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Chapitre 4 – Discussion

4.4. Limites

Un certain nombre de limites et nuances méritent d’être mentionnées et discutées avant de tirer une conclusion au présent mémoire. Celles-ci seront présentées séquentiellement.

Techniques de neuroimagerie. Afin de mener la présente étude, nous avons utilisé l’ensemble des outils CIVET développés à l’Université McGill, permettant la mesure de l’épaisseur

corticale de manière automatisée sur tout le cortex à partir de l’IRM. Il faut toutefois noter qu’il existe plusieurs de ces techniques, et qu’elles n’ont pas toutes la même efficacité pour mesurer l’épaisseur corticale des différentes régions du cerveau. Plusieurs techniques et logiciels existent (FreeSurfer, CIVET, etc.) et ceux-ci n’utilisent pas nécessairement les mêmes algorithmes de prétraitements ou les mêmes méthodes de calcul. Cela introduit de la discordance entre les résultats de certaines études. Notamment, la mesure de l’épaisseur corticale nécessite qu’un algorithme automatisé sépare la surface corticale par une bordure définie entre la matière blanche et la matière grise – il s’agit là d’une procédure de segmentation du cortex. Tel que défini dans l’introduction de ce mémoire, cette bordure elle-même n’existe pas au niveau physiologique. On distingue la matière blanche de la matière grise en descendant progressivement à partir de la couche VI du néocortex. Toutefois, il existe tout de même des fibres d’axones dans les couches superficielles du cortex et il peut persister des corps cellulaires dans les couches profondes. Il n’y a donc pas véritablement de limites absolues pour distinguer la matière blanche et grise. Par exemple, les régions sensorielles primaires du cortex présentent un degré plus élevé de myélinisation (davantage de matière blanche). Ainsi, il est plus difficile dans ces régions d’isoler la bordure entre matière grise et blanche en ces régions, et il en résulte des mesures assez variables d’épaisseur corticale (Fischl & Dale, 2000). Dans ces cas, le rapport signal/bruit de la séquence d’acquisition utilisée devient critique afin d’obtenir une mesure fidèle d’épaisseur corticale. Ainsi, il se pourrait que nous n’ayons pas pu observer d’associations entre les OL et l’épaisseur corticale des régions où il est plus difficile de mesurer celle-ci. Des améliorations technologiques pourront potentiellement résoudre ce problème. Il sera donc essentiel de comparer notre travail avec de futures publications.

De plus, dans la plupart des études (tout comme dans la nôtre), il est souhaitable de comparer les groupes d’un échantillon recueilli sur une mesure neuroanatomique, ou encore de mettre en relation une région donnée avec une variable d’intérêt (comme les caractéristiques des OL). Cela implique donc de pouvoir comparer les cerveaux des individus les uns aux autres. Comme il existe une variabilité interindividuelle considérable, une procédure de recalage doit être utilisée afin de mettre en

correspondance chaque point du cortex entre tous les sujets. Ce recalage permet d’assurer l’alignement des cerveaux, nécessaire à la comparaison par groupe. Rapidement, celle-ci nécessite de modifier spatialement les données neuroanatomiques de tous les individus par plusieurs transformations linéaires et non linéaires, ce qui introduit nécessairement des distorsions dans l’épaisseur corticale. De même, dans notre cas spécifique, nous avons recalé tous les cerveaux de nos sujets sur un modèle anatomique moyen, fourni par le Montréal Neurological Institute. Comme le modèle moyen du MNI est un cerveau d’individu jeune, cela implique que l’un de nos deux groupes a subi davantage de transformations (le groupe de personnes âgées, en l’occurrence). Ainsi, il se pourrait que certaines coordonnées « moyennes » réfèrent à une coordonnée virtuelle n’existant pas réellement chez les personnes âgées (ayant été produite par un calcul). Des techniques seront ajoutées dans CIVET afin de créer des modèles spécifiques aux échantillons des études plutôt que d’utiliser des cerveaux prédéfinis.

Enfin, l’épaisseur corticale représente une mesure biologiquement déterminée constituée par la somme des cellules gliales, des arborisations dendritiques des neurones, de leurs corps cellulaires, ainsi que certains facteurs vasculaires. La variabilité de l’épaisseur corticale peut ainsi dépendre de variations de quelques-uns ou même dans l’ensemble de ces facteurs. Or, les interprétations ne cherchent pas à distinguer entre ces différents facteurs. Il devient alors intéressant d’interpréter cette mesure en fonction de la force qu’elle a, c’est-à-dire de la mettre en correspondance avec les données physiologiques accessibles. Il s’agit là de la raison pour laquelle ce mémoire a cherché à présenter les connaissances les plus à jour sur la structure physiologique du cerveau lors du vieillissement ainsi que sur la relation physiologique entre la structure corticale et les oscillations lentes. Ces connaissances nous amènent à poser comme axiome que les changements dans l’épaisseur corticale représentent des changements au niveau de la microstructure des arborisations dendritiques ainsi que des synapses plutôt que dans le nombre de neurones ou de cellules gliales. Cependant, les effets du vieillissement sur les cellules gliales sont encore peu connus, bien qu’il soit admis par consensus que celles-ci changent peu lors de la prise d’âge. Or, les études sur cette question sont rares, et il est admis que ces derniers participent à l’oscillation lente (Amzica & Massimini, 2002). Ces cellules ont longtemps été ignorées

dans le domaine des neurosciences et leur rôle devient de plus en plus évident, que ce soit dans le fonctionnement synaptique, dans la régulation des oscillations lentes et de la pression homéostatique, ainsi que dans les processus cognitifs de haut niveau (Halassa et al., 2009 ; Volterra & Meldolesi, 2005). Il demeure essentiel de poursuivre la recherche fondamentale sur les changements associés à l’âge dans la structure cérébrale, notamment au niveau des cellules gliales et de tenir compte de ces changements dans l’interprétation des résultats de la présente étude.

Corrélation et causalité. Les deux dernières hypothèses proposées dans la discussion, notamment quant au rôle des OL dans différentes fonctions cognitives (maintien du sommeil profond, consolidation de la mémoire), nous amènent à réfléchir aux conclusions qu’il est possible de tirer. Le présent travail de recherche a été entrepris en postulant que la génération, la régulation et la propagation des oscillations lentes dépendent intrinsèquement de l’organisation du cortex cérébral, qui est, elle, reliée avec certains processus de plasticité. Il faut cependant aussi tenir compte que plusieurs études suggèrent que le sommeil pourrait lui-même participer à la régulation de la plasticité du cerveau et favoriser plusieurs types d’apprentissages (Abel et al., 2013 ; Tononi & Cirelli, 2014). Le sommeil pourrait entre autres induire des changements dans les arborisations dendritiques et dans la myélinisation intracorticale lors du relâchement de glutamate sur les oligodendrocytes durant les états actifs (Wake, Lee, & Fields, 2011). Ainsi, il est possible que les OL elles-mêmes puissent favoriser certains changements structuraux dans le cerveau, notamment en groupant certaines oscillations à haute fréquence durant les états actifs, comme les fuseaux de sommeil, l’activité gamma et les oscillations à haute fréquence (Piantoni et al., 2013 ; Steriade, 2006 ; Walker & Stickgold, 2010).

L’idée que les transformations dans le sommeil puissent modifier la structure du cerveau, et ainsi, précipiter divers changements cognitifs devra être exploitée dans les études à venir. Par la nature même du procédé utilisé, des mesures corrélationnelles comme celles utilisées dans la présente étude ne permettront pas de répondre à cette question. Il faudra utiliser des méthodes expérimentales et/ou longitudinales pour investiguer l’effet des changements du sommeil sur la structure du cerveau.