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Limites du concept de chaos temporel, exemple

Dans le document Systèmes non-linéaire et chaos (Page 174-179)

Pour les besoins de cette illustration, nous r´eutiliserons le mod`ele de Swift–Hohenberg modifi´e unidimen-sionnel introduit au Ch. 3, p. 51, dont nous rappelons la d´efinition:

tV + V ∂xV =h

R− (∂xx+ 1)2i

V . (8.6)

Avant d’imposer des conditions aux limites, consid´erons le syst`eme en milieu infini. Pour lin´eariser le syst`eme autour de la solution de base “V ≡ 0” il suffit d’abandonner le terme V ∂xV . Le taux de croissance des perturbations de la forme V ∝ exp(st + ikx) est donn´e par

s(k) = R− k2

− 12 . (8.7)

Il pr´esente un maximum pour|k| = 1, positif quand R est positif (figure 8.4, gauche). La courbe de stabilit´e marginale, d´eduite de la condition s = 0, est illustr´ee sur la figure 8.4 (centre).

Prenant `a nouveau les conditions aux limites (3.8), soit V et ∂xxV nuls aux deux extr´emit´es d’un intervalle de longueur `, et cherchant la solution sous la forme d’une s´erie de sinus, V = P

j=1Xj(t) sin(kjx), avec kj= jπ/`, on arrive `a (3.15), soit: d dtXj = sjXjj−1 X j0=1 1 2kj0Xj−j0Xj0+12kj X j0=1 Xj0Xj0+j. (8.8) Le taux de croissance sj de l’amplitude Xj du mode sin(kjx) reste donn´e par (8.7) avec k = kj de sorte que celui-ci se d´estabilise en

Rj = 1− (jπ/`)22

(8.9) La variation en fonction de ` du seuil d’instabilit´e lin´eaire, enveloppe inf´erieure de tous ces seuils, est pr´esent´ee sur la figure 8.4 (droite). On y observe une r´esonance spatiale (Rj= 0) toutes les fois que ` est un multiple de π.4

On s’int´eresse ici surtout au changement de comportement qui s’op`ere quand ` augmente de valeurs de l’ordre de π `a des valeurs plus grandes pour lesquelles le spectre se resserre notablement. La figure 8.5 illustre les r´egimes obtenus pour ` = 4,5π (pas trop grand) et plusieurs valeurs de R `a l’aide de projections de l’attracteur sur le plan des modes 4 et 5. Se limitant `a la gamme de R qui correspond `a la transition vers le chaos, on obtient pour R = 0,80 un cycle limite qui subit ult´erieurement une cascade de bifurcations sous-harmoniques (p´eriode 2 pour R = 0,85, 4 pour 0,86) avant de devenir faiblement chaotique (ici pour R = 0,90).

4Nous ne consid´ererons pas ici le cas dit “rigide” satisfaisant `a V (0) = ∂xV (0) = 0 = V (`) = ∂xV (`). Plus g´en´erique, il est aussi plus difficile `a traiter.

−4 −3.5 −3 −2.5 −2 −1.5 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 −4.5 −4 −3.5 −3 −2.5 −2 −1.5 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 −4.5 −4 −3.5 −3 −2.5 −2 −1.5 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 −5 −4.5 −4 −3.5 −3 −2.5 −2 −1.5 −2.5 −2 −1.5 −1 −0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5

Figure 8.5 : Transition au chaos temporel pour le mod`ele SH avec ` = 4.5π: projection de portraits de phase dans le plan des deux modes les plus dangereux (modes 4 and 5): De gauche `a droite et de haut en bas: R = 0,80; 0,85; 0,86; 0,90.

La cascade de bifurcations aurait pu ˆetre ´etudi´ee de fa¸con fine mais notre objectif ici est plutˆot d’examiner ce qui se passe quand ` augmente. De ce point de vue, il s’av`ere int´eressant de quitter l’espace des modes pour visualiser les r´egimes observ´es dans l’espace physique, plus imm´ediatement accessible dans les exp´eriences. La figure 8.6 pr´esente donc un diagramme spatio-temporel de la solution V (x, t) pour ` = 4,5π et R = 0,9 montrant que le syst`eme, bien que chaotique, reste tr`es coh´erent du point de vue spatial (en fait le chaos est peu visible dans cette repr´esentation alors qu’il ´etait ´evident sur le portrait de phase de la Fig. 8.5 en bas `a droite.).

La situation change lorsque ` augmente. Les figures 8.7 `a 8.9 illustrent le cas ` = 12,5π. En R ' 0 s’installe une solution cellulaire stationnaire correspondant au mode 12. Suivant cette solution en augmentant le param`etre de contrˆole de fa¸con adiabatique, on pr´eserve son caract`ere stationnaire jusque vers R = 0,70. En R = 0,75 un r´egime oscillant s’est install´e, faisant principalement participer les modes 12, 17, 18 et 24. Lorsqu’on augmente R, cette solution se d´estabilise ensuite pour ´evoluer vers un autre r´egime p´eriodique `a l’issue d’un long transitoire. En R = 0,77, le r´egime oscillant qui s’est ´etabli pr´esente un nœud d’amplitude

Figure 8.6 : Solution V (x, t) faiblement chaotique pour ` = 4,5π et R = 0,90 (t en abscisse, x en ordonn´ee, dur´ee totale ∆t = 100).

Figure 8.7 : Solution p´eriodique pour ` = 12,5π et r = 0,79 (t en abscisse, x en ordonn´ee, dur´ee totale ∆t = 100).

Figure 8.8 : Solution spatio-temporellement chaotique pour ` = 12,5π et R = 0,79. Vue g´en´erale d’une longue s´equence de dur´ee ∆t = 1000.

en x = `/2 (Fig. 8.7).5

Cette solution persiste jusqu’en R = 0,80 o`u l’on observe un r´egime marqu´e par des excursions vers des solutions difficiles `a caract´eriser et des retours vers un r´egime approximativement p´eriodique (Fig. 8.8 et ses agrandissements Fig. 8.9).

Il devient en fait tr`es difficile d’analyser le comportement du syst`eme dans l’espace des modes. Si la projection dans le plan des modes 8 et 12 permet bien de conclure `a l’existence d’un r´egime p´eriodique pour R = 0,79 (Fig. 8.10), une telle repr´esentation ne conduit plus `a rien d’identifiable pour R = 0,80. On peut comprendre pourquoi en comparant l’´evolution de la distribution des modes en r´egime p´eriodique pour R = 0,79 et en r´egime de turbulence faible pendant une phase laminaire et pendant une bouff´ee turbulente (Fig. 8.11). En r´egime p´eriodique, seuls le mode 12, ses sous-harmoniques 4, 8 et leurs harmoniques 16, 20, 24. . . sont excit´es, caract´eristique que l’on retrouve plus ou moins durant une phase laminaire, tandis que durant la bouff´ee turbulente le spectre de modes excit´es s’´elargit pour les inclure tous.

Pour conclure, remarquons que:

(1) La repr´esentation de la dynamique dans l’espace des modes, si elle reste l´egitime pour d´ecrire la transition vers la turbulence dans le cas ` = 4,5π avec une cascade de bifurcations clairement identifiable et pouvant ˆetre ´etudi´ee avec suffisamment de d´etail, devient inop´erante lorsque ` augmente. De plus, la gamme de param`etre de contrˆole sur laquelle se produit la transition se r´etr´ecit consid´erablement, ce qui rend concr`etement

5N.B.: l’´echelle en x (ordonn´ee) est diff´erente sur la Fig. 8.6 et sur les Figs. 8.7–8.9. La p´eriode spatiale est approximativement la mˆeme dans les deux cas.

Figure 8.9 : Agrandissements de la Fig. 8.8 sur des intervalles de dur´ee 100 autour de t = 350 (en haut, plusieurs courtes bouff´ees chaotiques) t = 650 (au milieu, pendant une s´equence laminaire) et t = 750 (en bas, pendant une longue bouff´ee chaotique).

−1.2 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 −4.7 −4.6 −4.5 −4.4 −4.3 −4.2 −4.1 −4 −3.9 −3.8

Figure 8.10 : Attracteur correspondant au r´egime p´eriodique pour ` = 12,5π et R = 0,79 de la Fig. 8.7 en projection dans le plan des modes 8 et 12.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 0 5 10 15 20 25 30 35 40 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 0 5 10 15 20 25 30 35 40 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3

Figure 8.11 : Amplitudes des modes en sin(kjx) en r´egime p´eriodique pour R = 0,79 (`a gauche) et en r´egime turbulent pour R = 0,80 durant une phase laminaire (au centre) et une bouff´ee turbulente (`a droite).

impraticable une ´etude fine du sc´enario d´etaill´e en termes de syst`emes dynamiques `a petit nombre de degr´es de libert´e. La raison de cet ´echec tient `a l’augmentation rapide du nombre de modes impliqu´es dans le processus, ce qu’illustre la Fig. 8.12.

(2) Mˆeme si le chaos qui s’installe peut faire penser `a de l’intermittence (au sens temporel), il devient dif-ficile de l’interpr´eter aussi simplement. En particulier il semble imp´eratif de passer `a une repr´esentation des ph´enom`enes dans l’espace physique et non plus dans l’espace spectral. Dans cette perspective, nous avons observ´e que la solution `a un instant donn´e avait une allure localement p´eriodique, mais affect´ee de

−30.00 −20.0 −10.0 0.0 10 20 30 N(s’>s) s

Figure 8.12 : Nombre de modes de l’op´erateur lin´earis´e de taux de croissance sup´erieur `a s pour le mod`ele de Swift– Hohenberg pour ` = 4,5π et ` = 12,5π.

modulations `a plus ou moins courte port´ee. Les r´egions p´eriodiques rel`event manifestement de solutions particuli`eres uniformes du probl`eme non-lin´eaire en milieu infini, et le nombre de celles-ci augmente rapi-dement avec l’´ecart au seuil. Quant aux modulations, elles tirent leur origine d’une frustration du syst`eme qui ne peut accommoder les conditions de bord `a distance finie (bien que grande) `a l’aide d’une seule de ces solutions particuli`eres, et qui peut se voir oblig´e de “raccorder” des fragments de telles solutions au moyen de “d´efauts” localis´es. Le comportement temporel r´esultant peut d`es lors ˆetre tr`es complexe.

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