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Chapitre 4 : Discussion générale

4.4 Limites des études de la thèse et perspectives de recherches futures

Chaque étude comporte des limites précises qui sont présentées à l’intérieur des articles respectifs.

Premièrement, nous avons traité du rôle central des fonctions cognitives dans l’empathie, telles que l’attention, l’inhibition et la flexibilité cognitive, sans toutefois les évaluer à l’aide de tests psychométriques. En effet, les études réalisées dans le cadre de cette thèse ne permettent pas de vérifier objectivement, par l’entremise de tests neuropsychologiques par exemple, si les fonctions cognitives sont impliquées lorsque les gens apprécient la douleur d’autrui ni de décrire la nature de cette relation. Les correspondances entre les habiletés reliées à l’empathie et les régions neuronales qui sous-tendent le fonctionnement cognitif des participants pourraient être aussi examinées à l’aide de techniques en neuroimagerie (ex. imagerie par résonance magnétique). L’évaluation des fonctions cognitives est d’autant plus pertinente dans la deuxième étude, puisque les personnes atteintes d’un trouble psychotique d’évolution récente connaissent des déficits dans ce domaine (Bilder, et al., 2000; Shrivastava, Johnston, Shah, Thakar, & Stitt, 2011). Nous avons toutefois fait un effort pour minimiser l’impact d’éventuelles difficultés cognitives dans les deux études. Par exemple, nous avons eu recours à diverses stratégies afin de maintenir les participants concentrés sur la tâche (ex. allouer des pauses fréquentes).

159 Deuxièmement, une limite de nos recherches renvoie à l’utilisation du questionnaire autorapporté IRI qui permet de situer les gens sur différentes dimensions associées à l’empathie. Cette mesure a pour avantage d’évaluer directement la perception des participants et ainsi, éliminer le biais potentiel associé aux attentes de l’expérimentateur. En revanche, un inconvénient à son utilisation réside dans le fait que les résultats peuvent être influencés par des styles de réponses tenant, par exemple, aux traits de personnalité et à la désirabilité sociale. La schizophrénie est associée à une perception de soi restreinte ou erronée pouvant contaminer les réponses obtenues à partir d’une mesure autorapportée. Le recours à une version hétérorapportée du questionnaire IRI pouvant être complétée par un proche ou par un membre soignant du patient (psychiatre, psychologue, infirmier) permettrait de contourner l’inconvénient lié au biais induit par les difficultés de jugement présentes chez les personnes ayant un trouble psychotique. À ce titre, une étude révèle un écart plus grand entre les groupes de patients atteints de schizophrénie et de participants témoins lorsque la version hétérorapportée d’un questionnaire d’empathie est utilisée comparativement à la version autorapportée (questionnaire Empathy Quotient de Baron-Cohen, voir Bora, et al., 2008). Une autre solution consiste à ajouter des épreuves permettant d’objectiver de façon plus précise les habiletés de l’empathie et d’en mesurer la correspondance avec les résultats de l’IRI. Une étude réalisée auprès de personnes atteintes de schizophrénie a d’ailleurs démontré une association positive et significative entre les scores de l’échelle Prise de perspective et les résultats obtenus dans des tests de mentalisation (Hooker, Bruce, Lincoln, Fisher, & Vinogradov, 2011). Par ailleurs, le questionnaire IRI ne permet pas de déterminer si les traits rapportés par le participant sont reliés à leur niveau d’habileté (présence vs absence de déficit) ou à une propension à présenter l’attitude mesurée dans chacune des échelles (Keysers & Gazzola, 2014). Par conséquent, il est préférable de faire preuve de prudence quant à l’interprétation de ces résultats. Cette limite ouvre une possibilité de recherche future où l’habileté à adopter la perspective d’autrui pourrait être examinée à l’aide d’une tâche permettant d’évaluer si le participant choisit spontanément ou non d’utiliser cette stratégie.

Troisièmement, la taille des groupes des deux études était relativement petite, ce qui peut avoir influencé la puissance statistique et la possibilité de détecter l’effet réel des mesures. Un nombre plus élevé de participants permettrait de préciser l’estimation des tailles d’effet de nos mesures, qui sont de niveau faible à modéré, telles que le jugement des expressions faciales

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montrant une douleur atténuée (d = 0.4). Ainsi, il est pertinent de reproduire ces études avec un plus grand nombre de participants afin de mieux faire ressortir les différences entre les variables étudiées.

Ces limites étant présentées, il est possible de proposer d’autres perspectives de recherches futures pour explorer les hypothèses mentionnées dans la discussion. D’abord, nous avons suggéré que les personnes atteintes d’un trouble psychotique d’évolution récente puissent privilégier de processus de résonance automatique mieux préservés, par rapport aux fonctions contrôlées de l’empathie, pour reconnaître et apprécier les états affectifs d’autrui. Afin d’examiner cette hypothèse, l’usage de mesures neurophysiologiques serait profitable pour décrire les dynamiques temporelles de populations de neurones reliées aux processus de résonance automatique et aux processus contrôlés de l’empathie pour la douleur. Le protocole expérimental utilisé dans la première étude s’avérerait pertinent pour répondre à cette question. De même, nous avons souligné l’intérêt d’examiner l’évolution des habiletés liées à l’empathie par rapport aux stades de la psychose. Ceci pourrait être réalisé à l’aide d’un devis prospectif longitudinal auprès de jeunes à risque de développer une psychose pour observer leur évolution jusqu’à l’âge adulte (ou aux phases plus chroniques de la maladie). Puis, il pourrait être pertinent de comparer le fonctionnement social (compétences sociales, qualité des relations interpersonnelles, etc.) des personnes atteintes d’un trouble psychotique avant et après l’application d’interventions thérapeutiques axées sur le développement des habiletés de l’empathie. Cette démarche permettrait de déterminer les bénéfices quant à l’application de telles méthodes d’intervention dans les programmes de réintégration sociale pour ces personnes. Enfin, il serait intéressant d’investiguer si l’évaluation de situations aversives, comme des évènements douloureux, peut avoir une incidence sur la présence de sentiments négatifs, comme la détresse, et sur le fonctionnement social des personnes à risque de développer une psychose.