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L’utilisation de ce type de mesures implicites est souvent motivée par une volonté d’éviter certains biais. Toutefois, probablement qu’aucune mesure n’est dénuée de contrainte. Le recours aux mesures physiologiques par exemple soulève parfois certaines questions. En effet, il est probable que certaines mesures physiologiques mesurent plus

l’arousal (Vansteenwegen, Crombez, Baeyens, & Eelen, 1998) que la valence acquise du stimulus. Ces mesures attesteraient alors plutôt de l’existence d’une peur conditionnée (nous avons vu, et développerons dans le chapitre 4 de cette thèse, qu’il y a des raisons de penser que conditionnement classique et conditionnement évaluatifs puissent être deux apprentissages différents). Les mesures alors les moins ambigües pourraient sembler être les mesures implicites basées sur l’enregistrement de temps de réponse. Cependant, ces mesures sont aussi critiquables.

En effet, certaines études suggèrent que les effets d’amorçage affectif ainsi que ceux d’autres mesures implicites pourraient en réalité être en partie contrôlés (Degner, 2009 ; De Houwer, Beckers, & Moors 2007, De Houwer 2011) ou influencé par certaines variables. Par exemple, pour l’IAT, la familiarité de la tâche pour le participant semble pouvoir influencer les résultats observés (Czellar, 2006 ; De Houwer et al., 2007 ; Fiedler, & Bluemke, 2005 ; Steffens, 2004). En dépit du fait que les mesures indirectes sont probablement plus sûres que les mesures explicites, les chercheurs doivent garder à l’esprit que ce type de mesure n’exclut pas complétement le risque d’effet de demande ou d’autres biais. Au delà de cette question de la contrôlabilité du résultat observé, d’autres limites existent dans l’utilisation de ce type d’évaluations.

Tout d’abord, les résultats obtenus avec les mesures implicites précédemment décrites ne sont pas toujours évidents à comprendre, en partie à cause de leur caractère relatif. Par exemple, dans une expérience mesurant les affects avec un IAT, lorsque les résultats révèlent que les temps de réponses du participant sont plus courts pour les blocks SC1/positif (SC2/négatif) par rapport aux blocks SC2/positif (SC1/négatif), les auteurs concluent généralement l’existence d’une préférence pour le SC1 par rapport au SC2. Cependant, il est difficile de déterminer si, le SC1 a une valence positive et le SC2 une valence négative ou, si le SC1 est neutre et le SC2 a une valence négative, ou encore, si SC1 a une valence positive et le SC2 est neutre. La même question apparaît après une tâche d’amorçage affectif lorsque les temps de réponses sont plus courts pour les essais congruents par rapport aux essais incongruents. Il est toutefois possible de clarifier cette distinction en ajoutant des contrôles méthodologiques aux tâches d’évaluations. Par exemple, il est possible d’ajouter une troisième catégorie cible correspondant à des stimuli neutres. Ceci permet d’ajouter aux comparaisons positif/négatif des comparaisons du type positif/neutre, négatif/neutre afin de clarifier les résultats. Cependant cela a pour effet d’augmenter significativement la durée de la phase d’évaluation et d’alourdir

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considérablement la tâche du participant. Enfin, le caractère relatif de l’IAT empêche souvent son utilisation pour évaluer un seul stimulus. Pour résumer, Schwarz (2008) affirme que « demander à une personne d’exprimer son attitude résultera quasiment toujours à une réponse, mais la signification de cette réponse est souvent peu claire » (cité par Hughes, Barnes-Holmes, & De Houwer, 2011a). Nous suggèrerons que cette affirmation peut aussi être en partie vraie au sujet des mesures implicites.

Une autre contrainte apportée par ces différentes mesures est qu’elles limitent souvent le nombre de SC utilisés dans une expérience. Par exemple, dans un IAT, seuls deux stimuli peuvent être évalués à la fois (à moins que les SC d’un même type ne puissent objectivement être classés dans une même catégorie). De plus, ces mesures nécessitent l’utilisation d’un grand nombre d’essais, même pour tester la valence de peu de stimuli, ce qui a pour effet de rendre les phases d’évaluations longues et coûteuses en ressources cognitives. Enfin, dans la mesure où ces taches abordent de manière indirecte l’évaluation des stimuli, elles apportent des résultats finaux parfois assez éloignés de la question initialement posée, difficiles à se représenter concrètement et finalement moins écologiques. Par exemple, la transformation des résultats obtenus à un IAT peut nécessiter jusqu’à 10 étapes de traitement et de transformation des données (Greenwald, Nosek, & Banaji, 2003) avant d’obtenir de D (score à l’IAT). De plus, certaines de ces transformations « biaisent » volontairement les scores obtenus. Par exemple, dans certains algorithmes de traitement de l’IAT, les temps de réponses des participants aux essais où une réponse incorrecte a été fournie, sont remplacés par des temps plus longs (par exemple, le temps moyen mis pour classer correctement les stimuli dans un block incrémenté de 600ms, ou de 2 écarts-types de la distribution de ces même temps de réponses). Même si le résultat de ces transformations reste compréhensible, le score finalement obtenu n’en est pas moins difficile à se représenter concrètement.

L’IAT a aussi pour inconvénient d’être susceptible d’influencer artificiellement la valence des stimuli évalués. En effet, cette tâche requiert que le participant réalise la tâche dans différents blocks (compatibles et incompatibles) de manière consécutive. Cependant, certaines études suggèrent que la procédure d’IAT en elle même induise un apprentissage. En effet, des études comme celle de Ebert, Steffens, Von Stülpnagel et Jelenec (2009) montrent que le fait d’entraîner les participants à catégoriser d’un même côté deux stimuli, peut provoquer une augmentation de la force d’association de ces deux stimuli.

Une dernière limite dont nous ferons part ici, est un aspect théorique lié à l’utilisation de ces mesures. D’une part, nous avons vu que l’approche duelle de l’apprentissage suggère que deux apprentissages pourraient être réalisés en même temps, l’un régi par un système d’apprentissage implicite, l’autre par un système d’apprentissage explicite. Selon les partisans de cette théorie, les résultats obtenus avec des mesures implicites correspondraient aux évaluations automatiques basées sur les associations en mémoire, alors que le résultats obtenus avec des mesures explicites renverraient eux, à un autre type d’apprentissage, moins automatique, influencé par des mécanismes propositionnels (Gawronski, & Bodenhausen, 2006 ; Rydell, & McConnel, 2006 ; Sweldens, Corneille, & Yzerbyt, in press). Dans cette perspective, les évaluations obtenues avec des mesures dites implicites ne reflèteraient alors « qu’une partie » de l’évaluation du stimulus, les apprentissages automatiques et non les apprentissages propositionnels (l’inverse étant vrai pour les mesures explicites). Si tel est le cas, des modifications des apprentissages propositionnels (non associatifs) pourraient ne pas être observés par ces mesures. D’autre part, dans une perspective propositionnelle, les auteurs suggèrent qu’au delà de simples associations SC-SI, différents types de relations pourraient être intégrées entre ces stimuli. Cependant, il est envisageable que ces relations ne soient pas prises en compte dans des mesures de type IAT. En effet, l’IAT est présenté comme une mesure indirecte de la force d’association (Greenwald et al., 2002), toutefois, selon certains auteurs, l’IAT refléterait uniquement cette force d’association sans être influencé par la nature de la relation existant entre deux concepts (Barnes-Holmes, Barnes-Holmes, Power, Hayden, Milne, & Stewart, 2006 ; De Houwer, 2002). Il est ainsi possible que le fait de ne considérer que la force d’association sans considérer le type de relation puisse parfois induire en erreur.

Ainsi, ni les mesures explicites, ni les mesures implicites ne seraient véritablement totalement fiables, cependant, en fonction de l’hypothèse testée et des conditions expérimentales utilisées, certaines mesures sembleraient alors plus propices que d’autres. Après avoir mis en lumière certaines des contraintes imposées par les mesures explicites et implicites communément utilisées, nous souhaiterions proposer ici une nouvelle méthode destinée à mesurer l’attitude. Probablement qu’aucune mesure n’est parfaite, et la méthodologie que nous sommes sur le point de présenter n’enfreindra pas cette règle, nous ne prétendons donc pas que la mesure proposée soit meilleure que les mesures existantes. Cependant, nous proposons que dans certaines conditions expérimentales, elle permettrait un bon compromis entre les mesures explicites et implicites classiques.

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3.  3.  Expérience  2  :  Introduction  de  la  mesure  Semi  Implicite  (Semi  Implicit