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Nous n'arrivons pas à une conclusion claire dans notre travail. Le fait que certaines variables comme le vocabulaire en production, les habiletés métalinguistiques, le DRA, les contrepèteries expliquent peu ou pas de variance en lecture et en écriture nous étonne et nous amène à nous poser des questions sur la méthodologie de notre recherche. Y-a-t-il des biais dans notre manière de passer le test ? Les tests que nous avons choisis sont-ils fiables, fidèles et sensibles ?

Pour les compétences phonologiques, nous avons remarqué que l’épreuve de contrepèteries était difficile à réaliser pour beaucoup d’adolescents durant la passation.

Certains enfants arrivaient tout de suite à comprendre ce qu’il fallait faire, et d’autres ne comprenaient pas la tâche. Dans les analyses descriptives, les scores sont très éparpillés: le score maximal étant à 20 et le minimum à 3 (moyenne 12). Nous pensons qu’il serait préférable pour une future recherche de varier les épreuves mesurant la conscience phonologique. Nous pourrions proposer en plus de la tâche de contrepèteries, des tâches de comptage du nombre de sons dans un mot, omission du premier son… Pour la tâche d’accès lexical, nous ne savons pas pourquoi cette épreuve n’a pas été significative lors de notre recherche. Nous pensons peut-être que cela pourrait être lié à un facteur motivationnel des élèves qui n’avaient pas toujours envie de venir faire la passation individuelle. Une autre manière d’évaluer l’accès au lexique serait de proposer une tâche où on demande à l’enfant de fournir oralement le plus de mots commençant par un phonème donné dans un temps restreint.

Au niveau du vocabulaire, pour le mesurer, nous avons utilisé deux épreuves. La première, l’épreuve de l’EVMH, est significative pour la lecture et pas pour l’écriture.

Comme lors de l’épreuve on évalue le vocabulaire passif (en réception), il est normal qu’il explique une part de variance uniquement en lecture (vocabulaire passif) et pas en écriture (vocabulaire actif). La deuxième, l’épreuve de vocabulaire du WISC, est une épreuve qui requiert des habiletés métalinguistiques considérables. Plusieurs fois durant cette recherche nous avons modifié les tests pour mesurer le vocabulaire actif. Il semblerait que ce soit une variable peu évidente à mesurer dans notre population. Peut-être que nous pourrions envisager de proposer une tâche de désignation et dénomination d’images pour une prochaine recherche.

Au niveau de la grammaire, nous avons déjà précédemment expliqué les difficultés rencontrées lors de l’analyse des résultats. Pour une prochaine recherche il faudrait trouver un autre instrument pour mesurer cette compétence.

Au niveau des habiletés métalinguistiques, le test qui a été construit pour cette recherche n’a pas donné des résultats significatifs. Il faudrait peut-être essayer de voir s’il y a un aspect dans la construction de ce test qui nous aurait échappé.

Le TNO est un test qui permet de mesurer de l’évocation des mots, mais le TNO est un test qui est très difficile. La moyenne de notre cohorte est de 31,69. Par rapport à la norme d’étalonnage du test, les enfants de même âge en France ont une moyenne de 46,13 (écart-type de 9, 95). Pour mesurer l’évocation des mots nous pourrions par exemple trouver des épreuves où l’on demande aux enfants d’épeler des mots dans le contexte d’une phrase.

Au niveau de la passation même de notre recherche, les conditions n’étaient pas toujours évidentes. Il nous est arrivé d’être deux examinateurs dans la salle à faire passer les mêmes épreuves individuelles à deux enfants au même temps. Nous avons dû modifier l’ordre de passation des tests puisque à un moment donné les deux enfants ont commencé à lire au même temps le texte du « Vol du PC », ce qui a perturbé l’enfant à qui nous faisions passer l’épreuve. Au niveau de notre population, il y a aussi eu des biais, certains enfants n’étaient pas toujours motivés et ne se donnaient pas beaucoup de peine pour répondre à nos questions.

Nous avons le souvenir que certains adolescents que nous avons interrogés le matin (8 heures) étaient très fatigués (nuit courte ?). Les performances n’étaient pas les mêmes en fonction de moment où nous les interrogions. Nous pensons aussi que le fait que nous soyons plusieurs chercheurs a dû introduire des biais. Malgré les consignes strictes de passations, la manière de présenter les épreuves ou de faire les cotations changent légèrement d’une personne à l’autre.

Finalement, pour notre recherche nous avons sélectionné un échantillon très restreint d’adolescents qui sont tous en difficultés. Avec un échantillon qui présente des caractéristiques semblables la variabilité interindividuelle diminue fortement. Avec une recherche qui inclut un champ plus large en prenant des bons, moyens et moins bons élèves, nous pourrions lors d’une prochaine recherche avoir plus d’information sur les compétences en lien avec la lecture et l’écriture.

C ONCLUSION : I MPLICATION POUR LA CLINIQUE

En introduction, nous avons défini que la littératie est « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités » (rapport de l’OCDE, 2000, page 12). Pour les adolescents, « comprendre l’écrit, c’est non seulement comprendre et utiliser des textes écrits, mais aussi réfléchir à leur propos. Cette capacité devrait permettre à chacun de réaliser ses objectifs, de développer ses connaissances et son potentiel et de prendre une part active dans la société. » (OCDE, 2000, p.24).

Dans notre étude, nous nous sommes appliqués à étudier et à rechercher les facteurs qui expliquent les difficultés en littératie. Selon nos résultats, les compétences en littératie chez les adolescents sont expliquées en partie par les facteurs que nous avons testés. La conscience phonologique semble influencer et expliquer une partie de la fluence en lecture en 11ème année (identification des mots écrits) ; c’est aussi un constat que nous avons trouvé dans la littérature (Sprenger-Charolles et al. 2009 ; Shaywitz et al., 1999 ; Snyder et Downey, 1991 ; Landerl et al. 2008). Cependant, les résultats de la conscience phonologique en 9ème, 10ème , 11ème année ne sont pas cohérents, les résultats en 11ème année sont à interpréter avec prudence. Au niveau de l’accès lexical, notre recherche a trouvé que les performances en DRA ne prédisent pas les compétences en lecture et écriture bien que nous ayons été surpris de ce résultat. Nous avons tenté d’analyser les résultats de compétences phonologiques au travers des trois années de la recherche mais des biais au niveau méthodologique n’ont pas permis de trouver une conclusion claire. Les compétences phonologiques semblent avoir un impact sur les compétences en littératie chez les adolescents mais nous n’avons pas pu constater si cet impact diminue à l’adolescence comme l’avaient exprimé certains auteurs dans la littérature (Landerl, 2008 ; Scholes et al., 1993; Scarborough et al., 1998). Le lexique (en réception) explique une partie de la compréhension en lecture. En écriture, notre recherche n’a pas mis en évidence l’implication de ce facteur, bien que nous pensons que le lexique a une place importante dans l’écriture. La grammaire, tout comme dans les études citées dans notre première partie (Gaux et al., 1999 ; Snyder & Downey, 1991), a un rôle dans la lecture et l’écriture chez les adolescents. Le raisonnement logico-mathématique, comme le montre

notre recherche et les données dans la littérature (Snyder et Downey, 1991 ; Kortteinen et al., 2009), est une composante prédictive importante des compétences en lecture et écriture à l’adolescence. Les compétences métalinguistiques n’ont pas montré de rôle significatif dans notre recherche bien que d’autres études montrent qu’elles permettent d’expliquer une partie de la variance en compréhension écrite (Schoonen & al, 1998 ; Eme et Rouet, 2001). Nous n’avons étudié ni l’impact de la mémoire à court terme, ni la conscience morphologique, ni le discours dans notre recherche.

Nous avons vu à travers des recherches (Sprenger-Charolles et al., 2009 ; Scarborough et al., 1998 ; Landerl et al., 2008 ; Shaywitz et al., 1999, Schneider, 2005) qu’il existe une stabilité des différences individuelles en lecture et écriture. Cette recherche montre que les élèves ont fait peu de progrès en trois ans. Même si notre recherche n’a pas permis de conclure ne manière claire sur les facteurs impliqués dans la lecture et l’écriture, elle a permis de constater qu’un grand nombre d’adolescents ont des grandes difficultés d’écriture et lecture, ce qui va influencer négativement leur parcours professionnel et leur participation à la vie active. Au niveau de la clinique, il est important de travailler au niveau de la conscience phonologique, de l’accès lexical, du lexique, de la grammaire, du discours et des habiletés métalinguistiques avec les adolescents afin de leur permettre d’avoir des bonnes compétences en littératie. Au niveau de la recherche, il est urgent de continuer à investiguer auprès des adolescents et des enfants, au travers notamment d’études longitudinales, pour comprendre de manière plus approfondie les mécanismes en lecture et écriture. La finalité serait de pouvoir comprendre dans sa globalité et sa spécificité le concept d’apprentissage en lecture et écriture, selon la vision de l’étude PISA de l’OCDE.

B IBLIOGRAPHIE

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Annexes

ANNEXE I: TACHE DE CONTREPETERIES

A

NNEXE

II: Q

UESTIONNAIRE DES HABILETES METALINGUISTIQUES AVEC LA GRILLE DE CORRECTION

A

NNEXE

III: E

PREUVES DE LECTURE AVEC QUESTIONNAIRE

A

NNEXE

IV:

TACHES D

ECRITURE

A

NNEXE

V: G

RILLE DE CORRECTION POUR LES TACHES D

ECRITURE