, successeur de Mermoz. On y reviendra dans l'analyse du contexte.

Après la présentation des protagonistes, acteurs et témoins de l'inventaire, et l'exposé des raisons, il est procédé à l'ouverture de la boutique; l'inventaire proprement dit va consister à comparer l'état actuel aux deux documents retrouvés dans un des tiroirs du compteoir c'est-à-dire l'inventaire des drogues trouvées dans la boutique de la dite veuve Mermoz lorsque le dit feu sieur Quinsson y entra et celuy des drogues que le dit feu maître Quinsson y a apporté.

l'inventaire de la veuve Mermoz: ligne par ligne, le notaire va contrôler la présence effective des drogues indiquées et faire peser et mettre de côté les quantités correspondantes.

Dans la deuxième partie le notaire va, dans un premier temps, à la suite de l'exhibition par la veuve Mermoz de l'inventaire pupillaire des effects du dit feu sieur Hector Merme, inventorier les ustensiles et autres mobiliers censés lui appartenir (ligne 410 à 477). Il s'ensuit un litige entre les protagonistes:

La veuve Mermoz reproche à Jean-Louis Bouvier la récupération d'un chandelier en étain, d'une paire de sacoches en cuir toutes neuves, d'un réchaud et d'un livre; ce à quoi il rétorque en affirmant que la veuve Mermoz, connaissant les endroits secrets de la boutique, a pu enlever les effets les plus précieux !

Le litige, consigné intégralement, occupe plus de deux pages du document (ligne 478 à 563).

Le notaire reprend ensuite l'inventaire (ligne 583 à 937), et fait peser les drogues et inventorier les ustensiles, mobiliers et documents restants après le revêtissement de la première partie.

Enfin, en troisième partie (ligne 971 à 1119), le notaire inventorie les quantités de drogues et les documents qui manquaient lors du revêtissement de la première partie.

Cette structure en trois parties entraîne bien entendu des redondances dans la mention des drogues, un certain nombre étant ainsi citées trois fois, parfois sous des noms différents.

Quelques abréviations, courantes dans les actes notariés, ponctuent le document:

m

e pour maître

† ı

pour et (ancêtre de notre & commercial) •

r pour sieur

R

lles

C

~ ons pour royales constitutions •

d

e pour dite

no

re pour notaire •

Coll

e pour collégié •

Excu∫

~

t

pour excusant

Certains mots utilisés sont propres au langage notarial: revêtissement, invêtissement, excusant, proteste, etc...

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