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Limites de l’état de l’art : les spécificités stratégiques et managériales de la R&D en

Limites de l’état de l’art :

les spécificités stratégiques et managériales

de la R&D en rupture

4.1 


PILOTAGE STRATEGIQUE DES PROJETS ET DES PORTEFEUILLES DE R&D EN

RUPTURE

156


4.2 


OUTILS D’EXPLICITATION ET DE MESURE DE LA VALEUR POTENTIELLE DES

PROJETS ET DES PORTEFEUILLES DE R&D EN RUPTURE

159


4.3 


CONSTRUCTION ET MAINTIEN DE L’ADHESION DES PARTIES PRENANTES DES

En nous appuyant sur l’état de l’art des champs que nous avons présentés, nous pouvons désormais reformuler la problématique du pilotage de la performance de la R&D en rupture et des stratégies d’innovation autour de trois axes principaux de recherche :

- le pilotage stratégique de l’innovation (4.1) : nous discuterons en particulier les problématiques

de construction de la valeur et de la stratégie d’innovation, d’implication des parties prenantes dans la sélection des projets, et de l’équilibrage des portefeuilles d’innovation ;

- les outils de l’évaluation des activités de conception innovante (4.2) : nous traiterons les

difficultés rencontrées par les responsables de projet pour caractériser et communiquer sur le potentiel économique ou stratégique des activités de R&D, tout en rendant transparentes l’incertitude et la complexité du pilotage des experts ;

- la construction et le maintien de l’adhésion des parties prenantes de la R&D en rupture (4.3) :

cet axe concernera particulièrement l’identification et les modes d’implication des parties prenantes, la construction d’un consensus sur le potentiel de valeur de l’activité et les lieux de sa renégociation avec l’arrivée d’informations nouvelles, l’allocation de ressources et la coordination des compétences.

Ces trois axes de recherche nous fournissent des angles d’attaques complémentaires et interdépendants nous permettant d’analyser le cas des projets de conception innovante et le pilotage de l’amont chez Renault :

Figure 79 : Division de la problématique en trois axes de recherche complémentaires

Comme nous l’avons vu en introduction, les activités de conception innovante constituent la partie Amont et Innovation de la R&D telle que discutée dans la littérature. Nous chercherons ici à formuler des hypothèses

sur les caractéristiques et les buts d’outils de gestion des leviers de la performance à court, moyen

Axe de Recherche 1

Comment piloter les projets et les portefeuilles afin d’accroître la valeur et l’efficience de l’utilisation des ressources ?

Axe de Recherche 2

Comment expliciter et mesurer l’apport d’un projet ou d’un portefeuille de projets de R&D ?

Problématique

Comment piloter la performance des projets de

R&D en rupture et des stratégies d’innovation ?

Axe de Recherche 3

Comment organiser l’adhésion des parties-

prenantes pour garantir et stabiliser l’allocation

et long termes adaptés aux projets d’innovation. Cette démarche nous conduira à questionner les

modes d’établissement d’une corrélation entre le pilotage de ces leviers et la stabilisation de l’allocation de ressources.

Sur le terrain de l’étude de cas, cette problématique se traduit par l’accroissement de la performance des projets et des portefeuilles de Recherche et d’Ingénierie Avancée (R&AE) de Renault au travers de la rentabilité et de l’efficience de l’allocation des ressources. Les hypothèses retenues ont conditionné les choix méthodologiques que nous expliciterons au chapitre suivant. La richesse du terrain auquel nous avons eu accès a également contribué à l’émergence et au découpage de ces problématiques de recherche.

Selon Albert David, « l’encyclopédie incomplète », formée par l’analyse de l’état de l’art précédemment décrite et l’expérience du chercheur, nous a conduite à formuler aux premiers stades de la recherche- intervention chez Renault des hypothèses qui ont guidé nos observations, nos expérimentations et nos propositions sur le terrain, « ce qui [nous a rendu] apte, le moment venu, à mettre en correspondance ce

[que nous avons observé] avec une ou plusieurs classes de problèmes identifiées. » (David, 04, p7).

4.1 PILOTAGE STRATÉGIQUE DES PROJETS ET DES

PORTEFEUILLES DE R&D EN RUPTURE

Comme le souligne notre présentation du concept de valeur, l’entreprise génère de multiples formes de valeur par l’intermédiaire de ses projets de R&D.

Tout d’abord, elle pourra concevoir un nouveau produit ou service qui lui assurera de nouveaux revenus dès sa commercialisation. Nous désignerons sous le nom de rentabilité directe le résultat de l’ensemble des flux financiers générés par le développement et la vente d’une innovation. D’autre part, l’entreprise pourra chercher à acquérir de nouvelles connaissances, à renforcer son image de marque ou à engager de nouveaux partenariats. Nous désignerons l’ensemble de ces gains sous le nom de rentabilité indirecte, car ces sources de valeur contribuent à la génération de gains sur les futurs projets de l’entreprise.

Au sein de l’entreprise, les parties prenantes des projets de R&D priorisent systématiquement une des sources de création de valeur, mais pas nécessairement la même. Le regroupement des sources privilégiées par les parties prenantes forme le potentiel valeur de l’activité d’innovation que les chefs de projets et les responsables de portefeuilles doivent documenter et piloter.

Ce constat nous conduit à formuler deux hypothèses sur l’efficience du pilotage stratégique des projets et des portefeuilles de R&D :

Hypothèse 1.1 : Plus un projet propose une redéfinition profonde des règles de conception standard, plus il est nécessaire d’identifier les différentes sources de rentabilité directe et indirecte générées par l’activité pour exploiter pleinement son potentiel de valeur.

Hypothèse 1.2 : L’explicitation et l’évaluation — conjointes et répétées — des formes directes et indirectes de valeurs créées par une activité de R&D en rupture permet de développer une implication durable des parties prenantes de l’entreprise.

Selon l’état de l’art précédent, deux visions de l’allocation de ressources aux projets de R&D s’opposent : - l’optimisation du portefeuille suivant un critère objectif (le plus souvent la rentabilité directe) pour

une enveloppe budgétaire donnée, conduisant à une construction de type bottom-up de la stratégie du portefeuille en fonction des apports plus ou moins cohérents des différents projets ;

- une hiérarchisation des projets en fonction de leurs contributions à des objectifs stratégiques pré- établis, fixés par les dirigeants de l’entreprise (construction top-down du portefeuille), puis la sélection du haut de la liste, conformément à l’enveloppe budgétaire.

Dans les deux cas, il n’y a pas d’interaction entre les objectifs des projets et la stratégie de l’entreprise. Concrètement, les objectifs des projets ne sont parfois réétudiés que pour mieux répondre à la stratégie, et surtout, il est très rare que la proposition d’un projet d’innovation percutant donne lieu à une reformulation de la stratégie.

En effet, la littérature se base le plus souvent sur l’hypothèse de l’existence d’une stratégie explicitée et partagée par tous. Or de nombreux auteurs soulignent l’importance du fait que cette stratégie soit formulée par le PDG, ou au moins par le directeur de la R&D, pour inciter les parties prenantes de l’entreprise à s’impliquer dans les activités. Pourtant, exprimée à ce niveau hiérarchique, la stratégie de R&D ne peut alors que prendre une autre forme que celle de directives macroscopiques. Or la densité du portefeuille de projets de R&D dans un grand groupe industriel est trop importante, et les activités trop diversifiées, pour que le déploiement d’une stratégie macroscopique soit évident pour l’ensemble des projets. La cohérence

et la contribution d’un projet d’innovation à la stratégie du groupe deviennent alors pour les parties prenantes internes de l’entreprise des questions centrales mais conflictuelles, puisqu’elles n’ont pas la même lecture des objectifs fixés par les dirigeants. Si l’entreprise suit une logique décisionnelle,

la discussion a lieu lors des instances de lancement ou de suivi des projets. Or, pour faire face à la profusion du nombre d’activités concomitantes, ces instances sont le plus souvent brèves et peu propices à une remise en question des objectifs des projets. Aussi, les opérationnels sont confrontés à la multitude des points de vue des parties prenantes qu’ils cherchent à coordonner. En l’absence de cadre structuré,

l’interaction entre les objectifs des projets et la stratégie de l’entreprise fait alors l’objet de débats informels et fragmentés qui s’appuient sur des informations peu fiables et lors desquels les parties prenantes usent de leurs positions hiérarchiques pour imposer leur point de vue. Les résultats d’une

telle négociation sont nécessairement ressentis comme inefficients et frustrants par une grande partie des parties prenantes. En réaction, les managers auront une tendance naturelle à simplifier le processus

afin de garder le contrôle sur les projets et les portefeuilles.

Par conséquent, on observe que cette démarche exclut toute tentative de discussion sur les synergies et les interdépendances entre projets. Les conditions de la littérature pour une construction stratégique de portefeuille de R&D nous apparaissent donc irréalistes sur le terrain, car elles conduisent les managers à

élaborer un processus de sélection et d’équilibrage des projets davantage adapté à leurs contraintes propres qu’au bénéfice de l’entreprise, laquelle a tout intérêt à homogénéiser l’interaction entre les interdépendances des projets d’innovation et sa propre stratégie.

Nous ferons donc l’hypothèse suivante :

Hypothèse 1.3 : l’organisation et l’instrumentation des interactions entre les parties prenantes sur les objectifs des projets impactent directement l’efficience des débats sur l’éventuelle adaptation d’un projet à la stratégie du groupe ou réciproquement, d’une adaptation de la stratégie au projet.

Figure 80 : Synthèse de l’analyse de la littérature sur le management stratégique des projets de R&D et hypothèses de recherche

Problématique de Recherche A

Comment piloter les projets et les portefeuilles pour optimiser la valeur et l’utilisation des ressources ?

Limites

- Interdépendances des projets

- Dogmatisme de la stratégie

Manques

- Outils de diagnostic de la valeur des projets et des groupes de projets

- Organisation de la construction de la stratégie des projets et des portefeuilles

- Diagnostic de la valeur de la R&D pour les parties-prenantes

- Liens entre valeur et rentabilité

Hypothèse 1.1

L’identification des sources de rentabilité directe et indirecte générées par des activités de R&D permet un pilotage optimal du potentiel d’une innovation.

Hypothèse 1.2

L’explicitation et l’évaluation des formes de valeurs génère une implication durable des parties- prenantes de l’entreprise.

Hypothèse 1.3

L’efficience des débats projets-stratégie dépend de l’organisation et de l’outillage des interactions des parties-prenantes.

Apports de la littérature

Allocations de

ressources

Top-down Bottom-up

Gestion de

portefeuille de projets Stratégie

Difficulté décisionnelle Consensus Théorie des parties-prenantes Polysémie de la valeur

4.2 OUTILS D’EXPLICITATION ET DE MESURE DE LA

VALEUR POTENTIELLE DES PROJETS ET DES

PORTEFEUILLES DE R&D EN RUPTURE

Bien que notre état de l’art n’ait en aucun cas la prétention de l’exhaustivité sur un champ aussi prolifique que l’évaluation des projets de R&D, nous chercherons ici à traduire les tendances fortes de la littérature sur l’outillage de la décision projet, et les conséquences du choix d’une famille particulière d’outils.

La littérature de l’évaluation de la R&D est séparée en deux écoles :

- l’évaluation purement économique (dont les outils sont présentés au chapitre 3), qui représente le parti pris de la domination de la rentabilité à court terme de l’entreprise sur tous les autres critères de valorisation ;

- l’évaluation stratégique (dont les outils sont présentés au chapitre 4), qui indique une représentation de la R&D comme étant le socle de compétences de l’entreprise, capable d’anticiper les évolutions des technologies, du marché, des clients, des réseaux et de diffuser des connaissances dans le reste de l’entreprise.

Ce clivage traduit deux perceptions différentes de la R&D. La première approche considère la R&D comme un investissement qui, à ce titre, se doit de dégager des résultats économiques chiffrables pour justifier son existence. Mais la deuxième approche est plus riche, en ceci qu’elle considère l’expertise et les relations de ses membres comme des sources de valeur. Cette dichotomie induit une différence d’approche de l’incertitude intrinsèque à l’innovation de produit ou de service. Le traitement des aléas et des ambiguïtés est un enjeu incontournable de l’évaluation car, le plus souvent, la R&D est considérée comme une organisation dont la vocation est la réduction des incertitudes. Les outils chercheront donc à renforcer la transparence de cette décroissance.

Selon une lecture économique, on cherchera à réduire fortement les marges d’erreur autour des données manipulées par des procédés dissociés de la représentation intuitive que les parties prenantes peuvent avoir de l’impact des incertitudes sur le potentiel d’une innovation, tandis que selon une lecture stratégique, de nombreux critères d’évaluation sont qualitatifs et/ou subjectifs. On s’appuiera alors davantage sur l’expérience et l’intuition des managers. Toutefois, ces deux approches de l’évaluation des projets et des portefeuilles de R&D fournissent une synthèse instantanée du potentiel de l’innovation, inadaptée au dynamisme du cadre d’évaluation. Les résultats pourront être rendus obsolètes rapidement si des aléas apparaissent.

Lors de l’analyse de la littérature sur l’évaluation de projet de R&D, nous avons noté que malgré l’existence de nombreux modèles d’évaluation reposant sur des paradigmes différents (et de nombreuses taxonomies de ceux-ci), on ne trouve pas d’analyse empirique de la conséquence du choix d’un type de modèle.

Pour expérimenter les conséquences du choix d’un modèle, nous catégoriserons les outils existants en quatre familles :

- économique avec exogenèse des incertitudes (VAN et Options Réelles) : bien que la VAN et les Options Réelles aient deux approches opposées de l’incertitude (risque ou opportunité), les deux outils présentent le résultat sous la forme d’un chiffre unique qui masque l’ensemble des hypothèses formulées sur les données d’entrée et l’influence des incertitudes sur les résultats ;

- économique avec endogenèse des incertitudes (simulation) : la simulation formalise plusieurs scénarios suivant l’intuition des spécialistes sur l’évolution des incertitudes, les représentations graphiques, où l’utilisation de fourchettes à la place de chiffres uniques permet de renseigner les managers sur les incertitudes ;

- multicritères avec exogenèse des hypothèses (Scoring, AHP, MAUT, programmation mathématique) : ce type d’évaluation permet de hiérarchiser les critères de valorisation, indépendamment du succès ou de l’échec d’une activité selon ces critères. Toutefois, l’agrégation complète des évaluations par critère rend invisible les hypothèses utilisées pour coter l’activité. Or ce type d’outils inclut le plus souvent des critères qualitatifs et/ou subjectifs ;

- multicritères avec endogenèse des hypothèses (Electre, Delphi, Q-sort) : depuis les travaux de Bernard Roy, le principe d’incomparabilité de certains critères de valeur a été intégré à l’évaluation.

En s’appuyant sur cette taxonomie des outils d’évaluation des activités de R&D, nous chercherons à confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle :

Hypothèse 2.1 : Plus un projet évalué propose une redéfinition profonde des règles de conception standard, plus les incertitudes et les hypothèses associées aux données manipulées dans une évaluation de la rentabilité, directe ou indirecte, doivent être explicitées. Dans le cas contraire, les évaluations sont considérées comme irrecevables par les parties prenantes.

D’autre part, nous chercherons à expérimenter si l’une des familles d’outils d’évaluation est plus adaptée que les autres suivant les différents niveaux de maturité d’un projet de R&D.

D’après la littérature, les évaluations économiques sont difficilement réalisables dans les premiers stades de R&D, principalement parce que l’information économique n’existe alors pas encore. Toutefois, dans le cas où il y a transparence sur les incertitudes et les hypothèses sous-jacentes à l’évaluation (hypothèse 2.1), il existe toujours au moins une représentation subjective des données économiques (cf. Chapitre II) ou des informations de comparaisons avec le marché pouvant mener à un positionnement économique de l’activité étudiée. Nous formulerons donc l’hypothèse suivante :

Hypothèse 2.2 : Plus un projet évalué propose une redéfinition profonde des règles de conception standard, plus les managers ont besoin d’outils d’explicitation et de mesure du potentiel de valeur adaptés au niveau d’inconnu de l’activité de R&D en rupture étudiée.

Enfin, la capacité organisationnelle d’une entreprise à réaliser une innovation est souvent négligée par la littérature en évaluation de projet de R&D. Or aucune création de valeur par une activité ne peut être dissociée de l’efficience du réseau d’acteurs en interaction pour la mener à bien.

L’efficience du réseau d’acteurs sera fonction de leurs compétences individuelles, de leur coordination, et du support organisationnel que leur fournira l’entreprise (processus décisionnel des parties prenantes, moyens attribués, et structures physiques de travail).

Nous formulerons donc l’hypothèse selon laquelle :

Hypothèse 2.3 : Plus les projets évalués proposent des redéfinitions profondes des règles de conception standard, plus l’explicitation et la mesure du potentiel de valeur devront être confrontées à une évaluation continue de la capacité organisationnelle à mener à terme l’innovation.

Figure 81 : Synthèse de l’analyse de la littérature sur l’évaluation des projets de R&D et hypothèses de recherche

Apports de la littérature Evaluation Economique Pénalisation des incertitudes Valorisation des incertitudes Création de valeur pour l’actionnaire Evaluation Multicritère Agrégation complète Agrégation partielle Définitions de la valeur pluri-bénéficiaire Problématique de Recherche B

Comment expliciter et mesurer l’apport d’un projet ou d’un portefeuille de projets de R&D ?

Hypothèse 2.1

Transparence des incertitudes et des hypothèses utilisées pour les évaluations

Hypothèse 2.2

Adapter l’outillage d’évaluation de la valeur à chaque stade de maturité du projet

Hypothèse 2.3

Confronter l’évaluation de la valeur avec la capacité organisationnelle à mener à terme l’innovation Limites

- Manipulation des incertitudes

- Complexité de la valeur

- Dynamisme des modèles

Manques

- Mécanismes de priorisation des critères de valeur à court, moyen et long termes suivant les enjeux projets ou portefeuilles

- Evaluation de la capacité organisationnelle à l’innovation

- Cotation des critères subjectifs

4.3 CONSTRUCTION ET MAINTIEN DE L’ADHÉSION DES

PARTIES PRENANTES DES PROJETS DE R&D EN

RUPTURE

Comme nous l’avons vu en introduction et dans l’état de l’art présenté, le processus d’innovation fait l’objet d’une attention grandissante en sciences de gestion. Toutefois, l’aspect organisationnel du processus d’innovation est souvent négligé au profit de la sophistication du filtrage décisionnel des projets.

Bien que de nombreux auteurs associent la sélection de projet à l’allocation de ressources, on constate que l’obtention de bons résultats selon la grille d’évaluation adoptée par l’entreprise ne suffit pas à garantir l’allocation puis le maintien des ressources nécessaires au développement d’une innovation. En effet, il est

avéré que l’existence de ressources dédiées à une activité ne garantit nullement un avancement sans heurts du projet ; d’une part parce que la source de financement n’est nullement synonyme de « bonne » ressource, c’est-à-dire compétente et disponible ; d’autre part, parce que la « bonne » ressource doit adhérer au concept avant de consacrer du temps et de l’énergie à l’activité d’innovation.

L’organisation des activités de conception innovante se révèle être un facteur essentiel à sa performance : la structure projet adoptée, le profil du chef de projet, le pilotage de rencontres et de négociations répétées entre les parties prenantes de l’innovation dans l’entreprise se trouvent être des sources de cohésion et de coordination des acteurs ayant la compétence pour mener la conception de façon optimale. L’allocation de

ressources apparaît comme une conséquence de l’adhésion et de la mobilisation des parties prenantes. Or nous n’avons pas trouvé de littérature sur l’allocation des ressources en R&D qui mobilise un

modèle d’adhésion des parties prenantes afin d’expliciter les mouvements — pourtant conséquents — d’engagement et de désengagement des ressources internes dans les projets d’innovation des grands groupes industriels, alors que les étapes de négociation et de contractualisation entre les partenaires sont décrites dans les logiques de tour de table associées au financement des start-up (MacMillan Roubina et David, 89 ; Kaplan et Stromberg, 01 ; Hege, 01).

Suite à ce constat, nous formulerons trois hypothèses sur les étapes de construction de l’adhésion des parties prenantes internes de l’innovation dans un grand groupe industriel, et sur les conditions de

maintien des partenariats internes de conception. Ces deux facteurs nous apparaissent indissociables

d’une stabilisation de l’allocation des ressources aux activités de R&D en rupture et, sur le long terme, de la réalisation des stratégies d’innovation portées par les gestionnaires de portefeuilles de projets.

Une des premières causes de sous-engagement ou de désengagement des ressources est l’omission de