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Chapitre 4. Conclusion

4.1 Discussion générale des principaux résultats

Dans le contexte où bon nombre d’individus présente des difficultés de régulation de poids, jumelé à une forte exposition au stress dans notre société, la thèse visait à examiner, à l’aide d’une expérimentation en laboratoire impliquant l’induction d’un stress de nature conjugale, l’impact d’un changement d’humeur suite à une discussion conjugale stressante sur la prise alimentaire subséquente des conjoints.

Plus spécifiquement, le premier article s’est intéressé à l’impact de la discussion conjugale stressante sur l’humeur des conjoints, et à son association avec la prise alimentaire subséquente, tout en testant l’effet modérateur de deux variables qui ont été préalablement identifiées comme des facteurs de risque à la suralimentation, soit l’IMC et la restriction alimentaire. Les résultats mettent en évidence la double-modération de l’IMC et de la restriction sur le lien entre le changement d’humeur et la prise alimentaire des femmes. La double-modération permet d’identifier un sous-groupe de femmes à risque de se suralimenter lorsqu’elles font face à une discussion conjugale stressante, soit celles présentant un IMC élevé et un profil alimentaire restrictif. En outre, ce patron de résultats n’a pu être observé chez les hommes, seules les sensations d’appétit ont permis d’expliquer leur consommation de nourriture. Ces résultats suggèrent que la relation entre le stress et la prise alimentaire soit plus complexe chez les femmes, vu le constat que cette relation diffère en fonction de leur profil alimentaire et de poids. Or, un effet moins grand de la discussion conjugale a été observé sur l’humeur des hommes que des femmes, ce qui peut contribuer à expliquer les différences de sexe observées.

Il est possible de croire que le changement d’humeur provoqué par la discussion avec le conjoint ait demandé un effort de régulation émotionnelle qui a amené les femmes restreintes présentant un IMC élevé à se suralimenter. En effet, en accord avec l’hypothèse de la capacité limitée, il est probable que les ressources allouées à la régulation émotionnelle aient entravé le déploiement de ressources nécessaires au maintien de la restriction alimentaire lors du test

de goût qui a suivi la discussion, menant à une levée des inhibitions alimentaires (Boon, Stroebe, Schut, & Ijntema, 2002).

Le deuxième article s’est intéressé au rôle de la suppression émotionnelle dans la relation entre le changement d’humeur suite à la discussion conjugale et la prise alimentaire subséquente, en fonction de l’IMC des conjoints. Il observe non seulement les effets individuels, mais également les effets dyadiques entre les partenaires. Les résultats font d’abord la démonstration d’une indistinguabilité des dyades sur le sexe des conjoints, c’est- à-dire que les effets observés sont équivalents pour les hommes et les femmes. Le rôle de médiateur valide de la suppression émotionnelle dans la relation entre le changement d’humeur et la prise alimentaire est confirmé, de même qu’un effet modérateur de l’IMC sur cette médiation. Plus particulièrement, la dégradation de l’humeur des individus présentant un IMC élevé est associée à une plus grande prise alimentaire via l’adoption de suppression émotionnelle pendant la discussion avec le partenaire, tandis que chez les individus présentant un IMC faible, la dégradation de l’humeur est plutôt associée à une plus faible prise alimentaire via la suppression. De plus, des effets dyadiques s’ajoutent aux effets individuels. La suppression émotionnelle d’un membre du couple agit comme médiateur de la relation entre le changement émotionnel et la prise alimentaire de son partenaire, sans égard à l’IMC des conjoints. En d’autres mots, la dégradation émotionnelle de l’un mène à une plus grande consommation via la suppression émotionnelle de l’autre.

Entre autres, des enjeux de désir de plaire au partenaire peuvent entrer en ligne de compte en renforçant l’utilisation de stratégies de gestion des émotions malsaines, telle la suppression émotionnelle, pour éviter de déplaire à l’autre et maintenir la relation. Les résultats de la thèse, jumelés à ceux obtenus précédemment (Butler et al., 2010), évoquent une vulnérabilité des personnes en surpoids à être prises dans une mécanique où l’usage de la suppression émotionnelle les mette à risque de se suralimenter. Or, il est possible de croire que les personnes en surpoids soient les plus à risque de se suralimenter face aux émotions négatives vécues au sein de leur couple via l’adoption de suppression émotionnelle, puisqu’elles considèreraient favorable de s’abstenir d’exprimer leurs émotions au sein de leur couple et de plutôt leur donner exutoire dans la suralimentation. En effet, les personnes en

surpoids peuvent avoir l’impression d’avoir plus à perdre que leurs homologues de poids normal en exprimant leurs émotions au sein de leur couple, particulièrement les femmes, puisqu’elles ont moins de chance d’être sélectionnées par un partenaire amoureux que les personnes de poids normal (Cawley, Joyner, & Sobal, 2006; Hanson, Sobal, & Vermeylen, 2014). Ainsi, voulant éviter le rejet, la nourriture apparait être une source de réconfort qui permet de compenser les difficultés relationnelles (Grant & Boersma, 2005).

Ayant des objectifs distincts, les deux articles ont traité les différences attribuables au sexe de façon différente. Dans le premier article, les différences individuelles ont été examinées, ce qui a motivé le choix d’étudier les deux sexes séparément, permettant ainsi de comparer la prise alimentaire des hommes et des femmes suite à la discussion conjugale. Plus spécifiquement, le modèle testé avait pour but d’identifier des caractéristiques individuelles (IMC et restriction) modérant le lien entre la dégradation de l’humeur et la consommation alimentaire. Les résultats suggèrent des différences entre les deux sexes quant aux prédicteurs de la quantité de nourriture consommée. Le deuxième article propose quant à lui une équivalence des associations des variables testées dans le modèle chez les hommes et les femmes de par le test de distinguabilité des dyades. Cet article avait toutefois un objectif différent du premier, consistant à identifier le processus (suppression émotionnelle) par lequel la dégradation de l’humeur influence la prise alimentaire, en fonction de l’IMC des partenaires. Or, la restriction alimentaire n’a pu être considérée dans ce modèle à l’instar de celui du premier article, puisque l’ajout de cette variable implique de tester une triple interaction, ce qui rendait le modèle sous-identifié statistiquement, c’est-à-dire que trop de paramètres auraient dû être estimés pour les informations disponibles (variances et covariances; Mueller & Hancock, 2008). La prise alimentaire est donc expliquée par des processus différents dans ce modèle, ce qui fait en sorte que les distinctions sur le sexe identifiées dans le premier article ne sont pas retrouvées dans le deuxième. De surcroit, dans le deuxième article, l’inter-influence des partenaires était à l’étude, ce qui fait que des analyses dyadiques ont été effectuées pour étudier le couple en tant qu’unité. Ce faisant, contrairement au premier article où seules les variables individuelles étaient utilisées pour prédire la consommation de nourriture, le modèle dyadique testé dans le deuxième article a mis à contribution non seulement les variables individuelles, mais également les variables du

partenaire pour prédire la prise alimentaire. Donc, la variance de la prise alimentaire se voit prédite dans un cas par l’interaction de variables individuelles, tandis que dans l’autre cas, elle se voit prédite par un effet conditionnel indirect individuel et par un effet indirect du partenaire. Ainsi, tout compte fait, le fait que des différences attribuables au sexe aient été retrouvées dans le premier article et non dans le deuxième est dû aux importantes différences entre les modèles testés (impact des caractéristiques personnelles sur le lien humeur- consommation versus processus explicatif du lien; modèle individuel versus modèle dyadique). Les efforts de recherche doivent ainsi être poursuivis pour mieux définir l’impact du sexe sur la relation entre le stress conjugal et la prise alimentaire.

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