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Limitations des approches existantes dans une démarche universelle

Chapitre I : Etat de l’art scientifique et problématique de recherche

2 La réalité virtuelle en conception de produit centrée sur l'homme

2.6 Limitations des approches existantes dans une démarche universelle

Comme présenté précédemment, les capacités d’immersion sensorielle et motrice fournies par la réalité virtuelle sont essentielles dans la conception de produits centrée sur l’homme, notamment au niveau de la simulation de l’usage et de l’activité de l’utilisateur. Cependant, certaines limitations peuvent être soulevées, notamment dans le contexte extrêmement spécifique de la conception universelle.

Un des principaux verrous méthodologiques que nous pouvons soulever est le manque de prise en

compte des caractéristiques spécifiques de l’utilisateur (mannequin numérique) dans l’interaction avec l’EV, et donc la simulation de l’activité et de l’usage.

En effet, les travaux existants sont essentiellement basés sur une immersion visuelle du concepteur permettant une meilleure appropriation du concept virtuel étudié, mais sans fournir de possibilité d’interaction avec celui-ci. La réalité virtuelle permet alors le plus souvent une simple visualisation du produit. Certaines approches ont été développées pour permettre d’intégrer une interaction « physique » avec l’EV. Cependant, l’interaction est toujours propre au concepteur immergé. Dans Chitescu (2005), cette interaction est définie par le triptyque « Homme réel, Produit virtuel, Environnement virtuel ». Or, cet « Homme réel » est intrinsèquement l’opérateur en immersion. Ainsi, l’activité simulée est celle de l’opérateur, et non réellement celle de l’utilisateur. Il est évident que si ce sont les utilisateurs cibles qui réalisent les évaluations immersives, l’activité construite devient alors représentative. Cependant, une telle approche systématique pose des questions en termes de couts d’investissement, spécialement dans le cas de produits devant satisfaire une grande

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variété de capacités, comme dans une approche inclusive. Ce point sera discuté dans le paragraphe suivant.

Bien que centrées sur l’homme, les approches existantes ne permettent le plus souvent pas d’exploiter les avantages de la réalité virtuelle sur le point clé du problème : l’utilisateur (mannequin numérique). Cette spécificité induit que l’expert métier en immersion, bien qu’acteur de la conception, n’en reste pas moins, dans une certaine mesure, spectateur de l’activité du mannequin. Dans Mahdjoub (2007) un mannequin numérique est intégré dans les simulations par réalité virtuelle, mais celui-ci reste observé d’un point de vu extérieur par le concepteur, ne réalisant qu’une reproduction mimétique des gestes visualisés. Certains travaux ont développé des simulations permettant de se mettre « dans la peau » de l’utilisateur, par le biais d’une vue immersive à la première personne. Cependant dans ce cas, seul le point de vue est simulé, et l’interaction est alors soit inexistante, soit encore une fois propre au concepteur immergé. Il existe donc un réel manque pour les concepteurs à se mettre à la place du mannequin numérique (utilisateur), pour évaluer interactivement et de manière objective et subjective le produit. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas d’utilisateurs cibles ayant des capacités physiques spécifiques, comme dans une approche inclusive.

En effet, les spécificités physiques des personnes déficientes engendrent des contraintes supplémentaires dans la prise en compte de l’usage et de l’activité souhaitée. Une interaction immersive « spectateur » par rapport au mannequin ne peut par exemple pas permettre une prise en compte efficace des stratégies de compensation mises en œuvre par l’utilisateur en situation de handicap. La simulation et l’anticipation de l’activité future peuvent dans ce cas être très différentes de celles qu’elles seraient en réalité. Nous pouvons ainsi soulever un manque dans la modélisation et l’anticipation de l’impact des limitations physiques sur l’activité de l’utilisateur, et donc sur l’usage du produit associé. Ceci est résumé d’un point de vue plus global par le manque d’une méthodologie

permettant d’intégrer efficacement les capacités physiques particulières des personnes en situation de handicap dans les simulations immersives. D’ailleurs selon Baeulme et al. (2010b), bien

que la réalité virtuelle, du fait de ses capacités d’immersion sensorielle et motrice, montre toute sa pertinence dans le processus de conception, son utilisation pour l’intégration des aspects liés aux situations de handicaps n’en est encore qu’à ses prémisses.

Un intérêt fort de la réalité virtuelle est de permettre une meilleure analyse qualitative et subjective du besoin, de par les capacités d’immersions motrices et sensorielles fournies. Or, peu de travaux se sont penchés sur la nécessité pour les concepteurs (et spécifiquement l’ergonome) de disposer d’outils directement intégrés aux outils de RV pour pouvoir analyser l’activité future de l’utilisateur. Mahdjoub (2007) propose d’intégrer des outils d’évaluations ergonomiques en réalité virtuelle. Cependant, comme la plupart des études présentes dans la littérature, l’approche proposée est essentiellement normative, c.à.d. basées sur des normes ergonomiques prédéfinies. Les contraintes biomécaniques étudiées sont alors représentatives d’une personne « idéale » ne souffrant d’aucune limitation physique particulière. Or, dans le cas de personnes ayant des limitations fonctionnelles spécifiques, ces évaluations ne sont plus consistantes, et dépendent des déficiences étudiées. De plus, comme énoncé précédemment, ces évaluations sont basées sur l’interaction de l’opérateur avec l’EV, et non sur les caractéristiques spécifiques du mannequin numérique (et donc de

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l’utilisateur). Il existe donc un réel manque d’outils permettant d’analyser et d’anticiper l’activité de

personnes ayant des déficiences physiques dans l’EV.

Enfin, de nombreuses applications utilisant la réalité virtuelle dans la conception de produits centrés sur l’homme (comme celles présentées dans Mahdjoub (2007) et Bennes (2013)) sont basées sur des cas d’usages particuliers, dans un contexte spécifique, et pour un utilisateur bien défini. Très peu de travaux traitent d’études de cas où le produit final doit répondre aux attentes et exigences d’un large spectre de personnes, comme dans le cas d’une conception pour tous. Il y a donc également un manque d’une définition d’une méthodologie globale utilisant l’apport des outils de la réalité virtuelle dans une démarche de conception inclusive.