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1. CONTEXTE DE L’ETUDE

1.3. LA LITTÉRATIE EN SANTÉ OU « HEALTH LITERACY »

1.3.3. Pourquoi la littératie en santé a-t-elle de l’importance ?

La LES a une grande importance non seulement par le nombre considérable de personnes qui ont un faible niveau de compétence dans ce domaine, mais surtout car elle est aujourd’hui considérée par l’ensemble de la communauté scientifique comme un prédicteur important des comportements et de l’état de santé dans la population générale (30). Impératif de la santé publique, la LES est également de plus en plus reconnue comme un déterminant majeur des inégalités en santé (31).

Nous allons commencer par illustrer cette importance par quelques chiffres alarmants, issus principalement de deux études, une étude Québécoise en 2003 et une étude Européenne en 2015.

Tout d’abord, l’Enquête Internationale sur l’Alphabétisation et les Compétences des Adultes (EIACA) réalisée en 2003 a montré qu’au Québec, près des deux tiers des personnes âgées de 16 ans et plus (66 %) présentent des niveaux de compétence inférieurs au niveau 3, lequel est jugé minimum souhaitable (figure 9). C’est un peu plus du quart (27 %) de la population qui doit composer avec de très faibles compétences pour faire face aux exigences posées par la gestion de sa santé (niveau 1).

Figure 9: Niveaux de compétence en littératie en santé dans la population de 16 ans et plus à Québec en 2003

Source : Statistique Canada, EIACA 2003.

27,1%

38,6% 27,8%

6,5%

43

Analysées selon l’âge, les compétences en LES révèlent des écarts importants entre les groupes plus jeunes et les plus âgés (figure 10). Au-delà de 65 ans, 95 % des personnes n’atteignent pas le niveau 3, et cette situation est d’autant plus préoccupante que ces personnes âgées sont celles qui sont le plus susceptibles de souffrir de maladies et d’avoir recours au système de santé (32).

Figure 10: Proportion de personnes présentant des compétences inférieures au niveau 3 sur l'échelle de la littératie en santé, selon le groupe d'âge, population de 16 ans et plus, Québec, 2003

Source : Statistique Canada, EIACA 2003.

Des études similaires réalisées aux Etats-Unis montrent que près de la moitié de la population américaine présente des difficultés à agir sur les informations de santé (33), et qu’environ 98 millions de personnes (soit plus du tiers de la population) risquent d’être handicapées par des carences en compétences en santé (34).

Jusqu’à très récemment, les études portant sur la LES étaient principalement cantonnées Outre-Atlantique. Ce n’est que depuis une petite dizaine d’années que la recherche s’est d’avantage internationalisée, et l’importance du sujet est de plus en plus reconnue par les représentants politiques de santé en Europe.

C’est avec l’enquête « European Health Literacy Survey » de 2011 que la littératie en santé a reçu une forte impulsion en Europe. Il s’agit d’une étude mesurant le niveau de LES de la population avec le test HLS-EU vu précédemment, à travers huit pays

51,30% 57,30% 69,70% 94,70% 0% 20% 40% 60% 80% 100% 16-25 ans 26-45 ans 46-65 ans 66 ans et plus

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d’Europe (Autriche, Bulgarie, Allemagne, Grèce, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Espagne).

Il en ressort que 35,2 % de la population aurait un niveau de littératie en santé limité, et 12,4 % un niveau insuffisant (29). Bien que la prévalence du « niveau insuffisant de LES » varie considérablement entre les pays (2 % aux Pays-Bas contre 27 % en Bulgarie) et entre groupes au sein des populations, il est clair que le problème d’un faible niveau de LES n’est pas seulement celui d'une petite minorité (35).

Figure 11: Niveau de littératie en santé de huit pays européens

Source: HLS-EU 2012, Comparative report of health literacy in eight EU member states

Un faible niveau concerne donc beaucoup plus de personnes qu’on ne pourrait le penser. Et pourtant, selon le Pr. Van den Broucke (16), celui-ci est un facteur important à prendre en compte pour quatre raisons qui seront largement développées plus loin :

1. C’est un indicateur de l’efficacité de l’éducation à la santé : mesurer le niveau de LES d’une population avant et après une intervention de promotion de la santé est plus facile et parfois plus significatif que la mesure d’une modification de comportement de santé suite à cette campagne.

2. C’est un déterminant de la qualité des soins de santé : les personnes avec un niveau limité éprouvent plus de difficultés à comprendre les consignes des

18,2 26,9 11 13,9 7,5 10,3 1,8 10,2 12,4 38,2 35,2 35,3 30,9 50,8 29,7 26,9 34,4 35,2 33,7 26,6 34,1 39,6 32,6 38,7 46,3 35,9 36 9,9 11,3 19,6 15,6 9,1 21,3 25,1 19,5 16,5 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Autriche Bulgarie Allemagne Grèce Espagne Irlande Pays-Bas Pologne TOTAL Insuffisant Limité Suffisant Excellent

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professionnels de santé et les informations de santé écrites et ont de ce fait plus de mal à naviguer de façon autonome dans le système de soins de santé.

3. C’est un déterminant comportements en matière de santé : les patients avec un faible niveau ont un style de vie moins sain et sont moins bien dépistés. Ils sont aussi moins observants, moins aptes à se soigner, ont une santé auto-évaluée plus faible et ont plus de maladies chroniques.

4. C’est enfin un facteur explicatif des inégalités de santé en agissant comme médiateur entre le niveau d’éducation, le statut socio-économique et les comportements de santé.

Les avantages d’un bon niveau de LES sont donc multiples : des choix plus éclairés, une plus grande auto-efficacité, des attitudes et comportements de santé plus positifs, une prévention accrue, de meilleurs résultats de santé, le développement du capital social, une diminution des coûts des soins de santé…en un mot, une amélioration de la santé globale de la population (18).