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Ces limites tiennent aux insuffisances des initiatives individuelles d’une part et d’autre part à la politique ivoirienne de l’immigration peu renforcée sans oublier l’environnement politique et social parfois incertain.

5.2.1 L’insuffisance des initiatives individuelles

Nous avons vu dans les chapitres précédents les apports en dons, en nature ou en espèce de la diaspora de la ville de Gatineau-Ottawa. Cette diaspora ne se contente pas de faire des dons à leurs proches dans les pays d’origine, mais va jusqu’à la réalisation de micro, petites, et moyennes entreprises. La création de ces entreprises répond à deux objectifs : renforcer les capacités financières de l’entrepreneur lui-même quand il retourne dans son pays d’accueil et contribuer au recul de la pauvreté dans les ménages de leurs proches en les soulageant des besoins vitaux.

Force est donc de constater que ces entreprises sont gérées pour la plupart du temps par les proches parents des membres de la diaspora. Plusieurs justifications sont avancées par les membres de la diaspora lorsqu’ils transfèrent la gestion de leurs affaires aux parents proches. Il s’agit entre autre de la proximité avec le parent, la confiance qu’ils portent à ce dernier, ou de son autorité qu’il exerce sur les autres membres de la famille.

Toutefois, la question de confiance est le motif principal. Or, certaines de ces entreprises ont été créées sans une bonne étude de marché et/ ou sans une évaluation de la rentabilité du projet. Les entreprises sont créées spontanément sur conseil et avec l’aide des parents qui ont la connaissance du terrain, mais peu outillées pour en déterminer la rentabilité du milieu d’affaires. En conséquence, ces initiatives individuelles s’exposent aux risques de voir des projets mort-né ou moins compétitifs en raison d’une mauvaise planification ou d’un plan d’affaires mal structuré.

Par ailleurs, comme nous l’avons souligné plus haut, la gestion de ces entreprises est confiée aux membres de la famille qui n’ont aucune connaissance managériale ou en

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gestion. Le critère de confiance est le seul retenu par le membre de la diaspora pour confier la gestion de son affaire à son parent. Le risque de faillite est plus grand, car la mauvaise gestion, le détournement, la dilapidation sont le plus souvent au rendez-vous.

De plus, le financement de ces entreprises et les risques liés sont supportés exclusivement par le membre de la diaspora sans aucun accès au crédit ni aucune garantie bancaire. Il court ainsi le risque d’être essoufflé financièrement en cas de difficulté financière de l’entreprise ou de catastrophe naturelle ou humaine exposant l’entreprise à une cessation de paiement. Il est seul dans la réalisation de son affaire alors qu’un bon relais et des réseaux de soutien dans les pays d’origine pourraient éviter certains écueils. Le membre de la diaspora a besoin d’avoir des structures d’accueil dans son pays d’origine quand il veut investir ses économies. Enfin, même dans le pays d’accueil il faut qu’il y ait un cadre qui permette aux membres de la diaspora de se rencontrer et d’identifier les secteurs porteurs de richesse dans leur pays d’origine afin de se lancer avec succès. L’isolement des initiatives et la dispersion créent la dispersion des ressources et des efforts pour le pays d’origine.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que les initiatives personnelles des membres de la diaspora, bien que génératrices d’emplois et de bien-être des populations locales, s’exposent à des limites endogènes (familles) et exogènes (environnement) qu’il y a lieu de corriger.

5.2.2 Une politique ivoirienne de la diaspora encore à la traine

Quand nous parlons de politique ivoirienne, il s’agit du manque ou de l’absence d’actions offensives du gouvernement ivoirien en faveur de toutes les actions diasporiques. Plus concrètement, jusqu’à ce jour, aucune structure adéquate n’existe pour coordonner toutes les initiatives des acteurs de la diaspora. Il est vrai qu’il existe désormais un ministère de l’intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur. Mais au cours de nos enquêtes, les organismes et les personnes rencontrées ont déclaré n’avoir aucun contact avec ce ministère qui, à l’origine, était dédié à l’intégration africaine. De

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plus, il nous semble que les acteurs de la diaspora accordent peu de crédit à ce ministère qui sert les intérêts politiques de quelques membres d’organisation politique.

Or, la mise en œuvre de véritables organismes se démarquant des sensibilités politiques et politiciennes, en vue d’encadrer les actions des acteurs de la diaspora, incitera à créer véritablement de la richesse dans les pays d’accueil. Prenons le cas de l’Amérique Latine. Un fonds d’investissement multilatéral (FIM) a été institué qui a pour but de financer des projets visant à réduire les transferts de fonds et à mettre à la disposition des ménages transnationaux des services bancaires formels. Ce mécanisme est une véritable réussite et un exemple pour les pays à fort taux d’immigration. Cet organisme incitatif des actions des acteurs de la diaspora n’a aucune couleur politique. Elle vise à créer seulement de la richesse nationale dans les pays membres22. Intervenant lors de la table ronde organisée par le Bureau du financement du développement des affaires économiques et sociales de l’ONU, Chukwu-Emeka a indiqué que chaque diaspora a ses particularités qu’il faut pouvoir faire ressortir afin de créer entre cette diaspora et son pays d’origine un lien productif. L’expert continue en reconnaissant que « la grande difficulté que rencontrent les professionnels africains installés en Europe et Amérique du Nord vient d’abord de l’absence de structures de contact qui leur permettraient d’entretenir un dialogue avec les autorités de leur pays d’origine 23» (Chukwu-Emeka 2006 :1). La création d’un cadre stimulant et incitatif dans lequel les acteurs de la diaspora interviendront est nécessaire. Le membre de la diaspora ne doit pas être vu comme une menace lorsqu’il décide de s’installer dans son pays d’origine pour y faire

22C’est le cas de Mexico qui fait la promotion des transferts de fonds collectifs pour faire en « sorte que la somme des envois de fonds des ménages individuels soit supérieure à la somme de leurs parties, mais les souscriptions au fonds créé pour mettre les contributions de la diaspora en concordance avec les projets de la communauté ont dépassé le montant initialement prévu » le rôle de la diaspora dans la construction de la nation-leçons à tirer par les États fragiles et les États sortants des conflits en Afrique, Banque Africaine de Développement 2011, p.9

23 Chukwu-Emeka Chikezié est Directeur exécutif de la Fondation africaine pour le développement qui réunit des professionnels africains vivant au Royaume-Uni. Il a participé à la table ronde organisée par le Bureau du financement du développement du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU sur le thème ‘’ Favoriser la création d’entreprises dans les pays en développement : le rôle de la diaspora’’.

Cette table ronde s’est tenue le 06 octobre 2006.

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des affaires. En effet, les cadres restés dans les pays d’origine sont réticents à toute ouverture surtout quand il s’agit de défendre les intérêts professionnels, partisans. Cette réticence est due à l’absence d’un cadre permettant à toutes les parties d’entretenir un dialogue constructif.

5.3 Perspectives pour une meilleure amélioration des actions de la diaspora