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Chapitre II : Question de recherche, hypothèses, données, méthodologie et limites

2.7. Limites

La nature du temps par année (temps discret) limite la puissance de l’analyse. Outre les effets des changements d'état d'une année sur la fécondité de l'année suivante (nos variables qui changent dans le temps), nous n’avons pas pu tester les relations de causalités entre variables avec une grande précision. En effet, une année est une longue période au cours de laquelle plusieurs choses peuvent se passer en même temps dans la vie d’un individu. Par exemple, une femme peut se marier, trouver un emploi, changer d’emploi, retourner aux études et avoir un enfant sans que nous puissions distinguer ce qui se passe en premier. Ainsi, compte tenu de ces contraintes de données qui ne permettent pas de faire une analyse au niveau du jour ou du mois de l’occurrence d’un événement, nous faisons nos analyses en supposant qu’il y a peu de cas où les changements d’état sont multiples (c'est-à-dire, peu de femmes auront deux enfants dans la même année).

La nature de notre base de données ne nous permet pas de distinguer si les enfants déclarés représentent des naissances naturelles, des adoptions ou des enfants pris en charge par les répondantes (par exemple, les enfants du conjoint ou un frère ou sœur pris en charge par une sœur plus vieille). Quoi qu’il en soit, ce fait ne contredit pas notre objectif d’analyser la contribution des immigrantes à la croissance populationnelle du Canada. Mais, il faut reconnaitre que, si l’immigrante et son conjoint ne présente jamais de déclarations de revenu, nous pouvons sous-estimer le nombre de naissances possibles.

Un autre problème que nous avons rencontré concerne les enfants nés la même année que l’admission en tant que résidente permanente. Nous ne savons pas s’ils sont nés avant ou après l’admission vu que la femme peut, par exemple, avoir eu son enfant dans son pays d’origine en janvier 2005, migrer et devenir résidente permanente en juillet 2005, et après, parrainer son enfant et le déclarer lors de la déclaration de revenus. Comme cela fait probablement partie

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d’une stratégie migratoire, nous avons pris la décision d’intégrer les observations des femmes qui ont des enfants dans l’année même d’admission comme des enfants nés après l’admission.

Une autre limite est le fait que la fécondité est un événement rare et, si la femme a déjà eu un nombre d’enfants qu’elle juge convenable, elle n'en aura probablement pas d'autres après son arrivée ou n’aura qu'un nombre limité. En tenant compte de cette question, il faut dire que la DAL limite l’analyse aux enfants déclarés. Par exemple, si les immigrantes arrivent au Canada et les enfants restent au pays d’origine, nous n’avons aucune information sur cette dynamique.

Il faut aussi soulever que, pour avoir droit à l’ACE, le parent doit vivre avec son enfant. Si la mère n’a jamais eu la garde de son enfant et le père n’a jamais déclaré le NAS de la mère à l’ARC, c’est un enfant dont la mère est inconnue. Il s’agit d’un biais qui peut entrainer des résultats imprécis. Cependant, les jeunes enfants sont généralement pris en charge à un moment de leur vie par ces mères. « En 2016, 81,3 % des enfants âgés de 0 à 14 ans dans les familles monoparentales vivaient avec leur mère, tandis que 18,7 % vivaient avec leur père » (Statistique Canada, 2017c, paragr. 9). Ainsi, nous pensons que ce biais est extrêmement faible et ne cause pas de problèmes majeurs à nos résultats.

D’autres problèmes possibles seraient causés par l’émigration. Si la femme quitte le Canada sans déclarer son départ, nous n’avons aucune information non plus. Ou encore par la non-déclaration dans les cas où l’immigrante ne présente jamais de déclaration. Étant donné que le Canada a une politique de retour de taxes même pour les personnes sans ou à faible revenu, cela incite ces individus à présenter leur déclaration annuelle. Enfin, le décès d’une personne interrompt aussi l’observation, mais est relativement rare compte tenu de la tranche d'âge de 15- 44 ans à l’admission retenue pour nos analyses.

Une autre limite concerne « l'effet du saumon » tel que décrit dans les études sur la santé des immigrants (Vang et al., 2016). Une partie importante de la migration vers le Canada est temporaire. Le taux d'émigration estimé 20 ans après l'arrivée est d'environ 35% chez les jeunes hommes immigrants en âge de travailler (Aydemir et Robinson, 2006; Statistics Canada, 2018). De plus, environ 6 personnes sur 10 qui partent le font dans la première année d’arrivée. Cela suggère que de nombreux immigrants prennent leur décision dans un délai relativement court après leur arrivée (Aydemir et Robinson, 2006; Statistics Canada, 2018) et ainsi ne vont jamais

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présenter une déclaration de revenus. Par conséquent, nous n'analysons probablement que la fécondité des immigrantes les mieux adaptées à la société canadienne et, pour cette raison, qui sont restées au pays. Peut-être que les immigrantes (ou leur conjoint) qui ont eu beaucoup d'enfants ont eu de la difficulté à s’adapter à la société et ont décidé de partir. Ou le contraire, les immigrantes (ou leur conjoint) qui n’ont pas eu d'enfants ont quitté le pays. C'est donc un biais potentiel dans les deux sens.

Dernière remarque, sur la base de toutes ces limites, nous pensons que la DAL nous offre des informations nouvelles et précises pour analyser la fécondité des immigrantes au Canada. Cependant, nous devons garder du recul lors de l’interprétation des résultats parce que c’est la première fois que cette base de données est utilisée pour étudier la fécondité. Sa plus grande limite se trouve dans l'analyse des informations volontairement déclarées par les individus.

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