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Chapitre 4 – Discussion

4.3. Implications fonctionnelles

Les régions où nous avons constaté que les modifications d’épaisseur corticale étaient impliquées dans les modifications des OL au cours du vieillissement contribuent à plusieurs fonctions cognitives. Parmi celles-ci, notons la consolidation de la mémoire, dépendante des lobes frontaux et temporaux médians, ainsi que la régulation du niveau de conscience, impliquant le RMPD. Ces fonctions sont également reliées aux OL. Nos résultats suggèrent alors de nouvelles hypothèses quant

aux mécanismes sous-tendant les effets du vieillissement sur la cognition et les troubles du sommeil. Nous discuterons à présent de celles-ci.

4.3.1. Rôle des OL dans la consolidation de la mémoire au cours du vieillissement.

En plus d’un rôle passif dans la cognition (représentant une réponse adaptative aux changements synaptiques suscités par les phénomènes d’apprentissage), un rôle actif a été attribué aux OL dans la consolidation de la mémoire (Abel et al., 2013). Il a notamment été suggéré que les OL favorisaient la consolidation et la stabilisation des représentations en mémoire au cours de la nuit. Ainsi, les modifications neuroanatomiques que nous avons identifiées pourraient compromettre le rôle des OL dans la consolidation en mémoire, contribuant ainsi activement au déclin cognitif au cours du vieillissement.

Par exemple, la potentialisation « artificielle » des OL par courant alternatif appliqué sur le scalp favoriserait la consolidation au cours de la nuit de paires de mots en mémoire déclarative chez de jeunes sujets (Marshall, Helgadóttir, Mölle, & Born, 2006). Le modèle théorique avancé pour expliquer ce phénomène suggère que les états actifs produits durant les OL pourraient se propager dans certaines structures du lobe temporal médian, notamment dans l’hippocampe, et y déclencher certaines oscillations à hautes fréquences (dont les oscillations rapides, liées aux fuseaux de sommeil). On observe effectivement chez l’humain que les états actifs suivent un axe antéro-postérieur et aboutissent dans l’hippocampe (Nir et al., 2011). De plus, un grand nombre d’études chez l’humain et l’animal montrent que les fuseaux de sommeil et les oscillations à hautes fréquences seraient associés à la cognition ainsi qu’à la consolidation de la mémoire (Eschenko, Molle, Born, & Sara, 2006 ; Fogel & Smith, 2011 ; Fogel, Nader, Cote, & Smith, 2007 ; Lafortune et al., 2013 ; Mander et al., 2013). Le modèle propose ainsi que les oscillations déclenchées par la phase active de l’oscillation lente favoriseraient la consolidation de la mémoire déclarative en permettant le transfert des représentations en mémoire de l’hippocampe vers le néocortex au cours du sommeil (Diekelmann & Born, 2010).

De manière intéressante, certaines études suggèrent que la relation entre la consolidation de la mémoire et les OL semble s’atténuer chez les personnes âgées. Par exemple, l’AOL ne serait plus

al., 2013). La raison pour laquelle le sommeil serait moins relié à la cognition chez les personnes âgées demeure inconnue. Il faut cependant tenir compte qu’une déconnexion anatomique entre les cortex frontaux et temporaux a déjà été documentée au cours de la prise en âge (Z. J. Chen, He, Rosa-Neto, Gong, & Evans, 2011 ; Montembeault et al., 2012). Bien que notre étude n’ait pas directement évalué la connectivité entre régions distantes, il serait envisageable que les modifications synaptiques liées à l’âge dans les lobes temporaux et frontaux compromettent la propagation des OL entre le cortex frontal et les régions temporales. Cette hypothèse suggère que, chez les sujets âgés, le déclenchement des oscillations à hautes fréquences par la phase active de l’oscillation lente, garants de la consolidation en mémoire, soit compromis.

4.3.2. Rôle des OL dans la régulation du niveau de conscience lors du vieillissement

Lors du sommeil lent, on observe une diminution de la réactivité à l’environnement extérieur et une diminution du niveau de conscience. Un rôle actif a été suggéré aux OL dans ce processus, compte tenu de l’interruption de la connectivité cortico-corticale durant la phase silencieuse de l’OL. Le fait qu’un stimulus envoyé durant la phase négative de l’OL sur l’EEG ne suscite aucune activation cérébrale à l’IRMf appuie élégamment cette hypothèse (Schabus et al., 2012). La propagation préférentielle des OL au sein du RMPD en SL, un réseau impliqué dans la régulation du niveau de conscience (Raichle & Snyder, 2007), laisse suggérer que la récurrence des états silencieux dans cette voie pourrait y provoquer une abolition de la connectivité cortico-corticale et expliquer la diminution du niveau de conscience en sommeil profond (Dang Vu et al., 2008 ; Murphy et al., 2009 ; Tononi & Koch, 2008). Dès lors, les études en utilisant l’IRMf montrent que l’entrée en sommeil lent serait associée à un découplage progressif de la connectivité fonctionnelle dans l’ensemble des réseaux du cerveau, particulièrement entre les structure du RMPD (Horovitz et al., 2009 ; Sämann et al., 2011 ; Spoormaker et al., 2010). De plus, la connectivité fonctionnelle au sein de ce réseau prédirait le niveau

de conscience dans plusieurs états: de l’état de conscience minimal au coma en passant par le sommeil (Crone et al., 2011 ; Danielson, Guo, & Blumenfeld, 2011 ; Fernández-Espejo et al., 2012 ; Vanhaudenhuyse et al., 2010)). Ces études suggèrent alors que la tendance des OL à se propager au sein du RMPD pourrait y permettre l’abolition de la connectivité fonctionnelle ainsi que la conscience.

Le vieillissement est associé à une fragmentation et un allègement des stades de sommeil, ainsi qu’à une augmentation considérable des plaintes subjectives quant à la qualité du sommeil (Ohayon et al., 2004). De même, la microstructure de la matière grise change considérablement dans le RMPD lors de la prise d’âge (Z. J. Chen et al., 2011 ; Lemaitre et al., 2012 ; Montembeault et al., 2012). Nous avons déjà avancé que les modifications d’épaisseur corticale dans le lobule pariétal supérieur pourraient changer les voies de propagation des OL dans le réseau « mode par défaut ». Ainsi, on observerait lors du vieillissement une raréfaction de la récurrence préférentielle des états silencieux dans les structures du RMPD. L’incapacité à soutenir fréquemment les états silencieux durant le sommeil profond dans les structures du RMPD pourrait alors compromettre la dissipation progressive de la conscience chez les personnes âgées. Autrement dit, le cerveau des adultes prenant de l’âge pourrait avoir plus de difficulté à se couper du monde extérieur étant donné une incapacité à abolir la communication cortico-corticale dans ce réseau. Conformément, des résultats préliminaires d’une étude d’IRMf à notre laboratoire indiquent que, durant le sommeil, certaines régions du RMPD ne se désengageraient pas aussi bien chez les individus âgés comparativement aux jeunes. Ces hypothèses laissent planer la possibilité que les changements neuroanatomiques dans la matière grise puissent altérer la propagation des états neuronaux sous-tendant les OL dans le RMPD et sous-tendre certains troubles du sommeil au cours du vieillissement normal. Ces résultats seront bientôt publiés.