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Instabilit´es et confinement

Dans le document Systèmes non-linéaire et chaos (Page 170-174)

Les instabilit´es qui conduisent `a la formation de structures dissipatives sont l’expression d’une coop´eration coh´erente dans le temps et dans l’espace entre diff´erentes quantit´es physiques. Dans un milieu continu, ces grandeurs, ici d´esign´ees collectivement par V, sont des fonctions du point et du temps, i.e. V ≡ V(x, t). Dans le cas le plus simple, on s’int´eresse `a une situation de r´ef´erence V0 stationnaire en temps et uniforme en espace dans une configuration g´eom´etrique id´ealis´ee (pour la convection il s’agit d’une couche fluide illimit´ee lat´eralement, soumise `a un gradient thermique vertical) et aux fluctuations δV qui peuvent affecter ces grandeurs, i.e. V = V0+ δV. Les perturbations infinit´esimales δV = V0,  → 0, autour de V0

sont gouvern´ees par un op´erateur diff´erentiel lin´eaire L(∂t, ∂x; R)· V0 = 0, R d´esignant l’ensemble des param`etres de contrˆole. Cet op´erateur est obtenu par d´eveloppement des ´equations d’´evolution en puissance des perturbations tronqu´e au del`a du premier ordre. Le syst`eme ´etant implicitement suppos´e autonome et invariant par translation dans l’espace, et l’´etude de la stabilit´e se pr´esentant comme un probl`eme aux valeurs initiales, il est l´egitime de chercher les solutions du probl`eme lin´earis´e par superposition de modes issus d’une transformation de Fourier–Laplace, soit

V0= exp(st + i(k·x)) ˆV , (8.1) ce qui introduit le taux de croissance s et le vecteur d’onde k. Exprimer le fait que ˆV est solution du probl`eme lin´earis´e conduit alors `a une relation entre s et k fonction de R, appel´ee relation de dispersion:L(s, ik; R) = 0, o`u s et k sont a priori complexes. Dans pratiquement tout ce qui suit nous nous limiterons `a une situation o`u l’on peut se ramener `a un vecteur d’onde `a une composante k r´eelle (syst`eme quasi-unidimensionnel, voir plus loin la discussion relative `a la Fig. 8.3) et il sera commode de poser s = σ− iω.

Dans le cadre d’un analyse dite temporelle on cherche `a r´esoudre cette relation de dispersion en s, soit s = σ(k; R)− iω(k; R). La stabilit´e du syst`eme vis `a vis de perturbations infinit´esimales en ondes planes d´elocalis´ees exp(ikx),1est garantie d`es lors qu’`a R fix´e, la partie r´eelle σ de leur taux de croissance complexe s est n´egative pour tout k, i.e. maxkσ(k; R) < 0. Les modes k qui rendent le syst`eme marginal se d´eduisent de la condition σ(k; R) = 0. R´esolvant cette ´equation en R fonction de k on obtient les surfaces de stabilit´e marginale correspondant aux diff´erents modes neutres du syst`eme. Pla¸cons nous dans le cas le plus simple o`u l’on peut ramener ce probl`eme `a l’´etude d’une simple relation de la forme R = Rm(k). Le graphe de Rm partage le plan (k, R) en un domaine stable (σ(k; R) < 0) et un domaine instable (σ(k; R) > 0). Lorsque l’instabilit´e se d´eclenche par valeurs croissantes de R, il pr´esente g´en´eralement l’allure dessin´ee sur la figure 8.1 avec un minimum quadratique pour une valeur Rc du param`etre de contrˆole R appel´ee le seuil d’instabilit´e, valeur atteinte pour k = kc, le vecteur d’onde critique. De son cˆot´e, la pulsation critique du mode est d´efinie par ωc= ω(kc; Rc).

`

A ce stade, il est facile de classer les diff´erents cas possibles selon les valeurs de kcet ωc(cf. tableau 8.1). En toute g´en´eralit´e on s’attend `a trouver ωc 6= 0 et kc 6= 0; on parle alors d’onde dissipative. C’est le cas par exemple de la convection dans un m´elange. Des conditions particuli`eres li´ees au m´ecanisme d’instabilit´e peuvent forcer ωc ou kc `a s’annuler. On appelle stationnaire une instabilit´e telle que ωc= 0. Lorsque kc= 0 elle est dite homog`ene. Enfin, si ωc= 0 mais kc 6= 0, on parle d’instabilit´e cellulaire. La r´eaction chimique de Belouzov–Zhabotinsky offre un exemple d’instabilit´e homog`ene oscillante. La convection de Rayleigh–B´enard est cellulaire entre parois bonne conductrices, stationnaire et homog`ene entre parois mauvaises conductrices. Dans un milieu continu, le mode critique n’est pas isol´e de ses voisins mais appartient `a une branche. Tout en restant `a un stade lin´eaire, pour d´ecrire plus compl`etement le syst`eme au voisinage de son point

1L’approche compl´ementaire consiste `a ´etudier l’´evolution d’une perturbation localis´ee en un point x0. Si la perturbation d´ecroˆıt, le syst`eme est stable. Mais, dans le cas instable, elle peut soit envahir tout le syst`eme (instabilit´e absolue) soit, tout en croissant, ˆetre ´evacu´ee loin de x0 (instabilit´e convective). Cette distinction est particuli`erement pertinente dans le cas des ´

ecoulements ouverts d´eveloppant des ondes et o`u le courant est susceptible d’advecter les perturbations vers l’aval. Il est alors commode de d´evelopper une analyse dite spatiale. Pour ce faire, on pose s =−iω, ω ∈ C, de sorte que (8.1) s’´ecrit alors V0 = exp(i(k· x − ωt) ˆV. On ´etudie ensuite la r´eponse `a un for¸cage p´eriodique localis´e en postulant un taux de croissance imaginaire pur s =−iω, ω ∈ R et r´esout le probl`eme en k, k ∈ C.

R

k

kc Rc instable stable

Figure 8.1 : Allure typique d’une courbe de stabilit´e marginale d´elimitant un domaine stable et un domaine instable dans le plan (k, R).

Table 8.1 : Diff´erentes instabilit´es possibles.

kc = 0 kc6= 0 ωc= 0 inst. stationnaire homog`ene inst. cellulaire ωc6= 0 inst. oscillante homog`ene onde dissipative

critique, il faut d´evelopper la relation de dispersion en puissances des ´ecarts `a kc, ωcet Rc. Consid´erons tout d’abord la partie r´eelle de la relation de dispersion s = σ(k; R)− iω(k; R). `A l’ordre le plus bas, il vient:

σ = (R− Rc)∂kσc+12(k− kc)2kkσc, (8.2) l’indice “c” pour ∂kσ et ∂kkσ indiquant que ces d´eriv´ees sont ´evalu´ees en (kc, Rc). Il n’y a ni terme constant, ni terme lin´eaire en (k− kc) car le seuil correspond `a un extremum en k pr´ecis´ement pour σ = 0. Il sera utile pour la suite de r´ecrire (8.2) sous forme adimensionn´ee:

τ0σ = − ξ2

0δk2,  = (R− Rc)/Rc, (8.3) ce qui d´efinit implicitement un temps caract´eristique d’´evolution τ0et une longueur caract´eristique ξ0. Reli´ee `

a la courbure de la courbe de stabilit´e marginale au seuil, cette derni`ere est g´en´eralement appel´ee longueur de coh´erence. Pour des raisons dimensionnelles on doit s’attendre `a la trouver2 d’ordre 1/kc, la longueur d’onde critique λc= 2π/kc ´etant la seule longueur r´esultant du m´ecanisme d’instabilit´e. Dans ces notations, la condition σ = 0 s’´ecrit donc simplement:

R− Rc

Rc

= ξ02δk2. (8.4)

Consid´erons maintenant le d´eveloppement de la partie imaginaire de la relation de dispersion. Au voisi-nage du seuil, la pulsation du mode est donn´ee par:

ω− ωc= (R− Rc)∂Rωc+ (k− kc)∂kωc+1

2(k− kc)2kkωc+ . . . (8.5) On remarquera que la correction en R, premier terme au membre de droite, ne change rien qualitativement parlant d`es lors que ωc ≡ ω(kc; Rc) n’est pas accidentellement nul. Par contre les corrections en k sont physiquement importantes. La quantit´e Vg= ∂kωcrepr´esente la vitesse de groupe des ondes au seuil.3Quant au terme 1

2kkωc, il rend compte de la dispersion lin´eaire des ondes.

2Sauf naturellement dans le cas d’une instabilit´e homog`ene avec kc= 0 qui met en d´efaut l’argument et n´ecessite un calcul direct, cas que nous ´ecartons dans ce qui suit.

4 5

R

kc

R

k

kc−δk Rc kc+δk kc R 1 R 2 kc−δk kc+δk

Figure 8.2 : En haut: syst`eme confin´e pour lequel les modes ont des structures bien distinctes les unes des autres et un spectre discret de valeurs propres isol´ees. La r´ef´erence aux courbes de stabilit´e marginale du milieu infini n’a, a priori, plus de sens; elle peut cependant servir `a comprendre l’´etagement des seuils des diff´erents modes en fonction de leur structure spatiale. En bas: syst`eme ´etendu o`u, le long de la courbe de stabilit´e marginale, la structure des modes ne se distingue que par la longueur d’onde, des modes voisins ayant des seuils quasi-d´eg´en´er´es.

Jusqu’`a pr´esent nous avons implicitement consid´er´e la situation id´eale d’un syst`eme lat´eralement illimit´e. Si ce n’est pas le cas, il faut rendre compte des effets de bord `a distance finie. Ceci se traduit par une discr´etisation des modes admissibles. Le cas le plus simple correspond `a un syst`eme soumis `a des conditions aux limites p´eriodiques `a une distance `. La d´ependance spatiale des modes propres doit alors effectivement ˆetre prise sous la forme exp(iknx) avec kn = 2nπ/`. L’´ecart entre modes voisins, donn´e par kn+1−kn= ∆k = 2π/`, est `a comparer au vecteur d’onde critique (s’il ne s’agit pas d’une instabilit´e homog`ene pour laquelle kc = 0). Il vient ∆k/kc = 2π/`kc = λc/`. Lorsque ` λc, on a affaire `a des modes voisins quasi-d´eg´en´er´es appartenant `a une branche continue. En effet, pr`es du seuil, le long de la courbe de stabilit´e marginale ceci correspond `a un ´ecart ∆R/Rc∼ (λc/`)2

 1. Au contraire si ` ' λc, les modes sont tr`es distants les uns des autres, le spectre est discret et d´epend compl`etement des propri´et´es de r´esonance g´eom´etrique entre la taille du syst`eme et la taille des structures engendr´ees par le m´ecanisme d’instabilit´e (cf. Fig. 8.2). Typiquement, si (1) est le mode le plus instable et (2) le mode suivant, on a alors (R2− R1)/R1' O(1).

Il est d’usage de d´efinir la g´eom´etrie adimensionn´ee du syst`eme `a l’aide de facteurs de forme: Γ = `/(λc/2) = `kc/π.

Revenons un instant au cas concret d’un syst`eme d´efini dans l’espace physique `a 3 dimensions. Le plus souvent le m´ecanisme d’instabilit´e singularise une direction de l’espace, la taille h du syst`eme dans cette direction servant alors la longueur de r´ef´erence. (En convection il s’agit respectivement de la verticale et de

h =1

d = 0

eff Γy Γx

d = 1

eff Γx>>1

d = 2

eff Γy>>1 Γx>>1

Figure 8.3 : Facteurs de forme Γx,y pour une boˆıte parall´el´epip´edique. deff est la dimension spatiale effective du syst`eme, pour autant que l’instabilit´e d´eveloppe des structures dissipatives dont la taille caract´eristique est de l’ordre de la hauteur h de la cellule et que le m´ecanisme soit isotrope dans le plan (x–y). `A gauche: syst`eme ´etendu quasi-bidimensionnel, Γx et Γy  1. Au centre: syst`eme quasi-unidimensionnel selon x, Γx  Γy ∼ 1. `A droite: syst`eme confin´e, Γx∼ Γy∼ 1.

l’´epaisseur de la couche fluide.) Ce mˆeme m´ecanisme d´etermine la longueur d’onde critique qui, pour des raisons dimensionnelles est de l’ordre de h. (En convection kc= 3,117/h et donc λc= 2,015h.) Si le syst`eme n’est pas confin´e dans les deux directions compl´ementaires, le vecteur d’onde est `a deux composantes [k = (kx, ky)] et la condition de stabilit´e marginale d´efinit une nappe bidimensionnelle. La discr´etisation introduite par les effets de bord op´erant comme dans le cas simplifi´e pr´ec´edent on obtient un spectre quasi-continu fortement d´eg´en´er´e; le syst`eme est alors quasi-bidimensionnel. Laissons s’approcher les parois lat´erales dans l’une des deux directions, par exemple y, i.e. Γx 1 et Γy' 1. Le raisonnement fait pr´ec´edemment implique une forte lev´ee de d´eg´en´erescence des modes neutres index´es par ky (ky = 2πny/`y), ce qui d´ecompose la nappe marginale en une s´erie de branches quasi-continues distinctes, seulement index´ees par kx. Si l’on s’int´eresse `a un voisinage du seuil suffisamment ´etroit pour ne pas inclure de modes transverses (en y) autres que le fondamental, le syst`eme doit alors ˆetre consid´er´e comme quasi-unidimensionnel. Poursuivant la d´emarche et approchant des parois dans la direction x, i.e. Γx ' 1 et Γy ' 1, on arrive `a un spectre de valeurs propres bien isol´ees, la structure spatiale de chaque mode lui ´etant sp´ecifique. Le syst`eme effectif est alors z´ero-dimensionnel. Ces diff´erentes situations sont illustr´ees sur la figure 8.3.

Qualitativement, quand la taille du syst`eme est de l’ordre de la longueur de coh´erence dans une direction donn´ee, le m´ecanisme d’instabilit´e fige la structure spatiale des modes instables dans cette direction, ce qui abaisse la dimensionnalit´e effective du syst`eme. Une certaine perte de coh´erence reste possible dans les directions de confinement faible, ce qui ajoute des degr´es de libert´e au syst`eme. Les modulations ainsi permises seront d´ecrites par des champs fonction du temps et d’une ou deux coordonn´ees d’espace gouvern´es par des ´equations aux d´eriv´ees partielles qui ´etendent au domaine spatio-temporel les formes normales introduites dans le domaine strictement temporel. Ce dernier correspond naturellement au cas compl`etement confin´e descriptible par des modes dont les amplitudes sont des fonctions du temps gouvern´ees par des ´equations diff´erentielles ordinaires.

Ici, les ´equations d’enveloppe seront introduites d’un point de vue purement ph´enom´enologique (§8.4.1), ´etant entendu qu’il existe une strat´egie bien d´efinie, la m´ethode des ´echelles multiples, pour les obtenir. Au-paravant nous allons consid´erer l’effet du confinement sur un mod`ele particulier pour bien voir les difficult´es qui se pr´esentent lorsque les effets de confinement se font plus faibles et que les modes se mettent `a prolif´erer.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 -4.0 1.0 R=-0.5 R=0.0 R=+0.5 k s 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 -0.5 1.5 3.5 R k 0.0 10.0 20.0 30.0 40.0 50.0 long. 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 Rc

Figure 8.4 : `A gauche: Taux de croissance des perturbations infinit´esimales avec R =−0.5, 0, and +0.5. Au centre: courbe de stabilit´e marginale en milieu infini. `A droite: la courbe seuil (8.9) fonction de ` pour le mod`ele SH avec des conditions aux limites “libres” est un assemblage de diff´erents arcs correspondant `a des valeurs croissantes de j.

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