2 Renforcer l’offre de soins sur l’ensemble du territoire et structurer les activités de recours en fidélisant des professionnels de santé qualifiés activités de recours en fidélisant des professionnels de santé qualifiés
2.8 Limiter les évacuations sanitaires d’urgence pour réduire les pertes de chance des Guyanais
2.8.1 Améliorer la prise en charge du syndrome coronarien aigü (SCA) 2.8.1.1 Une priorité de santé publique
Les cardiopathies ischémiques représentent la troisième cause de décès prématurés en Guyane après les causes accidentelles et les affections périnatales. Une évacuation en urgence sur trois, réalisée en 2019, est due à une affection de l’appareil circulatoire. Selon l’étude FAST MI 201540, la mortalité hospitalière des SCA ST+ était significativement plus importante en Guyane qu’en métropole (8,5 % vs 2,8 %).
40 FAST MI 2015 : observatoire français des syndromes coronariens aigus avec ou sans sus décalage de ST. Investigateurs principaux Pr N Danchin, Pr F Schiele, Pr S Tabassome
2.8.1.2 Une priorité du projet médico‐soignant partagé sous contrainte de tensions sur les ressources
La prise en charge H 24 des SCA est une priorité du PMSP du GHT. L’équipement médical est adapté avec un plateau d’exploration cardiaque invasive (coronarographie, angioscanner coronaire, exploration électrophysiologie) et un plateau d’exploration cardiaque non invasive.
La tension sur les ressources humaines est majeure pour cette spécialité : un seul cardiologue interventionnel qui vient d’être qualifié et un autre récemment recruté qui n’a pas souhaité rester.
Pour une file active évaluée à 300 angioplasties par an, l’effectif cible en cardiologues interventionnels est de trois praticiens pour assurer une astreinte H24. Cette cible RH est inférieure aux recommandations de la société française de cardiologie (SFC), mais calculée sur un bassin de population plus important que la réalité territoriale, et pour une garde H24 et non une simple astreinte. Par ailleurs, l’effectif de cardiologues doit également être complété pour avoir, selon la cible validée par le PMSP, une équipe de cinq médecins qualifiés alors qu’il n’y a, aujourd’hui, aucun PH, et seulement deux contractuels qualifiés.
Depuis mai 2019, une équipe de cardiologues interventionnels du CHU de Martinique est venue soutenir cette activité au CHC, pour assurer les gestes de reperméabilisation coronaires programmée et assurer la formation du cardiologue, dont la qualification en interventionnel vient d’être reconnue.
Grace à cette activité réalisée désormais au CHC, il n’y a eu, en 2020, aucune évacuation sanitaire en urgence de patients pour angioplastie.
2.8.1.3 Une montée en charge progressive qui gagnerait à être accompagnée pour répondre aux recommandations de la société française de cardiologie
Selon la SFC, la création d’une activité de cardiologie interventionnelle doit correspondre à un besoin sanitaire réel. Le critère populationnel proposé au niveau de la métropole, d’un centre pour un bassin de population de 350 000 habitants, n’est pas adapté dans le contexte de la Guyane. Cette activité doit être implantée localement, même en deçà de la référence populationnelle nationale, pour éviter les EVASAN vers la Martinique ou la métropole.
Cette pratique doit répondre d’emblée aux recommandations concernant la formation et la compétence du personnel médical et paramédical. Une fois formé, un cardiologue coronarographiste doit réaliser au moins 250 cathétérismes diagnostics par an et 125 cathétérismes thérapeutiques.
Le délai de mise en route de cette activité progressive est estimé à trois ans. Cette période sera nécessaire pour conforter l’équipe et les compétences. Pour accompagner le développement de cette pratique et en garantir la qualité, il serait utile d’avoir recours au soutien et à l’expertise du Groupe athérome coronaire et cardiologie interventionnelle (GACI).
2.8.2 Mieux traiter les accidents vasculaires cérébraux 2.8.2.1 Une priorité de santé publique
Le taux standardisé d’hospitalisation pour AVC était supérieur de 40 % au taux hexagonal en 2016 : 236 vs 170. En 2019, il y a eu 483 hospitalisations pour AVC. La forte prévalence des facteurs de risque, notamment l’hypertension artérielle, explique la fréquence élevée des AVC en Guyane.
Les EVASAN en urgence pour affections neurologiques représentent 20 % du total, mais aucune n’est réalisée pour le traitement en urgence d’un accident ischémique cérébral, le délai du transfert étant incompatible avec le délai limite pour réaliser ce traitement.
Même si les trois sites disposent du plateau d’imagerie nécessaire au diagnostic (Scanner et IRM) et peuvent fonctionner H24, les retards de prise en charge de l’urgence restent fréquents ; ce qui s’expliquent aussi par un défaut d’alerte et par des délais pré-hospitaliers.
2.8.2.2 Une priorité du projet médico‐soignant partagé mais une forte disparité territoriale pour la réalisation de thrombolyse
La seule alternative thérapeutique est donc aujourd’hui la thrombolyse41 en urgence. La plateforme télé AVC, avec le CHU de Besançon est opérationnelle depuis 2017, et peut être activée avec les trois CH. À ce jour, 514 avis ont été rendus (environ 140 par an) et 56 thrombolyses réalisées (environ 18 par an). Les données d’activité montrent une grande disparité entre les trois CH, 83 % des avis sont sollicités par le CHC et seulement 6 % par le CHOG. La perte de chance est importante pour tous les patients de l’Ouest guyanais.
Le PU-PH de neurologie, après deux ans d’exercice au CHC dans le cadre d’une disponibilité, a été nommé en septembre 2020 par mutation du CHU de Tours. Il est mobilisé pour renforcer cette filière, en commençant par la formation des personnels présents, notamment par le diplôme universitaire (DU) d’urgence neuro-vasculaire.
2.8.2.3 Une montée en charge progressive qui dépendra des recrutements et compétences médicales
Dans cette discipline également, la question des RH et des compétences est aujourd’hui un facteur limitant. L’objectif de rendre l’établissement autonome pour la prise en charge des AVC est programmé pour la fin 2022. La valence hospitalo-universitaire du chef de service sera un atout pour développer des partenariats RH, attirer des postes partagés et des internes inter CHU notamment avec le CHU de Tours ou celui de Besançon.
La Société française neuro vasculaire (SFNV) travaille sur une actualisation des recommandations pour la prise en charge de l’infarctus cérébral, notamment sur les indications de la thrombectomie42. À plus long terme, et en fonction de ces recommandations cliniques (bassin de population pour une masse critique d’actes à réaliser) et de l’évolution du droit des autorisations, l’accès à la thrombectomie sur le territoire pourra s’envisager. Cet accès thérapeutique nécessitera des équipements complémentaires et surtout la disponibilité de neuroradiologues interventionnels, spécialistes dont le GHT ne dispose pas à ce jour.
41 La thrombolyse intraveineuse est un acte d’urgence qui consiste à injecter une substance capable de dissoudre le caillot qui bouche l’artère du cerveau cause de l’infarctus cérébral. L’infarctus cérébral et l’hémorragie cérébrale sont les deux causes d’AVC.
42 La thrombectomie est une intervention chirurgicale pour aller chercher le caillot qui bouche l’artère cérébrale.
2.8.3 Renforcer la filière soins critiques 2.8.3.1 Une priorité de santé publique
L’offre de soins critiques sur le GHT de Guyane est aujourd’hui très insuffisante, aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Les difficultés rencontrées lors de la crise Covid 19 en ont apporté la démonstration, même si la mobilisation exceptionnelle des ressources locales, les renforts extérieurs et les EVASAN ont permis de faire face au pic épidémique de l’été dernier. Dans le contexte d’un retour d’expérience (RETEX) sur la gestion de crise, l’ARS a demandé au directeur du CHC et au PU-PH, chef de service de réanimation, de « coordonner le projet d’augmentation capacitaire en soins critiques du GHT de Guyane ».
« Pour les adultes, l’objectif capacitaire en soins critiques envisagé nationalement (10 lits de réanimation et 15 lits d’unité de soins intensifs de psychiatrie (USIP) pour 100 000 habitants), si elle peut s’avérer nécessaire à long terme, n’apparaît pas justifiée, ni envisageable dans l’immédiat pour le territoire, hors les circonstances exceptionnelles que nous venons de connaître.
Pour autant, une augmentation capacitaire importante s’avère nécessaire à très court terme pour les adultes comme pour les enfants, ainsi qu’une répartition territoriale plus équitable pour apporter une réponse de proximité. Ces nouvelles capacités s’inscrivent dans le cadre d’une offre graduée et surtout dans une démarche d’amélioration de la qualité des prises en charge en soins critiques par la formation, le suivi et l’encadrement des équipes médicales et soignantes des différentes unités, au sein de l’équipe médicale de territoire de médecine intensive et de réanimation, mise en place par le GHT.
Avec ces objectifs, le GHT est parvenu à un consensus sur le niveau capacitaire à atteindre à court et moyen terme ainsi que sur la répartition des lits entre les différents sites hospitaliers, sous condition de disponibilité des moyens humains, notamment paramédicaux, adaptés. »43
La mission partage les objectifs selon lesquels les capacités de lits de soins critiques doivent être sensiblement augmentées.
2.8.3.2 Une priorité du projet médico‐soignant partagé
Le PMSP retient que la prise en charge des patients en état critique repose sur des structures de nature différente, apportant une réponse adaptée aux besoins du patient, selon une gradation de la gravité clinique. La filière de soins critiques sur le territoire est pilotée par le chef de service, nommé PUPH en septembre 2020. Elle repose sur une équipe médicale de territoire44. Début 2020, l’essentiel des capacités de soins critiques étaient installées au CHC, à l’exception de quatre lits de surveillance continue au CHOG.
43 Rapport Pr Kallel, Dr Ménard (CHC)
44 Les indications cliniques de la filière soins critiques : Les patients sont hospitalisés en réanimation parce qu’ils ont une maladie aiguë et grave, avec une défaillance multi viscérale ; dans les services de soins intensifs, le patient est admis pour une défaillance aiguë d’organe correspondant à l’unité de soins intensifs de cardiologie (USIC), soins intensifs neuro vasculaires (USINV). Il existe enfin la filière de surveillance continue post réanimation, post opératoire ou post urgence au décours d’une hospitalisation.
Tableau 5 : Capacité de soins critiques au 1er février 2020
Réanimation Surveillance
Continue USINV USIC
CHC 11 5 0 6
CHOG 0 4 0 0
CHK 0 0 0 0
GHT 11 9 0 6
Source : Rapport Pr Kallel, Dr Menard
2.8.3.3 Une évolution progressive du capacitaire jusqu’à l’échéance 2024, portée par une fédération médicale interhospitalière de réanimation
Tableau 6 : Proposition d’évolution du capacitaire pour les soins critiques
Source : Rapport Pr Kallel, Dr Ménard45
La coopération territoriale est le principe d’organisation intégrée de cette filière, qui permettra de fédérer les équipes. Quelle que soit leur localisation, les différentes unités de soins critiques du GHT sont liées à l’unité de réanimation de référence du territoire au CHC, dans le cadre de l’équipe médicale de territoire de médecine intensive réanimation.
Ce projet d’extension capacitaire nécessitera une augmentation des ressources humaines et une adaptation architecturale avec l’objectif de regrouper les deux unités, réanimation et soins intensifs (cf. partie attractivité/gouvernance).
En moyenne quinze transferts pour réanimation pédiatrique sont réalisés en urgence chaque année.
Aux dires des médecins rencontrés, le besoin est en réalité supérieur. Un complément d’étude est
45 A la dernière ligne, lire GHT au lieu de CHK
nécessaire pour objectiver ce besoin et anticiper les ressources humaines médicales et paramédicales nécessaires pour assurer un fonctionnement H24.
Recommandation n°16 Renforcer sensiblement le nombre de lits de soins critiques, y compris pédiatriques, adapter à cette fin les autorisations et former les personnels qualifiés.