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Chapitre 4. Conclusion

4.3 Limites de la thèse

Bien que les travaux de la thèse apportent une contribution importante à la littérature existante et aux connaissances cliniques actuelles, ils comportent certaines limites. En premier lieu, des limites incombent au contexte de l’expérimentation en laboratoire. Tout d’abord, la mesure utilisée pour évaluer le changement d’humeur (complétion d’échelles visuelles analogues avant et après la discussion) est uniquement d’ordre subjectif, ce qui a pu induire un biais dans le rapport du stress vécu. Par exemple, certaines personnes faisant preuve de moins d’introspection ou ayant une moins bonne capacité à reconnaitre leur état émotionnel comparativement à d’autres auraient pu sous-évaluer l’impact de la discussion conjugale sur leur humeur. La désirabilité sociale a également pu amener certaines personnes à rapporter une meilleure humeur qu’ils ne le ressentaient en réalité. Pour pallier à cette limite, l’utilisation de mesures physiologiques du stress, telles que l’augmentation du rythme cardiaque ou de la pression artérielle et la sécrétion du cortisol, pourrait permettre une évaluation plus objective du stress vécu par les participants suite à la discussion conjugale.

Aussi, la thèse n’inclue pas de groupe contrôle, ce qui empêche la comparaison de l’effet de la discussion conjugale stressante sur la prise alimentaire à celui d’une condition sans stress. Il aurait également pu être pertinent de comparer la condition conjugale stressante à une condition de soutien du partenaire face à un stresseur externe au couple. L’ajout de ces groupes aurait possiblement permis de distinguer l’effet délétère d’une discussion conjugale stressante de l’effet protecteur d’une interaction conjugale soutenante sur les comportements alimentaires. De plus, les travaux de la thèse n’évaluent qu’une seule stratégie de régulation émotionnelle suite à la discussion, soit la suppression émotionnelle. L’évaluation de

différentes stratégies telles que la réévaluation cognitive des émotions aurait pu permettre encore une fois de distinguer les effets délétères des effets protecteurs des stratégies de régulation émotionnelle sur la prise alimentaire. De telles distinctions mériteraient certainement d’être étudiées puisque d’un point de vue clinique, il serait fort pertinent d’avoir une idée non seulement des comportements et stratégies à enrayer, mais également de ceux à mettre en place pour diminuer le recours à des comportements alimentaires problématiques. Toujours au plan de l’expérimentation, en accord avec de multiples études menées afin d’évaluer l’alimentation induite par le stress, un test de goût a été effectué individuellement afin de mesurer la quantité de nourriture consommée par les conjoints suite à la discussion. Bien que cette méthodologie permette d’évaluer de façon objective à l’insu des participants leur prise alimentaire et qu’elle comporte de nombreux avantages, le fait qu’elle implique de manger seul soulève des doutes quant à la validité écologique de son application au domaine du couple. En effet, il est possible de croire qu’immédiatement après avoir vécu une discussion conjugale stressante dans le quotidien, les conjoints soient exposés à la présence de l’autre, ce qui peut sans aucun doute influencer leurs comportements alimentaires. Cette limite renvoie à une limite plus générale induite par le contexte in vitro de l’étude, soit celle de la validité écologique de l’expérimentation. En effet, au profit de la validité interne de l’étude, le fait d’avoir étudié l’alimentation induite par une situation conjugale stressante en laboratoire peut avoir limité la généralisabilité des résultats au contexte de la vie quotidienne loin des regards des expérimentateurs.

En second lieu, une limite importante incombe à la taille limitée de quatre-vingt couples de l’échantillon recruté compte tenu de son hétérogénéité en termes d’âge. Ce faisant, une grande variation est observée quant à la durée de la relation (allant de moins d’un an à 53 ans), au statut matrimonial (en union libre ou mariés), à l’occupation (étudiants, travailleurs à temps plein, retraités) et au poids. En dépit des forces qui résident dans l’hétérogénéité de l’échantillon décrites plus haut, la taille limitée de l’échantillon n’a pu permettre de tenir compte de l’implication de l’âge sur l’effet de modération de l’IMC sur la relation entre le changement d’humeur et la prise alimentaire. Sachant que le poids tend à augmenter avec l’âge et que la restriction alimentaire mène à un gain de poids au long cours (Drapeau et

al., 2003; van Strien, Herman, & Verheijden, 2014), il aurait été opportun d’intégrer l’âge des participants aux modèles d’analyse. En ce qui concerne le statut matrimonial, les trois quarts des couples recrutés étaient en union libre et le reste mariés. Puisque le fait d’entrer en mariage a un plus grand effet sur la prise de poids des femmes que d’entrer en simple cohabitation (Averett, Sikora, & Argys, 2008) et que le mariage est associé à un âge plus élevé, l’uniformité des statuts matrimoniaux (p.ex., uniquement des couples mariés) aurait permis une plus grande homogénéité de l’échantillon en termes d’âge et de durée de relation. De plus, un plus grand échantillon aurait permis une plus grande représentativité de différents groupes ethniques. Les couples recrutés dans le cadre de la thèse étaient majoritairement caucasiens, ce qui limite la généralisabilité de ses résultats à d’autres groupes ethniques. En effet, certaines études suggèrent par exemple que l’effet de l’évitement sur le lien entre le stress et les comportements alimentaires ne soit pas le même chez les femmes afro-américaines et chez les caucasiennes (Beukes, Walker, & Esterhuyse, 2009), de même que le lien entre la prise de poids et l’entrée en mariage (Umberson, Liu, & Powers, 2009). En ce sens, il apparait important d’accorder une attention particulière aux différences ethniques dans de futures études examinant l’alimentation dans le contexte conjugal. Dans un même ordre d’idée, la totalité des couples recrutés dans les travaux de la thèse sont d’orientation hétérosexuelle. Ce choix méthodologique a été fait étant donné le nombre limité de couples recrutés, ne permettant pas une puissance statistique suffisamment grande pour comparer la prise alimentaire en fonction de l’appartenance à un couple hétérosexuel ou homosexuel. D’un point de vue dyadique, il serait fort intéressant d’étudier l’interrelation entre deux partenaires de même sexe en comparaison avec deux partenaires de sexes opposés dans le contexte de l’alimentation en réponse au stress conjugal.

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