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L’approche économique des projets de R&D

2.1


DIFFICULTES DECISIONNELLES D’INVESTISSEMENT EN R&D

81


2.1.1


D

ECISION ECONOMIQUE DANS L

INCERTAIN

81


2.1.1.1


CARACTERISTIQUES D’UNE DECISION ECONOMIQUE DANS L’INCERTAIN

81


2.1.1.2


L’APPORT DE LA THEORIE DES JEUX

85


2.1.1.3


L’APPORT DE LA THEORIE DE LA DECISION

87


2.1.1.4


OUTILS D’AIDE A LA DECISION ISSUS DE CES THEORIES

89


2.1.2


A

TTITUDES DES ACTEURS FACE AUX INCERTITUDES DE L

INNOVATION

92


2.1.2.1


AVERSION OU PROPENSION AU RISQUE

92


2.1.2.2


ASYMETRIE D’INFORMATION ENTRE INVESTISSEURS ET INNOVATEURS

93


2.2


FINANCEMENT INTERNE : LOGIQUES ET MODELES D’EVALUATION POUR LA

DECISION D’ALLOCATION DE RESSOURCES

95


2.2.1


L

OGIQUES DE FINANCEMENT DE LA

R&D

ET ALLOCATIONS DES RESSOURCES

95


2.2.1.1


NATURE ET CARACTERISTIQUES DES INVESTISSEMENTS EN R&D

95


2.2.1.2


PRATIQUES USUELLES DE FINANCEMENT EN R&D

97


2.2.1.3


LOGIQUES D’ALLOCATION DES RESSOURCES

101


2.2.1.4


PARADOXE DE LA R&D

105


2.2.2


M

ODELES ECONOMIQUES D

EVALUATION DES PROJETS DE

R&D

106


2.2.2.1


ACTUALISATION DES FLUX DE TRESORERIE ET L’OUTIL VAN

106


2.2.2.2


SIMULATION ALEATOIRE DE LA RENTABILITE (VAN STOCHASTIQUE)

110


2.2.2.3


VALORISATION DES DECISIONS :

D

ECISIONS

T

REE

A

NALYSIS

(DTA)

111


2.2.2.4


THEORIE DES OPTIONS REELLES

113


2.3


APPORTS

ET

LIMITES

DE

L’APPROCHE

ECONOMIQUE

POUR

NOTRE

PROBLEMATIQUE

118


2.3.1


A

NALYSE CRITIQUE DES OUTILS D

EVALUATION ECONOMIQUE

118


2.3.2


C

ONSEQUENCES DES LACUNES DES OUTILS SUR L

ALLOCATION DES RESSOURCES ET LES

Ce deuxième chapitre d’analyse de l’état de l’art a pour vocation de présenter la littérature sur le management économique des projets de R&D.

Tout d’abord, nous soulignerons les apports des théories de la décision dans l’incertain pour modéliser le comportement des décideurs face à un choix d’investissement risqué (2.1). Nous montrerons quelles sont les logiques usuelles d’investissement en R&D au niveau des entreprises et les modes opératoires de déclinaisons des budgets (2.2.1). Cela nous conduira à présenter les outils d’évaluation économiques mobilisés pour les décisions d’allocation des ressources (2.2.2) dont nous discuterons l’efficacité sur la base des études empiriques fournit par la littérature (2.2.3).

2.1 DIFFICULTES DECISIONNELLES D’INVESTISSEMENT EN R&D

Le critère monétaire étant universel, l’analyse économique est l’approche dominante de la littérature en sélection de projet de R&D. Le projet de R&D y sera considéré comme un investissement à moyen ou long terme pour l’entreprise. Le processus d’investissement rassemble une démarche d’analyse et de tri des informations, puis de prise de décision. En R&D, il présente les particularités de décisions économiques dans l’incertain (2.1.1) ; il est donc fortement dépendant du comportement du décideur face au risque et de la qualité de l’information disponible (2.1.2).

2.1.1

Décision économique dans l’incertain

2.1.1.1

Caractéristiques d’une décision économique dans l’incertain

Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, l’incertitude est une notion multiforme et dynamique, comprenant des niveaux de flou variables dans le temps. Néanmoins, lorsqu’on parle de décision dans l’incertain, on se réfère à la modélisation probabiliste du problème décisionnel. Si l’on reprend le schéma de description de l’incertitude du chapitre précédent, les probabilités disponibles seront les suivantes :

Figure 25 : Incidence de l’incertitude sur la nature des probabilités relatives aux données du problème décisionnel

La décision économique, comme toutes les formes de décision, pose la problématique du choix. Selon Lucien Sfez, la perception sociale de la décision a évolué au cours des siècles d’un déterminisme (le plus souvent religieux jusqu’au moyen âge) vers une ouverture globale des possibles et des choix après le Siècle des lumières (Sfez, 84, p122) :

« A l’homme certain répondait la définition de la décision comme acte rationnel et linéaire, marqué par un but. A l’homme probable répond la même définition, mais avec la reconnaissance de plusieurs chemins pour parvenir au même but. A l’homme aléatoire, répond la définition nouvelle. La décision contemporaine est un récit toujours interprétable, multi-rationnel, dominé par la multi-finalité, marqué par la reconnaissance de plusieurs buts possibles, simultanés, en rupture ».

Pour situer les enjeux d’une décision économique, nous nous appuierons ici sur la définition de la décision de Myron Tribus :

« Une décision est un choix comportant un risque parmi plusieurs actions possibles. Cet ensemble d’actions possibles est relié d’une façon ou d’une autre à un ensemble d’occurrences ou de résultats. S’il y a une relation déterministe connue entre les actions et les résultats, le problème est simplement une question de préférence et non pas de chance. Si le responsable de la décision connaissait les résultats associés à chaque action, il pourrait choisir celle conduisant aux conséquences les plus prisées. Un choix parmi plusieurs éventualités reflète un jugement de valeur » (Tribus, 72, p348).

La décision mène à l’action selon un processus que l’on peut décomposer en trois temps : l’analyse, le choix d’une des options, puis l’acte d’application de la décision. Pour aboutir à une décision réfléchie et durable, chacune de ces étapes doit faire

l’objet d’une attention et d’une méthodologie particulière.

Dans un premier temps, la préparation de la décision comprend l’analyse de l’environnement et la formulation des différentes options. Deux phénomènes de natures distinctes peuvent influencer l’environnement : les choix envisageables et les aléas exogènes. Cette étude est la partie la plus délicate et la plus fastidieuse de la décision puisqu’elle doit conduire à une hiérarchisation pertinente des informations nécessaires au choix

Incertitude

Risque Incertitude

Radicale Ambiguïté

Maîtrise des probabilités de réalisation _ _ _ _ Chaos _ _ _ Unforeseen Uncertainty _ _ Foreseen Uncertainty _ Variation ++ De Meyer et al, 02 Évènements non probabilisables dans l’état

de la connaissance Probabilités subjectives fiables Probabilités connues caractère déterministe Probabilités subjectives disparates Analyse des options Rationalisation Sélection Application

(Cyert et March, 70 ; Charreton et Bourdaire, 85). D’une part, l’analyse des alternatives permet au décideur de mieux comprendre et de mieux faire comprendre les répercussions possibles de sa décision :

« Une analyse serrée aide le décideur à souligner le fait que la décision n’a pas été prise sur des bases fragiles ; il peut s’en servir pour illustrer le côté rationnel de la stratégie qu’il a choisie et rallier les suffrages à sa thèse » (Raiffa, 73, p290).

D’autre part, la rigueur de l’analyse limite l’introduction de biais liés aux intérêts personnels du décideur (Sfez, 84, p7).

Ensuite, le décideur doit réaliser un arbitrage parmi les options dégagées par la phase analytique. Pour cela il doit structurer les informations et en déduire un nombre limité d’options qui formeront l’ensemble des décisions envisageables, puis choisir celle qui lui semble la plus favorable selon un ensemble de critères limités (Simon, 62).

Par cette succession d’étapes, la prise de décision s’accompagne d’une rationalisation de l’information obtenue précédemment, intégrant les contraintes existantes (information, ressources disponibles, règles et conventions, aléas divers) et la hiérarchisation des alternatives possibles selon un critère de préférence du décideur. La clarté de cette rationalisation est primordiale dans le cas où le décideur doit justifier son choix. Le plus délicat dans cette phase est l’élaboration du ou des critères de choix de sorte qu’ils soient cohérents avec les préférences du décideur. En effet, un problème de décision réel est généralement contraint par plusieurs caractéristiques qui ne s’expriment pas nécessairement dans la même unité, et que l’on souhaite pourtant agréger en un critère unique pour obtenir un classement des alternatives (Carluer et Richard, 02, p14).

Enfin, la décision se transforme en acte : la plupart du temps cette étape est incorrectement minimisée face à la prise de décision. Pourtant le bon déploiement des mesures d’application conditionne fortement l’adoption réelle d’une décision. Si la décision s’inscrit dans une succession de décisions interdépendantes, on parlera alors de stratégie (Kast, 93, p39).

Deux théories existent pour formaliser le comportement des décideurs face au risque ou à l’incertain : la Théorie des Jeux et la Théorie de la Décision. Dans les deux cas, l’objet est de proposer une modélisation mathématique du comportement d’un décideur selon son goût, son indifférence ou son aversion pour le risque, à supposer que ce comportement soit rationnel, c'est-à-dire à condition que le décideur ne choisisse pas des décisions qui vont à l’encontre de ses préférences (Tribus, 72).

Les décisions économiques sont au cœur de l’application de ces théories. En effet, les choix économiques rythment la vie d’une entreprise : quel sera le prix de vente d’un nouveau produit ? quels investissements doit-on réaliser, etc. Selon Charreton et Bourdaire, les décisions économiques couvrent l’ensemble des choix d’« adaptation de ses activités à la vision stratégique qu'à l'entreprise de son environnement » (Charreton et Bourdaire, 85, p7).

Contrairement à l’idée reçue selon laquelle la décision économique est quelque chose de facilement généralisable, il apparaît qu’elle doit être accommodée au cas par cas, pour s’adapter aux particularités de l’entreprise. RM. Cyert et JG. March insistent sur ce point (Cyert et March, 70, p1):

« Toute décision économique raisonnable ne peut être prise qu’en complétant les informations sur les facteurs du marché, par une étude approfondie de l’entreprise en tant qu’individualité, avec sa structure, ses options et ses buts particuliers. »

La décision économique présente deux particularités :

- elle s’appuie sur des indices ou des valeurs économiques, donc sur des données quantifiées. Cela peut être un avantage trompeur car les chiffres peuvent ne pas être fiables.

Aussi, les managers ne doivent en rien limiter les précautions à prendre vis-à-vis des hypothèses établies même, si l’analyse économique semble faciliter la décision.

« Les décisions économiques, qui sont par nature quantifiées, seront naturellement fondées sur une analyse et sur des méthodes quantitatives. La difficulté rencontrée dès l’abord vient de ce que certains éléments de l’environnement économique ne sont pas tous aisément quantifiables : les impondérables météorologiques (qui influent sur les récoltes), les contextes géopolitiques (blocus, guerres) et surtout les comportements des différents acteurs économiques. » (Kast, 93, p7)

- elle vise une seule et unique préférence : la maximisation du gain. Ou du moins l’atteinte

d’un « profit satisfaisant » (Gordon, 48 in Cyert et March, 70). La réalisation de ce critère de choix peut être obtenue à partir de plusieurs indicateurs appartenant au calcul économique que nous présentons au paragraphe 2.2.2.

Afin de hiérarchiser les critères décisionnels, on pourra s’appuyer sur la définition des préférences des agents du marché (clients, entreprise et concurrents) fournit par la Théorie Economique. On reprendra ici la définition étendue de l’homo economicus de la Théorie Microéconomique proposée par Carluer et Richard (02, p5) :

« L’homo economicus de la théorie microéconomique a pris un peu de substance. Il vit en société dans un environnement complexe, en interaction avec de nombreux agents, non seulement via des marchés mais également via des contrats, des conventions et des réseaux. Les agents ne sont plus ni des preneurs de prix (…) ni des preneurs d’états de la nature auxquels ils doivent s’adapter. (…) Ils ont également acquis une plus grande épaisseur temporelle : ils disposent d’une mémoire, de facultés d’apprentissage, sont soumis à des contraintes liées à leurs choix antérieurs (dépendance au chemin suivi jusque là), et ont acquis une certaine modestie, avec la certitude de ne pouvoir explorer toutes les possibilités de choix (rationalité limitée) ».

D’autre part, on s’appuiera également sur la théorie de l‘organisation telle que proposée par JG. March et HA. Simon où l’entreprise est considérée comme une coalition (directeurs, ouvriers, actionnaires, fournisseurs, clients, etc.) de membres présentant des demandes opposées qui sont autant de sources de conflits potentiels, mais devant toutefois s’unir pour la survie de l’entreprise (March et Simon, 58).

La décision économique est un des cas d’application classique de la Théorie de la Décision pour ces caractéristiques incertaines mais également de la Théorie des Jeux, car l’univers économique est concurrentiel. Certains auteurs le qualifient même d’hostile puisque « les états de la nature sont nombreux

2.1.1.2

L’apport de la Théorie des Jeux

Historiquement la plus ancienne rationalisation du comportement décisionnel, la Théorie des Jeux étudie les acteurs en situations de conflits d’intérêts dans un cadre fixé à l’avance. L’environnement est alors semblable à un jeu et à ses règles (Guerrien, 93). Elle doit son nom au fait que :

« les jeux de société sont des microcosmes de situations de conflits réelles : les échecs, la guerre (féodale !) ; le Monopoly, l’investissement immobilier ; le bridge, la communication, le choix de stratégies et le combat. Avec ou sans coopération, en connaissance complète ou non des autres joueurs et de leurs objectifs, avec ou sans incertitude sur l’environnement du jeu, la théorie des jeux a formalisé un grand nombre de situations de conflits. » (Kast, 93, p11).

La Théorie des Jeux est considérée comme formalisée depuis les travaux de Von Neumann et Morgenstern en 1944, mais elle s’est nourrie de nombreux travaux antérieurs, présents dès le XVIIè siècle21, sur les jeux d’échecs, de dés ou de courses de chevaux qui présentent des niveaux de complexité et d’incertitudes croissantes.

La théorie des Jeux axiomatise les comportements rationnels de plusieurs décideurs en interactions. Il s’agit d’un environnement décisionnel où « les données du problème ne sont pas connues à l’avance, car

certaines d’entre elles dépendent des choix d’autres acteurs, que le décideur ne peut pas anticiper complètement. De même, pour ces acteurs ; les choix du décideur considéré constituent autant de données non connues à l’avance. » (Moisdon, 90, p4). Les choix ont donc lieu dans l’incertain.

Les jeux traités par cette théorie peuvent prendre trois formes qui toutes sont présentes en décision économique dans l’incertain :

- Jeux contre la nature (hasard) : cas d’obsolescence inattendue d’une stratégie à cause d’une évolution sociale ou politique de l’environnement commercial ;

- Jeux concurrentiels : ils modélisent les décisions commerciales les plus courantes (prix, stratégies d’accroissement de la gamme de produit, des parts de marché, des régions de vente,

etc.) ;

- Jeux coopératifs : de nombreuses entreprises existent dans un réseau de collaboration, la « coalition » la plus courante étant la relation constructeur/fournisseur.

Figure 26 : Typologie des jeux (Bellut, 02, p 86)

21 Par exemple, on pourra se référer aux travaux du chevalier de Méré (1607-1684), de Pascal ou de Huygens sur les probabilités

Pour nos travaux, le principal apport de la Théorie des Jeux est la théorie de l’utilité espérée d’une décision. En effet, pour modéliser les interactions des acteurs, la Théorie des Jeux a besoin de s’appuyer sur une représentation formelle du comportement individuel des décideurs face au risque :

« Chacun des joueurs, se mettant à la place de ses opposants, peut chercher à trouver une décision pour chacun qui soit telle qu’aucun ne puisse individuellement mieux faire si les autres ne dévient pas. Ce type de raisonnement suppose (…) que chacun des joueurs raisonne de la même manière et adopte un comportement rationnel. » (Kast, 93, p57)

Proposée par Daniel Bernoulli au XVIIIè siècle sous le nom d’espérance de l’utilité du gain, la notion d’utilité espérée a été théorisée par Von Neumann et Morgenstern au travers des axiomes repris ci-dessous (Bernoulli, 1738 ; Von Neumann et Morgenstern, 44). Le concept d’utilité traduit la hiérarchisation effectuée par le décideur selon l’espérance de gain relatif qu’il affecte aux différentes conséquences possibles de sa décision. Pour une loterie, l’utilité correspond au coût équivalent à partir duquel un individu préférera jouer à la loterie plutôt que de débourser cette somme. Une décision sera considérée comme rationnelle si elle préfère la conséquence ayant le maximum d’utilité espérée. (Raiffa, 73).

Axiomes de la Théorie de l’Utilité Espérée 22 :

- Les préférences définissent un ordre total sur les loteries (les loteries sont comparables).

- Les préférences sont continues (si toutes les loteries d’une suite ln sont préférées à une loterie l, et que cette suite

admet une limite lo alors lo est préférée à l.)

- L’espérance mathématique de l’utilité des conséquences est linéaire (axiome d’indépendance).

Figure 27 : Axiomes de la Théorie de l’Utilité Espérée (Kast, 93, p75)

L’utilité présente la propriété d’être marginalement décroissante : l’ajout d’un euro à dix mille est moins satisfaisant que l’ajout d’un euro à dix (Tribus, 72). L’utilité de l’argent est donc fortement dépendante de la fortune de l’individu avant sa décision : une personne pauvre, qui possède un billet de loterie lui permettant de gagner 20 000 ducats avec une chance sur deux, acceptera à coup sûr une proposition de vendre comptant son billet pour 7 000 ducats23. L’utilité qu’il attribut à la loterie est donc nettement inférieure à son espérance mathématique (10 000 ducats).

L’approche par l’utilité espérée présente un apport concret pour notre étude car nous pourrons utiliser sa formalisation dans les situations de décisions économiques pour modéliser le comportement des agents face au risque. Ainsi nous pourrons nous appuyer sur la lecture de A. Hatchuel et JC. Moisdon (87, p80) :

« La rentabilité économique du projet apparaît dans un premier temps comme un critère fondamental de jugement, même si ce n'est pas le seul : sur cette base, on peut construire tout d'abord un indicateur classique de rentabilité, comme la valeur actuelle nette, puis passer par simple transformation à l'utilité, pondération des risques encourus acceptée par les parties prenantes :

- la complexité des choix en cause reste manipulable ;

22 L’axiome d’indépendance a fait l’objet de nombreuses critiques depuis son élaboration. Ces principaux détracteurs sont Maurice

Allais qui formalise un « effet de sécurité » (Allais, 53), puis D. Kahneman et A. Tversky qui montrent des déformations dues a deux effets : l’ « effet de certitude » qui incite à surévaluer des résultats certains et l’ « effet de contexte » qui rend compte de l’impact d’une perspective aléatoire (Kahneman & Tversky, 79).

- la théorie apporte des gains essentiels par rapport à toute autre analyse du risque, notamment parce qu'elle permet d'évaluer l'utilité d'une information supplémentaire. »

2.1.1.3

L’apport de la Théorie de la Décision

Alors que la Théorie des Jeux formalise le comportement de plusieurs décideurs en interactions, la Théorie de la Décision modélise mathématiquement le comportement individuel du décideur face au risque ou à l’incertain :

« La théorie de la décision constitue la tentative la plus achevée de la formalisation du comportement d’un individu ou d’un groupe confronté à un choix (…) à savoir l’édifice mathématique qui s’est récemment constitué avec pour ambition la rationalisation des choix en avenir incertain. » (Moisdon, 77, p20).

Les travaux les plus souvent présentés comme fondateurs de la Théorie de la Décision sont les ouvrages de Leonard Savage, Foundations of statistics (Savage, 54) et de R.I Luce et Howard Raiffa, Games and

decisions, (Luce et Raiffa, 57).

Depuis le XVIIe siècle, des critères permettant de formaliser mathématiquement le comportement et les préférences d’un décideur face à une situation de choix ont été proposés : un critère est une fonction qui associe un nombre à la décision, croissant avec les préférences du décideur. Les principaux critères décisionnels face à l’incertain sont repris ci-dessous.

Depuis la formalisation de la Théorie de la Décision dans les années 1950, on considère comme rationnelle une décision qui maximise le critère correspondant au comportement face à l’incertain du décideur. On choisira un critère différent selon que l’individu est indifférent au risque (critères de Laplace, Bernoulli, Pascal), attiré par le risque (Maximax), ou prudent face au risque (Maximin, Hurwicz, Savage et Markowicz).

Comportement décisionnel : principales hiérarchisation des préférences

(Moisdon, 77 ; Charreton et Bourdaire, 85 ; Kast, 93)

Nom Préférence visée Interprétation

Critère de Laplace Maximum de la moyenne arithmétique des gains Hypothèse d’équiprobabilité des états de la nature

Critère de

Bernoulli Maximum de la moyenne arithmétique des logarithmes des gains

La concavité du logarithme traduit l’utilité plus importante des gains lorsque le parieur est riche.

(Hypothèse d’équiprobabilité des états de la nature)

Critère de Pascal

Maximum de l’espérance

mathématique (moyenne arithmétique des gains pondérés par leur probabilité de réalisation)

Identique à Laplace mais avec prise en compte de la probabilité de réalisation des conséquences.

Critère de l’utilité espérée

(Bernouilli 2)

Maximum de la moyenne arithmétique des logarithmes des gains pondérés par leur probabilité de réalisation

Identique à Bernoulli mais avec prise en compte de la probabilité de réalisation des conséquences.

Critère de Wald

(Maximin ou Maximax)

Maximum du gain minimal si le décideur est pessimiste // maximum du gain maximal si le décideur est optimiste

Critère de prudence maximale ou d’optimisme maximal

Critère de Hurwicz

(critère du risque calculé)

Somme du gain maximal et du gain minimal, pondérés par un coefficient fixé par le décideur.

Critère de combinaison du pire et du meilleur résultat atteint selon un coefficient d’optimisme.

Critère de Savage

(Minimum-regret)

Minimum de la différence entre le gain réalisé

et le gain maximal potentiel Critère de minimisation du manque à gagner possible