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La synthèse précédente sur les facteurs de risque d’arrêt de première ligne de HAART souffre de limites liées aux caractéristiques diverses des études existantes. Une des premières différences concerne le type de population étudiée (contexte différent, âge différent), mais aussi le délai de suivi (court, moyen, long), le schéma d’étude (cohorte prospective ou rétrospective, étude transversale [13]), la définition de l’arrêt de la première (variable selon les auteurs) ou encore la période d’étude. Les périodes récentes pendant lesquelles ont été utilisées de nouvelles molécules présentées comme ayant un meilleur profil de tolérance [3] sont peu souvent incluses dans les travaux existants. Ces différences limitent donc la possibilité de comparer les résultats et d’en tirer une synthèse pertinente à l’ère de la STTR.

Par ailleurs un aspect de méthodologie statistique fragilise encore la possibilité d’utiliser les résultats de ces travaux. Certains auteurs ont utilisé des modèles classiques, tels que le modèle logistique [9, 16] ou le modèle de Poisson [17], qui ne tiennent pas compte d’une particularité de l’analyse des arrêts de traitement. En effet l’analyse des arrêts des premières lignes relève d’une situation de risques compétitifs compte tenu des liens cliniques (ou biologiques) d’une cause impactant sur l’autre. Une intolérance peut modifier la probabilité de survenue d’un arrêt pour un problème d’observance. Ce dernier peut conduire à un traitement sous-optimal, modifiant le risque de survenue d’un arrêt lié à l’échec thérapeutique et aux mutations de résistances. Un succès peut aussi modifier la probabilité de survenue d’une interruption de première ligne pour simplification thérapeutique. Substantiellement, un facteur de risque pourrait avoir différents effets sur ces événements d’arrêts qui sont en concurrence. D’autre part, lors de la collecte des données, même si plusieurs causes d’arrêts apparaissent simultanément chez un patient, le médecin renseigne dans le dossier médical informatisé la cause prépondérante créant ainsi artificiellement une compétition entre celles-ci. C’est à dire que les causes d’arrêt sont considérées comme exclusives (si un sujet arrête pour intolérance, il n’arrête pas pour échec thérapeutique par exemple). Il y a donc une « compétition » entre les types d’arrêt pour ce qui est d’apparaître en premier. Chaque sujet est donc soumis à plusieurs risques d’arrêt en même temps, et l’observation s’interrompt au premier type d’arrêt observé.

Or dans l’analyse, la prise en compte ou non d’une situation de risques compétitifs est susceptible de modifier les résultats. Peu d’études portant sur l’analyse des arrêts se sont intéressées aux questions relatives à l’existence d’une compétition des risques. Par ailleurs, les études ayant eu recours à des modèles à risques compétitifs ont souvent utilisé l’une des deux approches populaires de l’analyse des risques concurrents (les approches causes-spécifiques de

Cox ou sous-répartition de Fine-Gray) et, très peu ont implémenté ces deux méthodes de façon conjointe, ce qui est l’approche dorénavant conseillée [20].

J’ai mené une recherche bibliographique en consultant les principales bases de données médicales (MedLine, Google Scholar, BDSP, SciencesDirect, etc.) et la littérature grise (rapports d'études ou de recherches, actes de congrès, thèses, brevets, etc.) de manière à recenser les principaux articles et ouvrages sur les 10 dernières années, à partir des mots clés suivants « HAART Interruption or Discontinuation » ; « Durability », « stopping », « switch »; « Sustainability » ; « Change of ARV » ; « First antiretroviral termination ». Cette recherche bibliographique révèle que sur la majorité des études identifiées, 54,5 % (N=18) n’utilisaient que l’approche cause-spécifique. Les auteurs [4, 65], souvent cliniciens, ne la considérant pas comme une approche d’analyse des risques compétitifs. Le tableau 8 ci-dessous donne un bref aperçu des méthodes d’analyses fréquemment rencontrées dans la littérature.

Tableau 8 : revue des principales méthodes d’analyses des études observationnelles des arrêts des premières lignes de HAART sur les 10 dernières années

Analyse statistiques n %

Modèles

Logistique 7 21,2

Poisson 1 3,0

Autres 2 6,1

Modèles à risques compétitifs

Cox cause-spécifique 18 54,5

Cox données dupliquées 2 6,1

Fine-Gray sous-répartition 2 6,1

Cox cause-spécifique & Fine-Gray sous-répartition 0 0,0

Klein-Andersen pseudo-values 1 3,0

Autres 0 0,0

Total 33 100

Les auteurs ont souvent fait appel au modèle logistique lorsque le délai de censure était court tel que réalisée par dans l’étude de Vo et al. dans la cohorte suisse [9]. Dans plus de la moitié des cas (54,5 %) un modèle de survie classique, en l’occurrence le complément de l’estimateur de Kaplan-Meier [123] pour l’incidence cumulée et le modèle de Cox [18] cause-spécifique pour les facteurs de risque a été utilisé. L’estimateur CIF [124-126] ou le modèle de Fine-Gray [19], ont été très peu utilisés dans les études sélectionnées. Aucun article ne présentait les deux approches

simultanément alors même qu’une meilleure compréhension de l'effet des facteurs pronostiques sur les paramètres des risques compétitifs nécessite de modéliser en recourant à la fois à l’approche instantanée cause-spécifique de Cox et celle d’incidence cumulée sous-répartition de Fine-Gray [20, 127].

L’ensemble de ces limites fragilisent ainsi les résultats des études portant sur l’analyse de l’incidence et des causes d’arrêt des premières lignes de HAART et restreint de fait la possibilité d’en tirer une synthèse générale. Alors même que ces données sont essentielles aux modélisations jugeant de l’efficacité de la STTR, le fait de ne disposer que de peu d’études recourant à des méthodes statistiques appropriées à la situation spécifique de l’analyse des arrêts de première ligne (situation de risques compétitifs) et incluant les traitements récents pourraient rendre les hypothèses faites sur les taux d’arrêts caduques.

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Objectifs de ce travail de thèse

L’objectif est d’évaluer, dans une cohorte de patients nouvellement traités, l’incidence et les déterminants des arrêts des premières lignes pour cause d’intolérance, d’échec immunovirologique et de simplification thérapeutique, en utilisant des méthodes statistiques appropriées à la situation des risques compétitifs, à l’ère de la stratégie de prévention dite STTR.

Une attention particulière sera donnée aux périodes récentes de traitement de manière à analyser si les nouvelles HAART réputées moins toxiques sont effectivement associées à une meilleure durabilité de la première ligne.

Les données utilisées dans ce travail sont issues d’une cohorte de patients primo traités que j’ai participé à constituer, tous ces patients étant suivis dans les centres participants au groupe

Dat’AIDS®.

Le travail d’analyse se divise en deux parties :

• La première partie a pour but de mettre en évidence l’importance de la méthode

statistique à travers une étude comparant l’effet sur les résultats du choix du modèle statistique utilisé ;

• Sur une base de données nationale, la seconde partie, enrichie de ce premier travail

d’ordre méthodologique, s’applique à analyser avec les méthodes appropriées les arrêts de traitement.

Les résultats sont discutés à la lumière du contexte actuel autour de la stratégie STTR dans laquelle le succès et la durabilité de la première ligne de HAART constituent un enjeu important.

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Chapitre IV - La cohorte Dat’AIDS

®

ARV1

La première partie de ce chapitre présente la base de données Nadis® ayant servi de source

d’extraction pour constituer notre cohorte. La deuxième partie du chapitre est consacrée à la description de la constitution de cette cohorte d’étude.