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Des leviers pour renforcer l’offre de soins primaires

2 Renforcer l’offre de soins sur l’ensemble du territoire et structurer les  activités de recours en fidélisant des professionnels de santé qualifiés activités de recours en fidélisant des professionnels de santé qualifiés

2.3 Des leviers pour renforcer l’offre de soins primaires

« C’est souvent avant l’hôpital que tout se joue », tel est le constat du Pr Nacher lors de sa récente publication d’analyse des indicateurs de santé de la population guyanaise18.

2.3.1 Un déficit démographique qui témoigne de l’urgence à agir 

Fin octobre 2020, 176 médecins libéraux étaient inscrits à l’ordre dont 116 médecins généralistes.

En rappel de l’analyse détaillée de ces chiffres réalisée en première partie du rapport, il faut retenir que les médecins libéraux sont peu nombreux, mal répartis, et beaucoup sont en fin de carrière. Il ne s’agit pas seulement de corriger ce déficit mais d’anticiper son aggravation dans les cinq prochaines années si rien ne change.

En Guyane, les réalités territoriales ont un impact sur l’organisation des soins primaires. Les libéraux sont installés pour l’essentiel dans les communes du littoral et les CDPS couvrent les territoires de la Guyane de l’intérieur. Tous les médecins inscrits à l’ordre sont ainsi installés sur le littoral, sauf deux médecins généralistes (MG), installés dans des communes de l’intérieur accessibles par la route (Apatou et St Georges de l’Oyapock). Les libéraux rencontrés ont mis en avant une « concurrence » des CDPS, compte tenu de l’accès aux soins gratuits qui limiterait leur installation sur ces territoires de l’intérieur. Cette objection n’a pas été confirmée par l’échange avec le médecin généraliste rencontré à la maison de santé pluriprofessionnelle de Saint-Georges de l’Oyapock.

Le constat du déficit démographique des médecins libéraux est sans appel et les causes identifiées sont des freins à lever pour favoriser et accompagner l’installation de nouveaux praticiens. Les leviers doivent conjuguer les mesures incitatives et organisationnelles. Attirer les jeunes médecins au moment de leur formation et leur proposer des modalités d’exercice regroupées et diversifiées qui répondent à leurs attentes, constituent une priorité pour tenter de combler le déficit de professionnels.

17 Décision du président du HCSP n° 09bis modifiant la décision n° 09 du 26 février 2020.

18 BEH n° 2-3-2_ janvier 2020, Santé globale en Guyane : étude descriptive et comparative de quelques grands indicateurs.

2.3.2 C’est pendant les études médicales que tout se joue 

La connaissance du territoire et les spécificités des pathologies rencontrées sont des éléments de découverte importants pendant les stages d’externes et d’internes. Le manque d’attractivité de la Guyane permet difficilement d’attirer un médecin diplômé qui n’a pas eu d’expérience préalable sur ce territoire.

Parce que beaucoup de médecins aujourd’hui en activité se sont installés après une mission en tant que « volontaires à l’aide technique » (VAT), les représentants du Conseil départemental de l’ordre (CDOM) rencontrés plébiscitent ces missions médicales, en complément des missions de renforts de la réserve sanitaire, pour découvrir l’intérêt d’un exercice en Guyane.

Parmi les pistes précisément décrites dans le chapitre formation qui suit, il faut annoncer ici celle qui a trait au développement de la maîtrise de stage. En effet les médecins libéraux, maîtres de stages universitaires (MSU) sont trop peu nombreux en Guyane, ce qui ne permet pas d’accueillir et de former des internes de médecine générale qui pourront, ensuite, faire le choix d’une carrière professionnelle en Guyane.

Le contrat d’engagement de service public (CESP) constitue également un parcours de formation des médecins (et chirurgiens-dentistes) pour accompagner des projets professionnels en Guyane. Ce dispositif est peu connu par les internes rencontrés pendant la mission. Des propositions pour l’adapter au contexte des Outre-mer seront formulées au chapitre formation.

Une autre voie de découverte des particularités d’exercice sur ces territoires serait de proposer des missions de volontariat civil à l’aide technique (VCAT). Santé publique France qui sait organiser des missions courtes de renfort dans le cadre de la réserve sanitaire et le service de santé des armées (SSA) de Guyane, implanté dans les territoires isolés et qui a l’expérience des missions anciennes du VAT, pourraient ainsi coopérer pour organiser des missions d’appui de plusieurs mois. Celles-ci permettraient d’accompagner des jeunes et de les former aux spécificités de santé publique du territoire. Cette période tutorée pourrait faire naitre des projets d’installation.

2.3.3 Des aides à l’installation encore mal connues et inefficaces seules 

La France dispose d’une large palette de dispositifs incitatifs, qui repose sur un triple niveau d’intervention : les aides conventionnelles, les aides de l’Etat et les aides des collectivités territoriales.

Ces aides au maintien et à l’installation des médecins sont liées au zonage arrêté par l’ARS qui définit les zones d’intervention prioritaires (ZIP). En Guyane, les 22 communes sont toutes classées en ZIP.

Ainsi, un médecin qui fait le choix d’une installation en Guyane, peut prétendre à ces aides, sous forme d’aide en investissement à l’installation, de garantie minimum de revenu d’activité, d’aide en fonctionnement proportionnée aux revenus d’activité et de prise en charge des frais de déplacement.

Ces dispositifs montent en puissance. En 2019, quatorze médecins, deux chirurgiens-dentistes et neuf sages-femmes ont bénéficié de mesures incitatives à l’installation pour un montant total de 380 000 €. En 2020 (chiffres arrêtés à novembre), des aides, d’un montant total de 853 000 € ont été allouées à 20 médecins et neuf sages-femmes. Mais ces incitations financières doivent être complétées par d’autres mesures, en termes d’attractivité et de modalités d’exercice pour attirer et fidéliser des professionnels.

2.3.4 Les  déterminants à  l’installation  des jeunes  médecins sont  multiples et  ne  se limitent  pas à des considérations financières 

Si les attaches antérieures à un territoire ou la connaissance de celui-ci, notamment pendant les études, sont des critères de choix du lieu d’installation, ce ne sont pas les seuls déterminants.

Si les mesures incitatives peuvent aider, elles ne sont pas suffisantes pour emporter la décision d’installation du jeune médecin.

Une récente enquête du conseil national de l’ordre des médecins19 confirme que le cadre de vie, les conditions d’exercice et le travail en réseau avec d’autres professionnels de santé, sont des facteurs-clefs pour l’installation des jeunes médecins.

Selon cette étude, seuls 3 % des jeunes médecins souhaitent un exercice isolé, 45 % veulent un exercice regroupé en Maisons de santé pluriprofessionnelles ou cabinets de groupe et 27 % se dirigent vers un exercice mixte, salarié et libéral.

En Guyane, c’est principalement un mode d’exercice isolé qui prévaut, il n’existe que cinq MSP20. La création de MSP ne peut se faire sans le soutien de l’URPS, avec l’aide d’un pair « leader » local, qui mobilise les acteurs de santé du territoire. L’ARS et la CGSS peuvent aider en finançant un accompagnement pour la rédaction du projet de santé, et un support juridique. La CTG est également engagée pour accompagner l’éventuelle phase de construction de bâtiments ou de mise en place d’équipements. L’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) permet d’accompagner financièrement ces collectifs professionnels, notamment pour libérer du temps médical en finançant des postes de coordination et d’assistants médicaux (onze contrats d’assistants médicaux sont ainsi en cours de signature).

La possibilité d’un exercice mixte pour les jeunes médecins généralistes, accompagnés par le dispositif national des « 400 MG », qui permet à des jeunes en fin de cursus, de débuter leur exercice à temps partagé, entre le libéral (ou centre de santé) et l’hôpital (sur un statut de praticien contractuel), n’a pas trouvé son public en Guyane, alors même que ce mode d’exercice mixte est en apparence plébiscité.

Recommandation n°5 Favoriser l’installation de nouveaux médecins généralistes en leur proposant des modalités d’exercice diversifiées (maisons de santé, cabinets de groupe, exercice mixte ville-hôpital). Développer les maisons de santé pluriprofessionnelles et promouvoir le dispositif « 400 MG ».

2.3.5 Le cumul emploi retraite (CER), un dispositif utile en période de transition 

Les médecins, membres du CDOM, ont insisté auprès de la mission, sur la nécessité d’accompagner les médecins qui prolongeront leur activité, pour corriger l’effet ciseaux inéluctable entre les départs à court terme et l’arrivée de nouveaux diplômés à moyen terme.

L’évolution du dispositif CER répond à cet objectif. Le CER permet à un médecin généraliste retraité, qui accepte de reprendre une activité, de bénéficier d’une exonération de cotisations complémentaires vieillesse, tant que son revenu annuel d’activité est inférieur à un plafond, plafond qui a été doublé au 1er janvier 2020 et porté à 80 000 €. Le CER permet par ailleurs une souplesse

19 CNOM Enquête sur les déterminants à l’installation- avril 2019

20 Les 5 MSP en Guyane : une sur la commune de Cayenne, 3 sur la commune de Matoury et une à St Georges de l’Oyapock qui a été rencontrée par la mission.

quant aux conditions d’exercice, en temps et en modalités. Le médecin en CER exerce le plus souvent sur des périodes discontinues en tant que remplaçant ou adjoint d’un médecin installé.

Le CDOM s’engage à relayer cette évolution du dispositif. La moitié des médecins retraités sont inscrits par le CDOM comme étant « actifs ». Cependant, la mission n’a pas pu obtenir le nombre de médecins bénéficiant du CER. Les médecins de l’URPS rencontrés par la mission ont proposé une mesure d’exonération fiscale pour le maintien en activité des médecins, à l’image des règles fiscales proposées dans les zones d’aide à finalité régionale (ZAFR).

La mission propose plutôt que soit étudiée la mise en place d’un dispositif d’exonération de charges fiscales et sociales en faveur des professionnels de santé libéraux s’installant en Guyane, sur le modèle des dispositifs ZFU/ZRU, sous condition stricte de maintien de leur présence en Guyane, sur le moyen terme.

2.3.6 Des  communautés  professionnelles  territoriales  de  santé  pour  améliorer  l’accès  aux  soins sur les territoires et développer l’exercice coordonné 

Créée par l’article 65 de la loi de modernisation de notre système de santé, la CPTS a pour vocation d’être une organisation souple de coordination, à la main des professionnels libéraux, notamment quand ils sont organisés en MSP, autour d’un projet de santé qui tient compte des besoins du territoire. Ce projet de santé de territoire permet de déterminer les priorités de prévention (cf.

chapitre précédent), de s’accorder sur une organisation pour les soins non programmés et l’accès au médecin traitant. Il détermine les conditions de déploiement de la TLM, télésoins ou téléexpertise. Il valide les pratiques partagées sur des filières prioritaires pour ce territoire, par exemple santé mentale, ou périnatalité. Un accord conventionnel interprofessionnel signé en juin 2019, vise à apporter un soutien financier au fonctionnement de ces CPTS et à l’investissement (outils numériques) et finance certaines missions comme la prévention. Cet accord conventionnel permet également de valoriser le travail de coordination nécessaire pour accompagner les missions collectives et libérer ainsi du temps soignant.

Il n’y a aujourd’hui en Guyane, aucun projet de CPTS, validé par la CGSS et l’ARS.

Ce dispositif est sans doute encore mal connu par les professionnels ; un travail préparatoire de conception, regroupant l’ARS, les URPS, la CGSS et le GHT constitue un préalable. Les médecins libéraux très occupés par leur exercice quotidien objectent, à raison, le manque de temps pour formaliser un projet de santé pluriprofessionnel. Le soutien des URPS, l’implication d’autres professionnels de santé (IDE et pharmaciens notamment), et un accompagnement externe avec soutien financier de l’ARS, peuvent lever ce frein.

Dans le chapitre à suivre sur les CDPS, le rapport revient sur tout l’intérêt de ce collectif professionnel de santé pour rassembler tous les soignants des territoires isolés. En l’absence de médecin libéral sur ces territoires, l’initiative de création de CPTS doit être portée par le CHC, qui gère les CDPS.

Recommandation n°6 Promouvoir et soutenir la création de communautés professionnelles territoriales de santé. Adapter le cadre conventionnel pour que ces communautés puissent se constituer dans les territoires isolés, où n’exercent pas de médecins libéraux.

2.4 Des  centres  délocalisés  de  prévention  et  de  soins  à  conforter  et  des  hôpitaux  de 

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