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Les limites du droit souple de la RSE

Section 1 : Le droit souple de la RSE comme mode de régulation de l’activité des sociétés cotées

III. Les limites du droit souple de la RSE

A la différence de la « hard law », la « soft law » qui est souvent avantagée pour sa souplesse, sa flexibilité et son adaptabilité face à des problématiques sociales et environnementales, n’apportent pourtant pas les mêmes sécurités juridiques que la « hard law ».

Principalement parce que les sources souples de la RSE sont le résultat d’une volonté des sociétés, il n’existe pas de hiérarchie juridique entre elles, comme il en existerait pour les sources dures de la RSE. Cette absence de hiérarchie juridique est d’une certaine manière, en la faveur de SA, SCA ou Corporations car elles pourront choisir la norme qui leur est la plus adaptée. L’étude réalisée dans le cadre du projet CSR

Impact106, démontre que le droit souple de la RSE est majoritairement orienté vers les

attentes de l’entreprise que vers les résultats de cette démarche responsable sur la Société civile. Ce même projet pointe une seconde limite qui est le manque de transparence dans le mode d’élaboration de ces sources, en raison d’un manque de cadre règlementaire. Comme nous l’avons affirmé plus haut (V.p.72), les méthodes d’élaboration sont très hétérogènes entre elles et sont souvent variables d’une société à une autre. Par exemple, certains codes de conduite sont rédigés de façon unilatérale par la direction alors que dans d’autres sociétés anonymes ou en commandites par actions, les codes ou chartres sont l’aboutissement d’une négociation entre les différentes « parties prenantes » de la société. Cette hétérogénéité dans la forme est doublée par une disparité dans le contenu des normes.

La souplesse de ces règles pose également un problème d’accessibilité de la norme aux « parties prenantes ». En effet, les codes de conduites ou les chartres éthiques pensés par les entités économiques cotées, n’arrivent pas toujours à leurs destinataires. Contrairement, aux sources de « hard law » avec le « droit souple » de la RSE, il n’existe pas de canal officiel (par exemple la loi). Le canal de diffusion est organisé par l’entreprise elle-même et cela limite considérablement leur diffusion, mais aussi leur effectivité. Certaines « parties prenantes » n’ont d’ailleurs aucune connaissance de l’existence d’un code ou d’une chartre éthique et environnementale réglementant l’activité économique de l’entreprise. De ce fait, il est difficile d’assurer un respect de la norme par tous.

Concernant les sources souples internationales de la RSE, leur faible connaissance par les entreprises cotées, laisse perdurer une incertitude quant à l’efficacité de leur diffusion crées pourtant sous l’égide d’organisations internationales. Le choix que laisse ces organisations quant à l’adoption ou non de ces règles, fait que leur force normative laisse à désirer puisqu’elles ne sont parfois pas adaptées aux attentes des entreprises.

Il existe également un problème de respect de ces normes par les entreprises. Comme le veut sa définition, le « droit souple » à la différence du « droit dur », n’est pas systématiquement accompagné d’une sanction en cas de non-respect. D’ailleurs, les sociétés choisissent si elles veulent instaurer une procédure de contrôle du respect de la norme RSE. Peu des codes de conduite prévoient des contrôles et des sanctions. L’affaire l’Affaire Kasky contre Nike107 nous illustre cette limite puisque la

société Nike fut condamnée pour n’avoir pas respecté les règles les plus élémentaires concernant le travail des enfants et des femmes et ainsi, ne pas avoir respecté les clauses de son code de conduite.

Enfin, on constate que les frontières entre le « droit souple » et le « droit dur » de la RSE ne sont pas si opaques. Certaines normes souples abondement respectées et appliquées par les sociétés cotées peuvent parfois être reprises par les pouvoirs publics qui l’érigent en loi. L’initiative de la SA AXA dans l’adoption d’une procédure d’alerte dans son code de conduite en est l’exemple pur.

Afin de lutter contre la corruption et garantir une transparence des affaires, le législateur français rend obligatoire et non plus facultatif pour les SA et les SCA, d’introduire un lanceur d’alerte dans les codes de conduite de ces sociétés. De même, on s’aperçoit que les codes de conduite au même titre que la loi, acquiert une certaine juridicité puisque comme l’affirme le juge de cassation dans l’Affaire Dassault108, le

juge a la capacité de contrôler le contenu d’un code de conduite d’une société cotée. Pour conclure, nous avons constaté que la création d’une nouvelle source normative souple de la RSE, ne permet pas systématiquement d’assurer une sécurité juridique aux acteurs économiques et aux tiers. Si un certain nombre de ces principes de « droit souple », telle que la norme ISO 26000, peuvent revêtir une vraie force normative en raison de leur généralisation, de leur respect par les entreprises et des droits qu’ils accordent aux « parties prenantes », ce n’est pas le cas de tous. La souplesse du droit de la RSE a atteint ses limites en ce qu’il ne crée pas d’obligation et n’est pas assorti de sanction. Seule la saisie de ce droit par le législateur, en le rendant « dur », pourrait garantir son respect par les entreprises et les tiers. En capturant les normes souples de la RSE, le droit dur réapparaît dans la sphère juridique de la RSE.

107 Supreme Court of California, 2003, Nike Inc., préc. 108 Cass. soc, 2009, Dassault Systèmes, préc.